de grandes quantités de sang pur sortaient de la bouche et des narines; la face, le col et le dos prenaient de suite une couleur violet foncé, et peu à peu il devenait jaune dans les parties non déclives. On remarquera sans doute beaucoup de différence dans la marche, l'apparition, les modifications et l'ordre des symptômes; mais il ne peut en être autrement pour une description générale et qui cependant vise à faire connaître les nombreuses nuances de cette maladie. Quoique la fièvre jaune soit spécialement caractérisée par trois phénomènes principaux: l'ictère, les hémorrhagies passives et le vomissement noir, elle présente néanmoins de nombreuses variétés dans son développement, dans sa marche et dans ses symptômes généraux et secondaires. Par exemple: dans telle année le caractère inflammatoire prédominera, dans une autre ce sera le bilieux ou le gastrique, et dans d'autres années enfin ce sera le tour des types nerveux et typhoïdes. Il n'est pas besoin d'ajouter que ces différentes formes peuvent se rencontrer et se combiner entre elles pendant la même épidémie. C'est ainsi que les groupes de symptômes ont varié presque avec chaque malade, autant par leur intensité que par le moment de leur apparition, ceux de la deuxième période anticipant souvent sur ceux de la première, ceux de la troisième sur ceux de la deuxième et même de la première. Il y avait fréquemment défaut de rapport des phénomènes morbides les uns avec les autres: absence de soif avec langue rouge et fièvre intense; douleurs épigastriques aiguës, avec langue farge, blanchâtre et même naturelle; et encore langue rouge, sèche, et grande soif, coïncidant avec absence complète de douleurs épigastriques par la pression, etc., etc. La fièvre jaune s'est offerte à mon observation sous plusieurs formes bien tranchées telles ont été la diaphorétique, la nerveuse, la congestive cérébrale, la typhoïde et la gastrique plus ou moins typheuse. La forme diaphorétique était celle où, quoique la maladie commençât souvent avec un cortège de violents symptômes inflammatoires, toute la peau se couvrait cependant d'une sueur facile et soutenue, pendant laquelle elle faisait doucement son évolution et se terminait heureusement par une franche convalescence en quatre ou cinq jours. Il n'était toutefois pas rare qu'après un aussi heureux début, elle prît tout à coup une tournure fàcheuse, que la peau devînt aride, brûlante, que le délire s'établit avec une grande agitation et qu'enfin elle se transformât en congestive, cérébrale ou typhoïde, sous l'influence d'un refroidissement subit de l'atmosphère, ou pen. dant des orages si fréquents en été sous ces latitudes chaudes, ou par une mauvaise médication et par d'autres causes inconnues. Une variété très-grave de celle-là était une diaphorèse abondante, mais brûlante, accompagnée d'un pouls extrêmement fort et fréquent; elle se terminait quelquefois si promptement par la mort, qu'on pouvait croire à une apoplexie foudroyante. Cette fin rapide était seulement précédée de quelques heures de divagation, de soupirs et du rejet par la bouche d'une petite quantité d'un liquide noir comme une infusion de café, et, après la mort, du sang rutilant sortait en abondance de la bouche et du nez. Dans la forme gastrique et bilieuse, le foie, l'estomac et les intestins sont les principaux foyers de la maladie. Ici les nausées, les vomissements et les éructations sont prédominants et fatiguent beaucoup les malades; la langue est souvent rouge, sèche, d'un vif écarlate; l'intelligence et la conscience sont nettes; il y a des plaintes répétées. Cette forme n'est pas la plus dangereuse. La jaunisse l'accompagne souvent, mais arrive plus tard que dans les formes cérébrales. Le vomissement noir peut y survenir d'une manière abondante et se répéter plusieurs jours, et cependant la guérison y est très-possible. D'autres fois elle traîne en longueur et passe même à l'état typhoïde, complication qui l'aggrave et peut amener la mort du huitième au quinzième jour. On l'observe chez les femmes et les individus à constitution délicate, souffrant de la dispepsie, de gastralgie, et chez ceux dont les or ganes digestifs sont en mauvais état. Dans cette complication typhoïde, il y avait congestion passive de la face, de l'hébétude dans le regard, un peu de stupeur, langue sèche, brunâtre, dents sèches et fuligineuses, soif très-irrégulière, pouls lent, tendu, vibrant, variant de 100 à 115 pulsations par minute, chaleur sèche et âcre à la peau et particulièrement à la tête ; hémorrhagies par les gencives, quelquefois par l'anus; nuits agitées, sans sommeil réparateur; douleurs obtuses, gravatives à la tête et rémission vers le matin. L'ictère arrivait tard et lentement, il pouvait même manquer. Cet état d'incertitude se prolongeait jusqu'au quinzième, vingtième et même vingt-cinquième jour, et l'issue restait douteuse. La forme congestive cérébrale se subdivisait encore en plusieurs variétés toutes très-graves, soit qu'elles atteignissent les enfants, les adultes et les vieillards. C'est elle qui a prédominé dans les périodes d'accroissement et d'état des grandes épidémies, particulièrement dans les années très-chaudes et trèssèches. C'est elle qui a moissonné le plus grand nombre des inacclimatés. La mort les frappait souvent en douze, dixhuit, vingt-quatre, trente-six et quarante-huit heures, même sans avoir présenté les signes de la troisième période. La maladie se présentait alors analogue à un véritable empoisonnement. Il semblait qu'il y eût eu une telle absorption du principe générateur de cette peste, que la vie s'éteignît sous la violence de la réaction que l'organisme déployait pour s'en débarrasser. Si je m'exprime ainsi, c'est afin de mieux rendre ma pensée et de mieux compléter la description de cette forme si grave de la fièvre jaune, car je n'ai aucune idée préconçue de la nature de la cause productrice ou génératrice de ce fléau. C'étaient principalement les individus sanguins, plethoriques, fortement musclés, livrés aux écarts de régime, et ceux qui étaient nouvellement débarqués, qui en devenaient les premières victimes. Ceux qui présentaient cette forme congestive, typhoïde, étaient rapidement plongés dans la stupeur, indifférents à tout ce qui se faisait autour d'eux; leur peau était très-chaude, sèche et âcre; la langue, d'abord naturelle, humide, large, couverte d'une légère couche blanchâtre ou jaunâtre, devenait bientôt rouge, écarlate, sèche, brune par bandes et à la pointe; il y avait d'abord de la constipation, qui un peu plus tard pouvait faire place de à la diarrhée, à des déjections noires ou sanguinolentes. Les urines étaient foncées, même abondantes dans le commencement, et se supprimaient complétement plus tard; il y avait cependant des exceptions. Les yeux étaient fortement injectés de sang, peu animés ou égarés; le délire était tranquille ou violent, il fallait surveiller le malade et souvent l'attacher; l'ictère s'annonçait dès le second jour ou au commencement du troisième. Le vomissement noir survenait fréquemment trente heures après l'invasion, et seulement peu d'heures ou peu d'instants avant la mort. Les hémorrhagies passives par les gencives, la bouche, la langue, etc., ne tardaient pas à arriver, quand la mort ne les précédait pas. Le malade pouvait être tranquille ou très-agité, plongé dans la stupeur et le coma, ou en proie au délire, conserver ou perdre, et reprendre l'usage de ses facultés intellectuelles. Les angoisses à la région précordiale, les soupirs, la difficulté d'inspirer l'air, le hoquet et les spasmes de toutes sortes étaient portés à leur plus haute intensité dans cette forme redoutable, qui amenait généralement la mort du troisième au cinquième jour. Je l'ai pourtant vu se prolonger avec les symptômes propres à la troisième période jusqu'au sixième et huitième jour. (La suite au prochain numéro.) AD. CARTIER. NOTE Sur les caractères distinctifs DES EFFETS PRODUITS PAR LES MÉDICAMENTS SUR L'HOMME SAIN (Réponse à M. le Dr DIDAY, rédacteur en chef de la Gazette Notre article sur l'iode, publié dans le numéro de novembre 1858, à propos de la note de M. le docteur Rilliet, a excité la verve de M. Diday. Dans un feuilleton intitulé l'Iode infini-` tésimal et l'lode homeopathique (Gazette Médicale de Lyon du 16 novembre 1858), ce spirituel confrère prend assez vivement à partie Hahnemann, l'homœopathie et l'Art Médical. Son article renferme une objection à laquelle nous voulons répondre. Nous citons M. Diday: « Vous trouvez, dit-il (s'adressant à nous), que les signes d'intoxication iodique, vus par M. Rilliet, ressemblent tout à fait aux phénomènes pathogénétiques de l'iode, cités par Hahnemann, et vous n'en cachez point votre joie; mais que diriez-vous si le tableau de M. Rilliet ressemblait, et non moins exactement, aux phénomènes pathogénétiques de presque toutes les substances étudiées par le même Hahnemann?... Vous vous récriez ! Il est impossible, ditesvous (ou devez-vous dire), que des effets si bien spécifiés soient produits par un autre remède. L'iode a ses propriétés spéciales une substance différente ne les simulera que grossièrement, que pour des yeux prévenus. Vous allez encore abuser, allopathes perfides, de quelques analogies éloignées... « Abuser... Oh ! que non pas ! Votre maître et oracle ne me réduit pas à cette extrémité pour tenir ma promesse. J'ouvre son livre, votre bréviaire, au hasard; tenez, à l'article lycopode. |