une hémoptysie insignifiante. L'autopsie ne révéla aucune lé sion. » Tous les cas où l'hémorrhagie s'est manifestée n'ont pas été mortels. Nous avons rencontré une jeune femme qui fut prise de mé. trorrhagie très-abondante dans le cours d'une variole discrète grave; les pustules étaient rares et sèches, de l'espèce de celles que l'on a nommées verruqueuses; cette perte dura quatre jours, et ne se termina qu'en exposant la malade à l'air (c'était en décembre) pendant deux heures avec des sinapismes aux quatre membres. Deux autres fois, chez des femmes encore, il survint une perte de sang avec des épistaxis dans le cours d'une variole très-confluente, avec quelques boutons noirs sur le visage et la poitrine. Ces deux malades coururent un grand danger, qui fut conjuré, à notre sens, parce que la tuméfaction sous-cutanée du visage et des extrémités suivit le cours régulier. Un homme, âgé de vingt-sept ans, très-vigoureux, vacciné, présenta une éruption confluente analogue sans signes hémorrhagiques autres que la production de quelques pustules pétéchiales. Grande fièvre, forte tuméfaction de tout le corps, congestions sanguines successives sur la poitrine et les méninges. Ce malade guérit. Chez lui comme chez les deux précédents, les pustules se désséchèrent rapidement; après le quatrième jour, il n'y eut pas trace de suppuration. Ce furent ce que l'on est convenu d'appeler des varioloïdes confluentes. Telles sont les principales variétés de cette variole hémorrhagique. Elles paraissent avoir été les mêmes à Chambéry, où l'épidémie se manifesta six mois plus tôt qu'à Genève. Voici quelques lignes d'une lettre qui m'a été écrite par un médecin de cette ville: <«< Nous avons eu des malades emportés en cinq jours; en particulier, une jeune femme grosse de trois mois. Elle avait la variole scorbutique de Frank. J'ai vu bien des malades cou verts de pétéchies et de larges ecchymoses, qui, tous, ont succombé. Dans la même maison, trois enfants furent atteints, deux présentèrent un mélange de pustules et de taches pétéchiales; ils allèrent jusqu'au douzième jour de l'éruption; un troisième mourut après quelques jours de fièvre en présentant les mêmes symptômes généraux que ses frères, mais sans qu'il survînt ni pétéchies ni pustules. » Nous le disions tout à l'heure, ce qui doit attirer l'attention dans ces varioles sanguines, c'est leur fréquence dans l'épidémie actuelle. Les plus anciens praticiens ne se souviennent pas d'avoir vu cette forme sévir avec autant d'intensité. Les histoires des épidémies récentes n'en font pas mention, sauf comme cas accidentel. Mon père publia (1), en 1823, le récit d'une épidémie qui fut assurément plus considérable que celle de cette année, puisqu'un seul médecin put voir 306 cas de variole dans le cours d'un an. Il n'est pas question de la forme hémorrhagique dans ce mé moire. On s'est demandé quelles pouvaient être les causes de cette forme. Il n'est pas plus aisé de faire réponse à cette question que de savoir quelle est la cause de la variole elle-même. C'est demander raison du génie propre qui caractérise une épidémie. Or, la science étiologique est à cet endroit radicalement incompétente. Nous faisions tout à l'heure à l'étiologie la part aussi grande que possible touchant la variole hémorrhagique à l'état sporadique. Quand on aura accordé une certaine limite d'action aux milieux infectieux, à la diathèse tuberculeuse, à la scrofule, à la convalescence de quelques maladies graves, on aura épuisé la liste des prédispositions; mais tout ceci est de nulle conséquence, eu égard au génie épidémique. Cette forme n'a-t-elle pas choisi ses victimes, pendant l'épidémie, parmi les sujets les (1) Dans la Bibliothèque universelle de Genève, année 1825. plus vigoureux et les plus exempts de circonstances débili tantes? Quelques-uns ont voulu lier cette forme sanguine de la variole à Genève à une constitution hémorrhagique qui aurait régné l'an dernier à un certain moment donné. Pourquoi contesterions-nous cette coïncidence d'un certain nombre de cas d'hémorrhagies diverses dans notre ville à un certain moment? Il n'y a guère d'années où ce fait de constitution médicale ne se produise, mais il ne faudrait pas accorder une importance trop décisive à des rapprochements de fait opérés entre quelques médecins sous la complaisante influence du courant de la conversation. Nous ferons simplement observer que la variole sanguine dure depuis six mois. On ne saurait raisonnablement assurer que cette constitution hémorrhagique, signalée, croyons-nous, au mois de septembre, soit encore en activité. Pour les médecins qui ont émis cette hypothèse, les hémorrhagies se rattachent vraisemblablement à quelques circonstances météréologiques, mais la difficulté est qu'ils ne se sont pas expliqués à ce sujet. D'ailleurs, ce phénomène atmosphérique fût-il aussi connu qu'il l'est peu, fût-on parvenu à se rendre compte physiquement de la production simultanée de diverses hémorrhagies, on n'aurait avancé en rien la solution du problème étiologique d'une maladie entière à forme aussi spéciale que la variole hémorrhagique. D'autres ont rapproché cette forme du charbon ou pustule maligne. Ils ne faut voir dans ce rapprochement qu'une de ces analogies fortuitement établies sous une impression rapide des faits. Encore bien que cette analogie ait été reproduite dans le public avec persévérance, il nous paraît impossible qu'elle ait été établie par un médecin. Ce serait à dire de lui qu'il ne connaît pas mieux le charbon que la variole hémorrhagique. Le syndrome moderne de l'état typhoïde ayant remplacé, pour la plupart des médecins, la putridité et la malignité des anciens auteurs, il fallait s'attendre à voir l'état typhoïde invoqué pour caractériser les varioleux hémorrhagiques. Sans vouloir entrer ici dans une discussion minutieuse sur l'état typhoïde qui a jeté tant d'obscurité et de confusion dans la séméiotique moderne, nous dirons que nos varioles sanguines ne nous ont jamais fait penser à leur attribuer l'état typhoïde; un symptôme caractéristique leur manquait : la stupeur. Ou les malades étaient agités par le délire le plus furieux, survenant brusquement et cessant de même, ou bien l'intelligence la plus lucide ne cessait de se produire au milieu des hémorrhagies les plus réitérées. L'état malin et l'état putride, tels que les enseignait l'ancienne séméiotique, caractérisent bien plus exactement les syndromes qui communiquent soudainement à ces maladies anomales un si irrésistible cachet de gravité. On a dit aussi que le sang de ces malades était plus altéré, plus dissous, moins fibrineux. Ces qualités du sang, cette prédominance des globules sur l'élément fibrineux sont des faits d'anatomie pathologique connus depuis longtemps. Cette diminution de la fibrine, on ne saurait trop le répéter, est un effet de la maladie, non une cause; elle a été constatée dans cette épidémie de variole comme dans les précédentes. Mais cette altération ne varie point avec les formes, elle est la même pour la variole la plus bénigne que pour l'hémorrhagique la plus extrême. M. Andral a reconnu ces conclusions dans son Traité d'Hématologie. Nous les avons vues se confirmer uniformément, soit quand il a été possible de recueillir du sang d'hémorrhagie, soit dans les rares occasions où nous avons pratiqué la saignée. Qui ignore, d'ailleurs, que ces altérations pathologiques du sang varient dans le cours d'une maladie? que pour la variole, en particulier, le sang redevient fibrineux au moment où la période inflammatoire de suppuration commence? Sous ce point de vue, M. Andral n'a fait que confirmer Van-Swieten. La diminution dans la proportion de fibrine n'explique pas la forme hémorrhagique de la variole; elle ne donne pas plus de lumière sur le lieu d'élection des hémorrhagies.- Pourquoi ici une hématurie plutôt qu'un épistaxis? une hémoptysie plutôt qu'une perte utérine? Si l'on explique une hémorrhagie par la dissolution du sang, il faut donc qu'il n'y ait d'atonie que dans le lieu d'élection de l'hémorrhagie? Nous n'avons pas rencontré de malades complétement conséquents. Pour l'être, ils auraient dû se montrer totalement infiltrés dans leur sang. Au contraire, même dans les cas les plus graves, on voyait les bizarreries les plus singulières. C'est ainsi qu'une femme était complétement infiltrée de la tête à la ceinture, rien au delà, et qu'une autre fois les lésions chez un homme affectaient un seul côté du corps. De ces faits, que conclure? Avant tout, qu'il faut se garder des explications physiologiques dans l'étiologie des maladies. Illusoires dans l'étiologie des maladies à marche régulière, qui sont déjà par essence la négation de l'ordre physiologique, combien seront-elles plus .vaines encore alors qu'il s'agit d'une maladie anomale sous l'influence d'un processus épidémique! La variole hémorrhagique est un des exemplaires les plus caractérisés de ces faits morbides heureusement rares, comme le choléra foudroyant noir, comme quelques cas de fièvre typhoïde de forme ataxique, dont les phénomènes insolites déroutent toutes les prévisions du médecin, sauf les plus funestes, confondent les voies ordinaires de la séméiotique, et mettent à néant la thérapeutique. Rien de plus compromettant pour la saine physiologie que de lui commettre le soin d'interpréter de pareils faits. Tous les caractères de l'anomalie se présentent ici. Perturbation dans les stades ordinaires, c'est-à-dire dans l'ordre d'évolution des symptômes; perturbation dans le mouvement fébrile; perturbation dans le mode de développement de la lésion |