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nombre. Enfin, j'ai constamment rencontré presque partout où mes observations se sont étendues une très-notable quantité de fécule de blé mêlée à la poussière soit récente, soit ancienne; puis dans des cas rares, on y découvre de la fécule d'orge, de seigle et de pomme de terre.

» Cette fécule se retrouve dans tous les lieux où l'on emploie de la farine de blé pour l'alimentation, et elle y est facile à distinguer par ses caractères physiques et chimiques. Ses grains sont tantôt ovoïdes et tantôt sphériques; leur diamètre varie généralement de 0,014 à 0,028 de millimètre. Outre ceux-ci, on en rencontre une foule de petits grains naissants entièrement petits, ayant souvent de 0,0028 de millimètre. Les gros grains sont très-rares; les moyens beaucoup plus communs, et les très-petits extrêmement abondants. Dans les gros, on distingue parfois assez bien les couches concentriques et le hile. Mais, à cause sans doute de leur pesanteur, ces gros grains sont fort rares, même dans les monuments où les autres abondent. Il est assez curieux de signaler que cette fécule, malgré son existence parfois séculaire, possède encore tous les caractères physiques et chimiques de la fécule récente. Celle qui est fort ancienne présente seulement une teinte d'un jaune léger. Par l'ébullition dans l'eau, elle se gonfle et se dissout. L'acide hydrochlorique très-étendu n'a aucune action sur elle; l'iode la colore en bleu avec plus ou moins d'intensité; et bientôt sa couleur disparaît sous l'influence de la lumière. Un fait qui m'a frappé, c'est que parmi la fécule que j'ai observée dans la poussière ancienne, datant de plusieurs siècles, de temps à autre, j'ai rencontré des grains qui s'étaient spontanément colorés en un beau violet clair. Était-ce dû à l'influence du temps ou au voisinage de la mer, ou enfin, aux traces de vapeur d'iode que contient l'air, suivant M. Châtain? Afin qu'il ne puisse y avoir de doute concernant l'identité de cette fécule ancienne avec la fécule ordinaire, j'ajouterai aussi que, comme celle-ci, elle polarise la lumière. Seulement, quand elle provient d'un dépôt fort ancien, elle ne la polarise pas avec autant d'intensité que fait la fécule récente.

» Il est évident que c'est cette fécule, parfaitement caractérisée physiquement et chimiquement, que M. de Quatrefages a prise pour des œufs microzoaires. C'est de ses plus fins grains qu'il est question lorsqu'il reconnut aisément dans la poussière « plusieurs de ces petits corps » sphériques ou ovoïdes que connaissent bien tous les micrographes, et >> qui font naître involontairement l'idée d'un œuf d'une extrême peti>> tesse..... »

» L'auteur a rencontré cette fécule presque partout; « douée d'une puissance de conservation extraordinaire, les années semblent à peine l'altérer..... J'en ai découvert dans les plus inaccessibles réduits de nos vieilles églises gothiques, mêlés à leur poussière noircie par six à huit siècles d'existence; j'en ai même rencontré dans les palais et les Hypogées de la Thébaïde, où elle datait peut-être de l'époque des Pha

raons. >>>

» On peut poser, en thèse générale, que dans tous les pays où le blé forme la base de l'alimentation, sa fécule pénètre partout avec la poussière et se rencontre avec celle-ci en quantité plus ou moins notable. On en découvre d'autant plus que l'on explore les lieux plus rapprochés du centre des villes et situés plus bas. Au contraire, la fécule est de moins en moins abondante, et ces grains deviennent de plus en plus fins, à mesure que l'on s'éloigne des grands centres de population et que l'on explore des monuments plus isolés. Je n'en ai pu rencontrer ni dans le temple de Jupiter Sérapis, situé sur les rivages du golfe de Baies, ni dans celui de Vénus Athor, placé sur les confins de la Nubie. Cependant j'en ai recueilli dans quelques spéos ou temples souterrains de la haute Égypte.

» On remarque aussi qu'à mesure que l'on s'élève sur les montagnes ou sur les monuments, la quantité de fécule mêlée aux détritus atmosphériques devient de moins en moins considérable. Dans l'abbaye de Fécamp, qui est au-dessus du niveau du sol, et située dans la partie centrale de la ville, la fécule abonde dans la poussière de ses chapelles: dans la cathédrale de Rouen, on en rencontre en quantité considérable vers la région inférieure de la tour de Georges d'Amboise, mais ces proportions diminuent de plus en plus à mesure qu'on s'élève; abondante encore dans la poussière séculaire qui se trouve dans les combles du chœur, elle devient ensuite de plus en plus rare à mesure que l'on monte dans la flèche. On n'en rencontre que très-peu à la base de la pyramide de fonte, et il ne s'en trouve plus un seul grain au sommet de celle-ci.

>> Dans une chapelle isolée située sur les bords de la mer, et bâtie sur une falaise de 110 mètres d'élévation, la poussière amassée sur une statue était en grande partie composée de grains calcaires, enlevés aux parois de la montagne et transportée par le vent dans le fond du monument, ouvert jour et nuit aux pèlerins. On y rencontrait un grand nombre de plumules d'aile de phalènes, qui sans doute y ont souvent cherché un abri, mais fort rarement un grain de fécule était aperçu

dans le champ du microscope; tandis que dans les détritus des villes, on en découvre plusieurs grains de grosseur moyenne et un assez grand nombre de grains de petite taille.

» Une batterie des bords de la mer, située dans un lieu isolé, et qui n'avait pas été ouverte depuis soixante ans, m'a présenté une poussière noire, tout aussi pauvre en fécule que celle de la chapelle de la falaise. Mais la nature de cette pousstère était absolument différente; elle était entièrement composée de granules de silice, très-anguleux, transparents et incolores. La fécule y était représentée en quantité tellement petite, que souvent on n'en rencontrait qu'un seul grain dans une dizaine d'observations.

» Cette dissémination est un phénomène si général et si répandu dans les lieux où on g'alimente de blé, qu'il n'est pas de réduit où la fécule ne s'insinue avec l'air. On la retrouve dans tout et partout où celui-ci pénètre. Les plus obscurs détours de nos monuments gothiques m'en ont offert dans leur poussière séculaire, que, de mémoire d'hommes, personne n'avait foulés. J'en ai même découvert à l'intérieur de la caisse du tympan d'une tête de chien momifiée que j'avais recueillie dans un temple souterrain de la haute Égypte. M. Ch. Robin, qui a fait des observations analogues aux miennes, a découvert de la fécule à la surface de la peau de l'homme, où on l'obtient, soit sur les cadavres, soit sur les personnes vivantes, en la raclant légèrement avec un instrument tranchant.

» Toutes ces observations, s'il en était besoin, pourraient être appuyées de preuves biologiques. En attendant que nous le prouvions expérimentalement, nous pouvons dire que l'air est si peu le véhicule des œufs, et que la poussière en est si peu le réceptacle, que lorsqu'on soumet cette dernière à une température élevée, elle n'en est pas moins féconde en animalcules que celle qui n'a point été chauffée : ce qui n'aurait pas lieu si l'hypothèse de la dissémination aérienne était fondée.

» L'expérience qui suit a été plusieurs fois répétée par moi. J'ai pris 3 grammes d'une poussière séculaire, et je les ai placés dans un tube mince, qui a été chauffé à 215 degrés, sur un bain d'huile, pendant une heure un quart. Cette poussière a ensuite été placée dans 30 grammes d'eau artificielle qu'on recouvre d'une cloche. Après cinq jours, par une température moyenne de 20 degrés, celle-ci était encombrée d'animalcules de grosse taille, de kolpodes et de paramécies. Dans la poussière qui n'a pas été chauffée, le résultat est analogue; ce que l'on a pris pour des œufs déposés par l'atmosphère n'en est donc réellement pas,

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sans cela la poussière chauffée aurait dû être inféconde, ses germes ayant été tués par 245 degrés de chaleur.

>> Une autre expérience d'une extrême simplicité aprouvé aussi qu'il est impossible de découvrir aucun germe vivant dans l'atmosphère. A l'aide d'un flacon aspirateur, je fais passer 100 litres d'air à travers un tube de sûreté, dont le renflement contient 2 centimètres cubes d'eau distillée. Après cela, et lorsque huit jours se sont écoulés, je ne découvre aucun animalcule, ni aucun œuf dans cette petite quantité d'eau, où ces derniers eux-mêmes n'auraient pu échapper, aujourd'hui qu'ils sont parfaitement décrits, mesurés et connus chez quelques espèces. Au contraire, si je mets dans un décimètre cube d'eau distillée 5 grammes d'une substance fermentescible, abritée sous une cloche d'un litre, de capacité, après huit jours à la température de 18 degrés, toute la superficie de l'eau est occupée par d'incalculables myriades d'animalcules (1). »

Telles sont les objections qui s'élèvent contre la théorie du panspermisme, et on ne peut se dissimuler qu'elles sont d'une grande force.

Vous voulez que la génération des infusoires procède d'ovules microscopiques répandus de tous côtés, infectant l'air, l'eau et les solides? Eh bien! j'emploie de l'air artificiel et de l'eau artificielle, et les générations se font encore. Vous dites que les ovules pénètrent mes appareils malgré moi; et je vous réponds que si cela était, on verrait les mêmes générations au dedans et au dehors de ces appareils, ce qui n'est La pas. preuve que l'eau ne contient pas des ovules comme vous le prétendez: je laisse de l'eau ordinaire librement exposée dans des cuvettes, et il ne s'y produit rien; sitôt que j'y mets un corps fermentescible, les générations s'y font en nombre prodigieux. Direz-vous que ce corps fermentescible a produit une pluie de germes; je vous objecte que l'air n'en contient pas, ainsi que cela est démontré par mes observations directes et multiples. D'ailleurs, chaque corps fermentescible produit des générations particulières, et il est impossible de supposer que

(1) J'ai emprunté le texte des répliques de M. Pouchet à l'Amt des Sciences, le seul journal qui, je crois, les ait publiées in extenso.

l'air contient toujours les ovules infusoires propres à ces corps; supposition que l'observation directe démontre fausse. Vous objectez qu'il y a des sexes chez les infusoires, et que par cela même il y a génération; mais cette génération, qu'on ne récuse pas, est insuffisante à expliquer la prodigieuse multiplication de ces êtres; et vous-même, pour expliquer cette multiplication, vous avez recours à la scissiparité, c'est-à-dire à une théorie démontrée fausse pour la plupart des cas, et qui en outre ne satisfait pas même au but que vous voulez. Avouez donc que cette théorie du panspermisme n'a rien de fondé.

Pour nous, qui n'avons dans ce débat que le rôle impartial du narrateur, nous ne faisons pas difficulté de reconnaître qu'il y a là plusieurs raisons puissantes, et qu'il nous paraît peu possible de maintenir une théorie si fortement ébranlée. Il nous paraît surtout que l'hypothèse des œufs répandus, par myriades, dans l'air et dans l'eau arrive à un moment où elle va sortir de la science, et que la discussion va se concentrer sur le corps fermentescible qui recèle le nœud de la question. C'est de lui qu'il faut s'occuper maintenant, et il nous reste à dire les solutions qu'il renferme, comme aussi à montrer les erreurs de M. Pouchet.

Dr F. FREDAULT.

(La suite au prochain numéro.)

LES DOSES INFINITÉSIMALES

A L'ACADÉMIE DE MÉDECINE.

Le docteur Labourdette a présenté à l'Académie un mémoire intitulé De l'Introduction des médicaments dans le lait par assimilation digestive. Dans ce mémoire, le docteur Labourdette établit qu'il est possible de faire absorber à des vaches des

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