nous mène de nos langues si compliquées à d'autres d'une simplicité extrême, et qui touchent presque à la nullité. » Il ne voit pas qu'entre posséder beaucoup et posséder peu il n'y a qu'une différence de quantité, tandis qu'entre posséder peu et ne posséder rien il y a une différence d'aliquité; celui qui a une faculté très-développée et celui qui en possède une trèsimparfaite sont tous d'une même nature à des degrés près; mais celui qui en a une très-imparfaite et celui qui n'en a pas sont de natures différentes. C'est là un principe de distinction qu'il n'est pas permis de méconnaître. Pourquoi donc M. Pouchet, qui manquait de tant d'éléments psychologiques, ne s'en est-il pas tenu à quelque sentimentalité à la façon du bonhomme Montaigne regardant les oies de sa basse-cour? Ce n'eût pas été plus fort, mais c'eût été au moins amusant, si quelque chose d'amusant peut être dit en semblable matière. Au fond, toutes ces tentatives d'assimiler l'homme à la brute ont quelque chose de triste; et à ce propos on se rappelle involontairement ces paroles du grand Bossuet : « On aime, dit-il, à raffiner sur cette matière, et c'est un peu à l'homme de plaider contre lui-même la cause des bêtes. Ce qui serait supposable s'il n'y entrait pas trop de sérieux; mais, comme nous avons dit, l'homme cherche dans ces jeux des excuses à ses désirs sensuels, et semble à quelqu'un de grande naissance qui, ayant le courage bas, ne voudrait point se souvenir de sa dignité de peur d'être obligé à vivre dans les exercices qu'elle demande. C'est ce qui fait dire à David (Ps. XLVIII): L'homme étant en honneur ne l'a pas connu ; il s'est comparé lui-même aux animaux insensés et s'est fait semblable à eux. » (De la Connaissance de Dieu et de soimême, chap. v.) La suite au prochain numéro. Dr F. FRÉDAULT. SUR LA PASSION ILIAQUE ET SON TRAITEMENT, EN PARTICULIER SUR L'EMPLOI DE LA BELLADONE DANS CETTE MALADIE. (Suite.) Nous croyons avoir démontré que l'intervention d'une cause purement mécanique n'est pas, dans tous les cas, nécessaire pour arrêter ou pour intervertir le cours des matières contenues dans l'intestin, et que cet accident a pour mécanisme, plus communément qu'on ne le pense, l'inflammation, surtout si elle est vive et circonscrite, d'une anse intestinale et du péritoine adjacent. D'un autre côté, on peut ajouter qu'il y a des causes mécaniques d'occlusion intestinale qui ne paraissent provoquer l'iléus que par l'intermédiaire d'un travail inflammatoire concomitant ou consécutif tels sont, par exemple, certains cas de volvulus ou d'intro-susception de l'intestin. Ainsi, les médecins qui ont eu l'occasion d'ouvrir un grand nombre de corps, savent qu'il n'est pas très-rare de trouver des anses intestinales invaginées chez des sujets qui ont succombé aux maladies les plus diverses; et cela, sans que cette disposition insolite ait donné lieu, pendant la vie, à la moindre apparence d'iléus. C'est ce que nous avons éu, par nous-même, l'occasion de noter assez fréquemment pendant le temps de notre internat dans les hôpitaux, à l'occasion de nos recherches nécroscopiques concernant la fièvre typhoïde. M. Louis a rencontré trois fois, dans la même maladie, l'invagination du bout supérieur de l'intestin grêle dans l'inférieur, dans la fongueur de 30 à 60 centimètres, sans observer de symptôme qu'on pût lui rapporter. Deux de ces sujets moururent au huitième jour de la fièvre, l'autre au vingt-septième jour (1). M. DE LARROQUE a constaté également à plusieurs reprises, à l'hôpital Necker, cette même invagination de l'intestin grêle, et il attribue cette complication de la fièvre typhoïde à une disposition particulière de certains malades aux spasmes, ce qui veut dire, sans doute, que l'auteur l'a rencontrée surtout dans les formes malignes de cette maladie (2). Dans ces circonstances, ce qu'il y a de manifeste, c'est d'abord la facilité avec laquelle on peut dérouler le volvulus, et ensuite la coloration normale, tant de l'anse invaginée que de celle qui lui sert de gaîne. LOUIS, de l'ancienne Académie de chirurgie, a rapporté qu'à l'hôpital de la Salpêtrière, il a vu, dans son école anatomique, au moins trois cents enfants morts ou d'affections vermineuses, ou dans le travail de la dentition, qui avaient, la plupart, deux, trois, quatre et même un plus grand nombre de volvulus, sans inflammation; et que ces enfants n'en avaient souffert en aucune façon (3). HEVIN, auquel j'emprunte la citation précédente, a bien soin de reconnaître que « le volvulus ne cause des accidents que lorsque l'inflammation s'est emparée des portions d'intestin engagées l'une dans l'autre (4). » MORGAGNI, qui a souvent fait pareille rencontre, cite, à l'appui de ses observations, les exemples vus par Habr. Vater, Hommelius, Burgraw et Haller. Ce dernier même, voyant qu'on trouvait ces intus-susceptions sur beaucoup de sujets morts (1) Louis, Recherches sur la maladie connue sous le nom de fièvre typhoïde, 1841, t. I, p. 161. (2) DE LARROQUE, Traité de la Fièvre typhoïde, 1847, t. II, p, 202. (3) HAVIN, Mémoires de l'Académie de chirurgie, t. IV, p. 276. (4) Idem, p. 274. naturellement et sans aucune douleur, regardait comme entièrement fausse la doctrine des auteurs qui rangeaient l'occlusion intestinale produite par le renversement de l'intestin, parmi les conditions anatomiques essentielles de l'iléus (1). Mais il est impossible d'adopter une opinion aussi absolue, qui va contre les observations d'autres médecins, tels que Hoffmann, Weiss, Bonnet, Ruysch, et, parmi les contemporains, Dupuytren, Jules Cloquet, Gaultier de Claubry, B. Philips, Thomson, etc., etc. Tout ce qu'il convient seulement d'affirmer, sans crainte d'erreur, c'est que le volvulus, ou l'invagination intestinale, peut se produire mécaniquement, sans donner suite aux accidents de la passion iliaque. Pour notre thèse, cette constatation suffit. VIII Au reste, quels que soient les désordres anatomiques observés à l'autopsie: invaginations, enroulements, diverticules, contorsions de l'intestin, brides péritonéales, étranglement par une solution de continuité de l'épiploon ou du mésentère, occlusion par des corps étrangers ou des matières stercorales endurcies; que l'inflammation précède, accompagne ou seulement suive l'obstruction intestinale, avec ou sans dégénération gangréneuse, toujours est-il que ces désordres variables, s'ils donnent la clé de quelques symptômes importants, tels que l'iléus, ne constituent pas cependant la raison véritablement première, ou la cause prochaine ou essentielle de la maladie, c'est-à-dire la PASSION ILIAQUE. C'est ici le lieu de rappeler le résultat de quelques expériences propres à jeter un certain jour sur la question. PEYER (2) a vu le volvulus se produire, d'une manière très (1) MORGAGNI, 34 lettre, de la douleur des intestins, t. V, p. 382. (2) Fr.. BONNET, Sepulchretum, Schol. ad § 8, obs. 20; RUYSCH, Thèse anat., 4, n° 14, et Thèse nov. MORGAGNI, Loc. cit., 372 et seq. caractérisée, sur des grenouilles dont il se contentait d'irriter les intestins. BRUNNER (1) a constaté que, non-seulement cette irritation provoquait sur les mêmes animaux des intus-susceptions, mais encore qu'elle troublait et qu'elle pouvait intervertir le mouvement péristaltique de l'intestin, de manière à faire remonter les matières excrémentitielles dans l'estomac, d'où elles étaient chassées par le vomissement, et cela, sans l'intermédiaire d'aucune invagination. Enfin SCHWARZ (2) a démontré, par des expériences directes, que le mouvement antipéristaltique peut se manifester lorsque l'on pique divers endroits du cerveau et du cervelet, ou les nerfs de la cinquième paire à leur origine, ou les plexus mésentériques. Ainsi, dit MONFALCON (3), faisant allusion à ces expériences, « si une irritation de cause interne (nous soulignons volontiers ces mots) se jette sur le canal intestinal, aussitôt ce long canal entre dans des convulsions violentes; l'intestin grêle, libre et flottant dans l'abdomen, se meut en mille sens divers; des volvulus se forment et se dégagent à chaque instant.» Comprenant le véritable sens des expériences précédentes, et mieux inspiré que l'école des anatomo-pathologistes, cet auteur a bien vu que la lésion (c'est-à-dire l'effet) ne pouvait être le point de départ de la maladie. C'est effectivement à cette cause interne, ou, pour mieux dire, à une prédisposition définie mise en jeu par des influences occasionnelles variées, qu'il faut toujours remonter pour avoir la notion essentielle de la passion iliaque. Quelque importantes qu'elles soient, les lésions ne sont que les produits de la maladie. L'étranglement et l'inflammation peuvent bien (1) BRUNNER, Exp. circa ligat. nerv., § 31. (2) MONTFALCON, loc. cit., p. 546. (3) Idem, p. 545. |