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mois d'avril 1796. Plusieurs villes d'Italie, Turin, Milan, Mantoue, Ve-
nise et Rome, contribuèrent également pour quinze cents manuscrits.
Sur ce nombre, cinq cents, dont plusieurs grecs, avaient été choisis
dans les différents fonds du Vatican et expédiés à Paris, où ils furent
reçus en 1798. M. Hase qui, plus tard, fut attaché à la Bibliothèque
nationale, fit une notice exacte et détaillée des manuscrits grecs, notice
qui est aujourd'hui conservée au cabinet des manuscrits. Voici, à ce
propos, l'extrait d'une lettre datée du 6 décembre 1848, et qu'il m'adres-
sait à Rome, où je me trouvais alors.

La terre tremble aussi à Rome, comme partout; en lisant dans les journaux ce qui
s'y est passé, j'ai sans cesse pensé à vous. L'assassinat de M. Rossi est une chose hor-
rible: ces faux patriotes, criards dans les rues, fuyards sur l'Adige, perdent la cause
de l'indépendance italienne. Les Romains seraient-ils aujourd'hui la honte du monde,
après en avoir été jadis la gloire?

Αἱ, αἱ, πάντ ̓ ἀκάθαρτε πόλι Λατινίδος αἴης,

disait la Sibylle qui, il est vrai, voyait tout en noir. Je crains que ces événements
n'aient interrompu vos travaux à la bibliothèque du Vatican; toutefois, comme vous le
désirez, je vous envoie la liste des manuscrits de cette bibliothèque qui étaient jadis
à Paris et que j'ai catalogués. Ce sont les codd. Vaticani n° 14 (Commentaires assez
anciens sur la Grammaire de Denys de Thrace), 18, 20, 29, 32, 65, 87, 90' (un
Lucien collationné par Bast), 100, 116 (beaucoup de lettres inédites de Nicéphore
Grégoras; voyez s'il y en a qui contiennent des faits), 117, 128, 140, 141, 151, 152
(Procope et Agathias), 154, 163, 164, 165, 167, 171, 184, 190 (Euclide et autres
mathématiciens, comme dans ceux qui suivent), 191, 204, 211, 215, 220, 225
(Platon), 226, 268, 272, 284 (Galien), 305, 434 (poëtes et rhéteurs), 483, 697
(je ne puis m'expliquer cette lacune; serait-ce parce que les 500 ne contiennent que
des Pères de l'Eglise?), 704, 723 (Théodore Studite), 743, 796 (Platon), 845
(ouvrages de jurisprudence), 867, 871 (Harpocration), 878, 895 (Mélanges), 896,
915, 916 (Lycophron), 922 (Oppien), 924, 925, 949 (fables d'Esope), 977, 978
(Chronique de Théophane), 997 (Himérius), 1005 (Polybe), 1011 (Plutarque),
1003, 1065 (Constantin, De thematibus, Procope, De ædificiis), 1083, 1085 (Lettres
et discours de Nicéphore Grégoras), 1086 (de même, mais connu déjà de Mont-
faucon et de Boivin), 1135 (Euripide), 1164, 1168 (Droit byzantin), 1169, 1209,
1263, 1278 (très-ancien fragment de Dion Cassius), 1306, 1335 (Xénophon), 1341,
1353 (Mélanges de la main de Constantin Lascaris), 1365, 1373, 1379, 1410, 1418
(Excerpta de legationibus, peu ancien), 1420 (Quintus de Smyrne), 1438 (Anne
Comnene, moderne), 1444, 1461 (Lettres de Cratès, de Diogène, etc.), 1950 (Xé-
nophon, Épictète, etc.). Je ne comprends pas non plus pourquoi les commissaires
du Directoire ont sauté d'un seul bond de 1461 à 1950. Codd. Alexandrini no 17
(Lycophron, xv siècle) et 123 (Aristote, xvI° siècle. Öthoboniani no 19 et 20 (Bibl.
de Photius, en deux tomes, xvi° siècle). La plupart de ces choix ont été faits en dépit
du bon sens. Les codd. Palatini que nous avions à Paris sont à présent tous à Hei-
delberg, si je ne me trompe; néanmoins en voici les numéros : 40, 43, 45, 47, 85,

88, 129, 132, 153, 155, 168, 169, 222, 252, 281, 283, 292, 341, 353, 356, 375, 393, 398, 415. J'ai reçu, il y a peu de jours, une lettre de M. Kunik, membre de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg. Il demande des nouvelles du Psellus, et, en regrettant beaucoup que votre Mémoire sur les Vandales ne soit pas imprimé, il nous annonce pour l'année prochaine l'envoi d'un ouvrage dans lequel, à ce qu'il dit, il discute les origines de ce même peuple. J'ai répondu à M. Kunik que vous étiez à Rome pour cet hiver; que la publication de votre catalogue des manuscrits de l'Escurial vous avait empêché, jusqu'à présent, de vous occuper sérieusement de Psellus, mais que, dans vos travaux à la bibliothèque du Vatican, vous ne perdiez pas cet auteur de vue. Il serait bon, en effet, si vous pouviez diriger vos recherches de ce côté. Notre bibliothèque, à Paris, est une mine épuisée, tandis que la Vaticane semble presque intacte. Léon Allatius y a trouvé bien des avendoτa relatifs à la Byzantine; quel bonheur si vous pouviez y découvrir quelque fragment inédit où il s'agirait des Tauroscythes, des Petchénèques (IIariánai), des peuplades slaves au nord du PontEuxin, car ces messieurs pétropolitains ne s'intéressent qu'aux Pos.

Dans les abus de la conquête, l'Allemagne, non plus, n'avait pas été épargnée. Munich et Vienne avaient été dépouillées d'un certain nombre de monuments littéraires du plus grand prix. Quant à notre fonds oriental, il s'augmenta, à la suite de la campagne d'Égypte, d'environ trois cents manuscrits arabes, turcs et persans. C'est ainsi que le cabinet de la Bibliothèque nationale possédait près de quatre mille volumes que nos armées avaient rapportés de leurs campagnes. Les traités de 1814 et de 1815 nous obligèrent à restituer tous ces trésors littéraires à la Belgique, à l'Italie et à l'Allemagne.

Mais revenons à l'époque désastreuse où les trésors littéraires et historiques de la Bibliothèque nationale pouvaient être l'objet d'une crainte bien justifiée. L'estampille aux fleurs de lis, imprimée sur chacun de ses livres, faillit compromettre leur existence en attirant l'attention de certains fanatiques comme Henriot, qui proposait de brûler la Bibliothèque nationale. Heureusement on s'en tint aux projets et aux menaces. La loi du 25 vendémiaire an IV (17 octobre 1795) réorganisa cet établissement, dont l'administration fut confiée à un conservatoire de huit membres, dont trois pour les manuscrits. Ici vient se placer la liste des acquisitions, nécessairement peu nombreuses, qui ont été faites pendant la période révolutionnaire, c'est-à-dire jusqu'en 1803. Nous remarquons que, vers la fin de l'année 1800, le citoyen Rivière proposa le manuscrit autographe de la Nouvelle Héloïse; il en demandait 12,000 francs. Le manuscrit ne fut pas acquis. M. Delisle a probablement voulu dire un manuscrit et non le manuscrit autographe, car la première minute du roman de J. J. Rousseau appartenait déjà antérieurement à la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Nous voyons en

effet que, dans la séance du 15 fructidor an II (1794), ce manuscrit a été offert à la Convention, au nom du citoyen Girod, salpétrier de la République. Plus tard, Thérèse Levasseur fit don à la Convention de plusieurs autres manuscrits de la main de Jean-Jacques, parmi lesquels une copie de La Nouvelle Héloïse, copie faite par lui pour la maréchale de Luxembourg. Du reste on sait qu'il en avait fait plusieurs autres, et c'est probablement une de celles-ci que le citoyen Rivière a eue entre les mains, à moins qu'il ne s'agisse des cinquante-neuf premières lettres qui manquent dans le volume de la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Il est regrettable qu'on ne puisse pas vérifier le fait.

A la période révolutionnaire appartient la translation des manuscrits de Saint-Germain à la Bibliothèque nationale. M. Delisle consacre un chapitre entier à l'histoire de cette célèbre abbaye. Après avoir donné les noms des copistes et des bienfaiteurs mentionnés dans les volumes, dont le nombre dépassait neuf mille, il s'occupe des importantes et regrettables déprédations qui eurent lieu pendant l'année 1791.

On sait que la plupart des manuscrits qui ont été volés à cette époque devinrent la propriété d'un secrétaire de l'ambassade russe à Paris, nommé Pierre Dubrowski. Dans sa Notice sur le musée de l'Ermitage impérial, M. Gille lui a consacré une courte notice que M. Delisle a reproduite textuellement, en s'abstenant de porter un jugement sur le caractère de Dubrowski.

A l'aide des anciens catalogues de la bibliothèque de Saint-Germain, il donne une liste à peu près complète des anciens manuscrits sur parchemin que nous avons perdus, et qui presque tous se retrouvent en Russie.

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Les manuscrits de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg se divisent en deux grandes sections. La première comprend les manuscrits entrés à la bibliothèque depuis sa fondation jusqu'au 1 janvier 1846. Cette division, qui renferme 18,313 ouvrages contenus dans 20,722 volumes, est définitivement cataloguée.

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La deuxième section embrasse les manuscrits entrés depuis 1846. Cette section considérable, se trouvant encore à l'étude, n'est cataguée qu'en partie. Au 1 janvier 1856, le nombre total des manusComi était environ de 50,000. Trois collections entières, celles du nophorsseur Pogodine, de Korobanow et de l'Ermitage, y ont pris place du Dire subdivisions.

de Photius,

(Lycophtalogue des manuscrits grecs, rédigé par M. de Muralt, le sadu bon sens de la Chronologie byzantine, a été imprimé à Saint-Pétersdelberg, si je 1840. La partie des manuscrits latins théologiques a été faite

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sur le même plan; il serait à désirer qu'elle fût aussi et prochainement livrée à l'impression.

Les renseignements précédents m'ont été fournis il y a déjà un certain nombre d'années. Sans savoir où en sont aujourd'hui les projets de publication pour les autres parties du catalogue, je me contente d'indiquer ici les manuscrits qui, dans la section de théologie, m'ont paru les plus remarquables par leur antiquité. Plusieurs se retrouvent dans la liste des manuscrits latins de Saint-Germain qui ont disparu au commencement de la révolution, liste dressée par M. Delisle, d'après les notes de D. Poirier.

In-folio.

1° Fragment d'une homélie de confession, écrit au Iv' siècle sur papyrus et publié dans le Bulletin scientifique de l'Académie, t. II, n. 21 et 22 (Dubrowski). 2° Autre fragment d'une homélie, écrit en onciales sur parchemin du vi' siècle : Videmus et tamen prædicatoris esse debitum quam quia tenent. » (Dubrowski.) 3° Règle de Saint-Basile du vII° siècle, écriture capitale mérovingienne, sur parchemin. (Dubr.)

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4° (Delisle, n° 211.) Commentaire sur les livres de Job et d'Isaïe du vit siècle, lettres onciales saxonnes sur parchemin. (Dubr.)

5° Saint Jean Chrysostome, De reparatione, du vII° siècle; lettres onciales mérovingiennes sur parchemin. (Dubr.)

In-4°.

1° Fragment d'un psautier, XXXVI, 12-20; lettres onciales du v° siècle. (Dubr.) 2° (Del. n° 718) Homélies d'Origène et d'Optat de Milève; lettres onciales romaines du v° siècle. (Dubr.)

3° (Del. n° 254.) Saint Augustin, Ad interrogata Simpliciani et autres opuscules, lettres onciales du v° siècle. (Dubr.)

4° Idem, De civitate Dei, lettres onciales du v° ou vr siècle. (Dubr.)

5° (Del. n° 205.) Saint Ambroise. Sermons sur saint Luc et Passion de saint Jean et de saint Paul, lettres onciales du vi° siècle. (Corbie, Dubr.)

6° Livre Pélagien de la Foi, lettres onciales du vr° siècle. (Dubr.)

In-8°.

1° Fragment de l'évangile de saint Luc de la traduction de saint Jérôme, lettres onciales du vi' siècle. (Dubr.)

2° Fragment d'un Evangéliaire, lettres onciales du vII° siècle. (Dubr.)

3° (Del. n° 1200.) Évangile de saint Matthieu, lettres merovingiennes du vir ou du viie siècle. (Dubr.)

4° Jean Cassien, Collationes Patrum, écriture minuscule mérovingienne du VII siècle. (Corbie, Dubr.)

5 Révélation du moine saint Bérout au moine Rotchar, où le premier dit avoir vu Charlemagne parmi les saints; onciales du Ix siècle. (Dubr.)

Nous trouvons ensuite un chapitre sur les collections formées par les Bénédictins en vue des grands travaux d'érudition qu'ils avaient entrepris, collections qui tenaient une place considérable dans la bibliothèque de Saint-Germain. Les noms les plus célèbres sont rappelés avec les services qu'ils ont rendus aux lettres et à l'histoire: Luc d'Achery, Mabillon, Montfaucon, etc. Puis viennent les manuscrits de l'abbaye de SaintMaur-des-Fossés achetés en 1706. Ils étaient tous anciens, et plusieurs souscriptions montrent avec quel succès les lettres étaient cultivées au moyen âge dans ce monastère. Mais une des collections qui enrichit surtout la bibliothèque de Saint-Germain, c'est celle du chancelier Séguier, qui avait un goût très-prononcé pour les livres et principalement pour les manuscrits. Indépendamment des latins et des français, il en possédait un grand nombre de grecs et d'orientaux. On connaît l'intéressant catalogue publié par Montfaucon, et où il donne la notice de quatre cents manuscrits dits de Coislin, et qui forment aujourd'hui un fonds à part à la Bibliothèque nationale. M. Delisle raconte en détail l'histoire de la collection du chancelier Séguier, en s'appuyant sur une foule de documents, lettres, catalogues, inventaires, etc., qui, jusqu'à ce jour, étaient restés inconnus. Après la mort du chancelier, son cabinet éprouva bien des vicissitudes. Enfin, le 1 mai 1731, son petit-fils, Henri-Charles du Cambout de Coislin, évêque de Metz, le légua aux religieux de Saint-Germain des Prés. On en avait déjà distrait plusieurs recueils. Mais la plus regrettable lacune concerne les manuscrits du plus grand prix qui ont été portés en Russie, comme nous l'avons dit plus haut.

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Parmi ces recueils figurent un grand nombre de portefeuilles d'une haute importance pour l'histoire, comme l'ont montré M. de Laferrière 1, et, en dernier lieu, M. G. Bertrand 2, qui, outre un catalogue détaillé des manuscrits français, a donné les lettres originales de Marguerite de France, duchesse de Savoie. Lors de mon séjour en Russie, j'avais moimême copié ces lettres, que les circonstances ne m'ont pas permis de publier. J'avais aussi transcrit les lettres d'Elisabeth, reine d'Angleterre. Je les ai communiquées à M. Poirson, qui en fait usage dans son histoire d'Henri IV. Le chancelier Séguier avait une correspondance très-étendue. Il était en relation avec les hommes les plus célèbres de son temps. En 1642, il avait accepté le titre de protecteur de l'Académie française, et son hôtel devint le lieu des réunions de la compagnie. Elle le consul

1 Archiv. des Missions, t. II, p. 378; t. III, etc.

suiv.

Rev. des Soc. sav. 1873, p. 447 et

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