la plus répandue des névroses opiniâtres; j'ajoute que ces névroses sont souvent méconnues par les médecins, non-seulement dans leur rapport avec l'état maladif qui les a engendrées, mais encore méconnues comme affections nerveuses, en raison sans doute de leur ténacité et aussi peut-être de l'état congestionnel plus ou moins prononcé qui les accompagne. Il arrive d'autres fois qu'elles ont été jugées nerveuses tout d'abord, mais que, les voyant résister aux prétendus antispasmodiques, ainsi qu'aux toniques, souverains remèdes d'après la théorie de l'anémie, les voyant, au contraire, s'aggraver sous l'influence de ce traitement, qui, en effet, les exaspère et souvent les complique ou les transforme, les médecins s'arrêtent à un diagnostic beaucoup plus grave, comme une inflammation profonde, un travail de désorganisation, une lésion organique, etc.; dès lors un nouveau traitement en rapport avec ce dernier diagnostic est aussitôt institué, traitement aussi débilitant que le premier était irritant, mais également funeste au malade. C'est ce que va démontrer l'observation qui suit. IV OBSERVATION. Accidents spasmodiques liés à la ménopause et à un état hémorrhoïdaire; prédominance des phénomènes cardiaques, au point de simuler une affection grave du cœur. Traitement homeopathique; guérison. Le 15 novembre 1854, une dame de mes clientes vint me prier de donner mes soins ou plutôt des consolations à madame B..., son amie, que le médecin de cette malade a déclarée, me dit-elle, être affectée d'un anévrisme du cœur, arrivé à sa dernière période, et auquel il ne peut opposer aucun moyen, même palliatif. Je m'empresse de répondre que si madame B... est affectée d'une pareille maladie, ma thérapeutique restera aussi impuissante que celle de mon confrère; néanmoins, sur les sollicitations réitérées de ma cliente, qui me prie de satisfaire au vœu d'une mourante, je me décide à aller visiter la malade. Je trouve une femme de 53 ans, grande, maigre et sèche, à peau brune, dont la face offre des boutons d'acne rosacea assez nombreux. Sa parole est faible et pénible, mais cette faiblesse tient évidemment à une sorte d'anéantissement général, et non à la gêne des fonctions respiratoires. Elle n'accuse, du reste, qu'une petite toux sèche et rare ; mais elle se plaint de palpitations énormes à la région du cœur, palpi tations continuelles, mais avec aggravation dès qu'elle mange et après avoir mangé, ainsi que dans la position couchée. Les palpitations l'empêchent de trouver le sommeil, et la forcent à changer de position à chaque instant; retentissant dans la tête, elles finissent par déterminer une sorte d'excitation cérébrale et surtout des hallucinations de l'ouïe; elle croit entendre des coups de canon, des feux d'artifice, etc.; alors elle pousse des cris et paraît en proie à une sorte d'accès maniaque. Depuis quelques jours, en raison du diagnostic posé plus haut, à un régime assez tonique on a substitué la diète lactée, et les palpitations ont un peu diminué, mais la faiblesse, déjà très-grande, est devenue extrême. Actuellement elle peut à peine se lever de son siége, elle est incapable de toute œuvre manuelle; plusieurs fois par jour elle tombe en lypothymie, affirme qu'elle va mourir, et cette croyance est partagée par tous ceux qui l'environnent. Toutefois, elle me déclare que c'est plutôt le sentiment de sa faiblesse que la violence des palpitations qui l'arrête dans ses mouvements: ceux-ci, exécutés avec mesure, diminueraient plutôt les battements cardiaques, qui cèdent surtout après l'émission de gaz toujours abondants et difficiles à rendre. Après cette narration, je commençai à concevoir quelque doute sur l'existence de la terrible maladie qui m'avait été annoncée : l'auscultation de la malade et les renseignements ultérieurs vinrent m'éclairer sur la véritable nature de l'affection que j'avais sous les yeux. D'une part, en effet, la percussion ne me donna du côté du cœur et du poumon, que des signes négatifs, de même que l'auscultation pulmonaire; quant à celle du cœur, elle me révéla seulement de l'éclat dans les bruits, le second surtout; pas de trace de souffle. Le pouls est petit et assez fréquent, avec intermittences irrégulières. Il n'existe point d'œdème au niveau des malléoles. D'autre part, j'apprends les commémoratifs suivants: aménorrhéique pendant sa jeunesse, elle fut alors affectée d'une ascite qui réclama la ponction abdominale et céda ensuite à l'emploi de la digitale. Mariée deux fois, pendant sa première union, qui a duré dix ans, l'acte du mariage n'a pu être consommé, et il n'est résulté des efforts de rapprochement sexuel que des meurtrissures des parties génitales et des accès d'hystérie sous les formes les plus variées. A cette première union a succédé un veuvage de dix ans, puis un second mariage, où l'acte conjugal a été consommé, en même temps que s'établissait la ménopause. Sujette à la dyspepsie flatulente avec constipation, ces accidents ont augmenté à la suite d'une attaque de choléra en 1849. Une nouvelle attaque de cette maladie se déclara le 26 juillet de cette année (1854), et fut promptement arrêtée par des applications répétées de sinapismes et de hautes doses d'opium sous toutes les formes. A la suite de cette attaque et de cette médication, les accidents hystériformes se montrèrent de nouveau, et plus violents que jamais, avec souffrances gastralgi ques; la malade fut alors envoyée aux bains de mer. Sous leur influence, l'état général parut s'améliorer; mais après le huitième bain, des palpitations se déclarèrent pendant la nuit, pour la première fois. Dès lors les accès d'hystérie proprement dits disparurent, et il s'établit l'état que j'ai exposé plus haut. Après toute cette exposition, j'eus peine à croire que le diagnostic d'une affection anévrismale eût pu être porté par le médecin de la malade; je me félicitai d'avoir cédé à la prière qui m'avait été adressée de visiter cette pauvre dame; et quand je déclarai au mari que j'avais l'espoir de rendre la santé à sa femme, il me répondit qu'il me remerciait de mes paroles de consolation, mais que, son médecin lui ayant déclaré, le matin même, que sa femme était affectée d'un anévrisme, pour lequel tout traitement autre que le régime lacté était inutile, il était prêt à tout, et me priait seulement de continuer à sa femme mon assistance morale. Je prescrivis (15 novembre) de remplacer le régime lacté par de petits potages gras souvent répétés, et j'ordonnai metallum album, 24 dil., 2 globules, et platina, mêmes dose et dilution, chaque médicament par 90 grammes d'eau, à prendre par cuillerées à café deux fois par jour, en les alternant. Le 17, pas de changement. Le 20 novembre, je constate une amélioration notable sous tous les rapports; depuis hier surtout le cœur est très-calme; cette nuit, sommeil pendant plusieurs heures, l'appétit est meilleur, les digestions plus faciles; une selle très-pénible a eu lieu le 17, et depuis il y en a eu une normale chaque jour. (Sacchar. lactis.) 24 novembre. L'amélioration va progressant; elle n'a plus de palpitations que par crises légères après avoir pris ses potages et en se couchant. Une côtelette mangée hier et avant-hier a été parfaitement digérée. Les forces reviennent à vue d'œil. Elle se plaint surtout des gaz qui se logent dans différents points de l'abdomen. (Attendre.) Le lendemain 25, j'apprends que la côtelette prise à midi et le bouillon du soir ont mal passé; la nuit a été mauvaise avec sensation de quelque chose qui remontait à la gorge et grand poids épigastrique ; cette pression existe encore avec impossibilité de rendre des gaz; bâillements continuels et hoquet fréquent. Les palpitations très-modérées s'effacent derrière cet ensemble de symptômes. (Nux vom., 2 glob., 100o dil. hahnemannienne dans 90 grammes d'eau, 2 cuillerées à café par jour.) Le 28, mieux progressif; hier selle difficile, mais naturelle: cette nuit très-bonne; ce matin, émission de gaz très-facile. (Attendre.) Le retour de quelques accidents analogues détermine, le 1er décembre, l'administration de carbo vegetab., 30°. Une grande amélioration succède à l'emploi de ce médicament; lycopod., prescrit le 8, achève de permettre la libre émission des gaz et des selles. Dès cette époque, il n'a plus été question des palpitations, notablement diminuées dès les premiers huit jours du traitement. Madame B... a repris ses occupations et sa vie ordinaire, traversée quelquefois par des accidents spasmodiques variés, plus ordinairement gastralgiques, liés à son état constitutionnel et à la période ménopausique; mais l'organe central de la circulation n'est jamais affecté pendant ces orages toujours passagers. Dans l'observation qui va suivre, les symptômes d'endocardite chronique étaient beaucoup plus caractérisés; comme la guérison a eu lieu, comme une anémie bien prononcée coïncidait avec les symptômes d'endorcadite et ajoutait certainement à leur intensité, je suis plutôt tenté d'attribuer à l'anémie tous les accidents que d'autres rapporteraient à une véritable lésion organique du cœur ; le lecteur jugera. V OBSERVATION. Anémie et ménopause; symptômes d'endocardite chronique; insuccès des préparations de digitale. Traitement homœopathique; prompt retour à la santé. Madame R..., ouvrière en dentelles, âgée de 50 ans, demeurant rue Saint-Paul, est malade depuis dix-huit mois. On me l'annonce comme affectée d'un anévrisme cardiaque, et regardée comme incurable par un médecin qui, lui ayant administré la digitale sous toutes les formes, et la voyant s'affaiblir sans cesse, déclare qu'il n'a plus rien à attendre que de la nature. La malade est dans l'état de faiblesse le plus grand qu'on puisse imaginer les pieds sont dématiés, la face pâle et bouffie, avec teinte violacée des lèvres; assise dans un fauteuil, non-seulement elle est hors d'état de faire quelques pas sans être soutenue et hors d'haleine, mais elle a même de la peine à prononcer quelques paroles de suite. Elle est, en effet, dans un état d'anhélation perpétuelle, et se plaint de palpitations souvent accompagnées de bouillonnements comme par le sang et d'élancements à la région du cœur; ces symptômes s'aggravent au moindre mouvement, et quelquefois l'éveillent la nuit; ils diminuent quelquefois quand elle se couche sur le côté gauche. Ajoutons que des quintes de toux sèche viennent de temps à autre augmenter la dyspnée et les palpitations. Pouls petit, faible, intermittent; battements du cœur, forts, éclatants, avec souffle très-prononcé et bruit de râpe léger au premier temps. L'auscultation pulmonaire ne donne aucun signe. Tête généralement lourde avec accès de migraine assez fréquents; éblouissements quand elle se lève, bourdonnements presque continuels, battements dans les oreilles et le cou étant couchée. Grande agitation pendant le sommeil. Appétit assez bon; digestions généralement bonnes; mais la malade est sujette à des crampes d'estomac avec vomissements; selles généralement molles et assez fréquentes, quelquefois diarrhée grisâtre, mais sans coliques. Toujours abondamment réglée, elle a été depuis deux ans sujette à des pertes utérines; mais depuis deux mois le sang ne s'est pas montré. Les urines sont claires et abondantes. Le 21 août 1851, je prescris china, 4o dilution, 1 goutte dans 121 grammes d'eau, une cuillerée matin et soir. Le 25, la malade se trouve déjà beaucoup mieux sous tous les rapports: elle a plus de force, la physionomie est meilleure, les palpitations même ont diminué et ne s'accompagnent plus de douleurs ni de toux; pouls relevé; sommeil toute la nuit. (Ferrum, 12, 1 goutte dans 100 grammes d'eau, une cuillerée le matin.) 30 août. L'amélioration a continué jusqu'à hier matin; l'œdème malléolaire a même disparu; seulement depuis hier accès de céphalalgie avec élancements et battements, surtout à l'occiput, aggravée par la marche. (China, 6 globules, 5 dilution dans 6 cuillerées d'eau, une cuillerée chaque matin.) 5 septembre. Énorme amélioration : les forces sont revenues d'une manière extraordinaire, le sommeil et l'appétit sont excellents, les selles normales, aussi la malade a engraissé d'un kilogramme depuis quinze jours que le traitement a été commencé. Quant aux symptômes de la région du cœur, les bouillonnements ont disparu comme les douleurs ; les palpitations ont diminué notablement; à l'auscultation; les battements sont moins forts, moins éclatants; le souffle au premier temps n'est plus råpeux. (China, 4 globules, 5° dilution, dans 125 grammes d'eau, 1 globule par jour.) 12 septembre. Il n'existe plus que les palpitations; la malade a fait à pied près d'une lieue; il y a plus d'un an qu'elle n'eût pas fait la moitié de cette course. ( Spigelia, 2/12 dans 125 grammes d'eau, une cuillerée par jour.) Le 20 Se plaint seulement de céphalalgie la nuit avec bruissement d'oreilles; dans la semaine précédente seule elle a engraissé de 600 grammes. Chamomilla n'améliore pas ces maux de tête; china 4/5, prescrit de nouveau le 9 octobre, les diminue notablement; les palpitations ne se montrent plus que lorsqu'elle marche trop vite ou s'applique trop à son travail, qu'elle a voulu reprendre avec activité; le bruit de souffle qui persiste encore est fort léger. Elle se plaint d'une grande chaleur dans tout le corps étant couchée. Je prescris, à cause de ce dernier symptôme, arsenic alb., 2 globules 1/24 dans 100 gram. d'eau, une cuillerée par jour. 18 octobre. A la troisième cuillerée d'arsenic, diarrhée comme de la terre glaise, qui a continué, accompagnée de quelques palpitations. |