Page images
PDF
EPUB

seulement à partir de la première invasion de la maladie. L'autopsie fait reconnaître l'inflammation des intestins et du péritoine : « Intestina scilicet hic illic inflammata, livere incipiebant; peritoneum atris maculis erat distinctum,» etc.-Dans la seconde, c'est un homme de cinquante ans qui, après quel ques préludes assez violents, est pris de volvulus avec déjection des matières fécales, meurt en six jours, et chez lequel on trouve l'abdomen plein de pus : « Abdomen erat sanie plenum, quæ omentum et intestina inter se colligaverat; prætereà intestina erant inflammata, unà cum hepate et liene.»- Dans la troisième, chez un sujet mort subitement (subito extincti), la coloration du côlon tournait déjà à la lividité (ad nigredinem vergebat).

SEVERIN parle d'un homme mort après vingt jours, et qui présenta une inflammation gangréneuse du côlon: «Inventum est colon ingens inflammatum, gangrænosum, fecibus flatibusque scatens.»

MORGAGNI fait la même remarque à l'autopsie d'un homme mort presque subitement d'une colique de miserere des plus violentes : « In conspectum veniebant intestina passim inflammata, et passim gangrænosa. »

SPIGEL, FABRICE DE HILDAN ont aussi noté plusieurs autres faits du même genre.

BALLONIUS, sur un jeune homme de vingt ans, mort le cinquième jour de la maladie : « Colon erat veluti nigrefactum et gangrænosum; epiploon totum putre conspiciebatur, cum sanie purulentâ circa hepar, » etc.

BARBETTE a trouvé, sur une femme de cinquante ans, atteinte d'une constipation invincible avec vomissements: Intestinum colon haud procul a recto sphacelatum et disruptum. »

MANGET a vu également le sphacèle de l'intestin sur le cadavre d'un enfant de quatorze ans, qui, pendant sa vie, en proie à d'horribles souffrances, avait vomi jusqu'à ses garde

robes: «Intestinum ileum haud procul a cæco, nigrum et sphacelatum.»

[ocr errors]

J. HESSE a cité deux cas dont l'un, chez une femme morte au cinquième jour de la maladie, présentait, à l'angle droit du côlon, une portion de cet intestin déjà noire et putride (denigratam et putridam); - dont le deuxième, chez un malade mort au quatrième jour, était un exemple de ramollissement putrilagineux de l'S iliaque du côlon, si prononcé que le tact seul pouvait en occasionner la rupture (ita ut etiam ad levem tactum rumperetur).

GUY-PATIN rapporte aussi qu'il a vu, sur un sujet mort dela passion iliaque, tout l'intestin iléon noir, gangréneux et corrompu : • Totum intestinum ileum, gangrænosum et corruptum. »

Voilà un assez grand nombre de témoignages qu'il serait facile mais inutile de multiplier. Faut-il les accepter sans réserve? Nous convenons qu'on peut leur opposer deux objections qui ne manquent pas de fondement.

La première, c'est que cet accord tiré de la tradition est bien loin d'être unanime, et que si l'on peut citer bon nombre d'auteurs dont le témoignage est favorable à l'existence des désordres inflammatoires dans la production des accidents, il en est d'autres aussi d'un sentiment tout opposé: ainsi Pison, n'avait égard, comme nos observateurs contemporains, qu'à l'obstruction du canal digestif, Mercurialis qu'à la constipation et aux vives douleurs (1), et Barthez n'admettait pour véritable type de la passion iliaque que l'iléus essentiellement nerveux (2).

La seconde objection, c'est que l'on n'a pas suffisamment recherché peut-être si les désordres inflammatoires constatés à l'autopsie ne reconnaissaient point pour cause quelque étranglement de l'intestin; avec d'autant plus de raison que ces lésions ne manquent pas, dans beaucoup de circonstances, de

(1) MONTFALCON, loc. cit., p. 543.

(2) BARTHEZ, Mémoire de la Soc. méd; d'Émulation.

passer rapidement à la dégénération gangréneuse, et que cette terminaison est la suite habituelle de l'étranglement.

De ces deux objections la dernière surtout a une certaine valeur que nous sommes disposé à reconnaître; quant à la première, nous croyons pouvoir dire que les assertions de Barthez, de Plouquet, de Mathieu de Gradi, etc., sur l'absence de toute lésion dans l'iléus, que ces auteurs regardent comme nerveux, n'ont pas grande importance, attendu qu'aucun exemple bien authentique, à notre connaissance, n'a été donné de cette variété de maladie.

Mais, pour la seconde, nous ne pouvons mettre en doute que dans un grand nombre de cas l'inflammation et la gangrène ne soient le résultat d'un étranglement de l'intestin: lésion fréquente, mais non constante, de la passion iliaque.

Toutefois, nous n'insisterons pas moins sur la nécessité de tirer de l'oubli les faits d'inflammation indépendante de toute occlusion mécanique primordiale de l'intestin, parce que ces faits sont bien loin d'être rares, et qu'ils sont aujourd'hui généralement méconnus par les organiciens, qui, au grand détriment de la pratique, regardent comme synonymes les termes de passion iliaque et d'occlusion. Or, s'il est déjà difficile de soutenir que les auteurs qui ont parlé de l'inflammation intestinale dans la passion iliaque ont tous oublié, sans exception, de s'enquérir de l'occlusion, qu'ils n'avaient pourtant aucun intérêt à passer sous silence, il est bien plus difficile de supposer que les observateurs contemporains eux-mêmes n'ont point pris garde à une lésion aussi évidente, alors que la recherche de cette lésion est leur seule préoccupation à l'autopsie.

Nous n'avons eu, comme on l'a vu plus haut, qu'à jeter les yeux sur les observations les plus récentes pour trouver nos organiciens en flagrant délit de contradiction, ou du moins dans un grand embarras pour concilier les faits avec leurs théories. Les deux exemples que nous avons rapportés plus haut

montrent assez que si l'absence de toute occlusion intestinale était bien manifeste, en revanche l'existence des lésions inflammatoires n'était pas moins suffisamment tranchée.

M. Jules Roux a bien aperçu, mais il énonce timidement et sans en tirer conséquence, ce rapport de l'inflammation avec les accidents qui ont si rapidement emporté son malade, comme on peut le voir dans quelques détails de l'autopsie : Couleur brunâtre de la muqueuse (intestinale du côlon transverse) trahissant peut-être un état phlegmasique assez avancé...» Ce peut-être est véritablement merveilleux. L'auteur ajoute que l'intestin grêle était dans l'état normal (lisez : sans étranglement, sans invagination), bien que présentant des traces d'épiploïte et de péritonite partielles.

Ces lésions sont bien plus flagrantes encore dans le fait rapporté par M. Arnould: les divers feuillets du péritoine sont épaissis, les parois de l'intestin injectées en rouge vif, ses anses adhèrent par des pseudo- membranes; l'une d'elles baigne dans une bouillie sanguine et purulente; enfin, l'on peut suivre, en quelque sorte, pas à pas, les degrés de l'inflammation sur le péritoine et l'intestin, depuis l'injection rouge jusqu'à l'état putrilagineux le plus avancé, en passant par F'état tomenteux, le ramollissement de la muqueuse, les adhérences et la transformation des fausses membranes en pus.

Il nous semble que les anatomo-pathologistes les plus difficiles pourraient bien se contenter de l'existence de ces lésions et leur trouver un sens assez clair.

VII

Admettant donc l'existence de l'inflammation, indépendante dans certains cas de toute occlusion intestinale, quel est le rôle de cette lésion relativement aux parties affectées par la passion iliaque?

On peut répondre qu'elle doit avoir pour résultat de modi

fier, de suspendre ou de pervertir les fonctions de ces parties, et que, si l'inflammation est violente, tout en étant d'abord limitée à quelque anse de l'intestin, cette anse pourra devenir le point de départ des accidents d'iléus, non-seulement avec autant d'intensité, mais avec plus d'acuité encore que dans la plupart des cas d'une constriction purement mécanique de l'intestin.

Dans les observations que nous avons citées de MM. Jules Roux et Arnould, l'inflammation est intense et d'abord restreinte à une petite étendue du conduit intestinal; c'est de là qu'elle se propage de proche en proche et qu'on en peut suivre toutes les nuances par une sorte de dégradation. Et, au milieu des désordres si graves que l'on trouve à l'autopsie du malade mort en si peu de temps à l'hôpital militaire de Laghouat, c'est au niveau de la fosse iliaque droite qu'il est facile de retrouver le point de départ des lésions dans cette anse intestinale colorée en rouge brun, baignant dans une bouillie sanguine et purulente, et déjà à l'état putrilagineux.

La paroi du tube intestinal envahie dans toute son épaisseur, gorgée de sang, tuméfiée, ramollie, asphyxiée, pour ainsi dire, dans une petite étendue, par la violence ou la malignité de l'inflammation, - perd à peu près nécessairement sa toni-, cité et sa contractilité organique normales. Les tuniques peuvent être épaissies, friables, et la cavité peut se trouver par là manifestement rétrécie. D'autre part, le plan musculaire est frappé de paralysie. C'est une loi d'anatomie pathologique mise bien souvent en lumière par M. le docteur J. P. Tessier dans ses cours à l'École pratique, savoir que l'inflammation aiguë des membranes séreuses a pour résultat l'inertie du tissu musculaire sous-jacent; loi qui se manifeste par la paralysie des muscles intercostaux dans l'inflammation de la plèvre, par la distension et la paralysie relative du cœur dans l'endocardite, par la distension du tube intestinal dans la péritonite, et que M. le docteur Jousset a rappelée dans son Mémoire sur la Pneumonie

« PreviousContinue »