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duits dans des tuyaux remplis de gaz différents. Il arrive à cette conséquence que les gaz simples ont la même chaleur spécifique. Il y a plus des volumes égaux de tous les fluides élastiques, pris à une même température et sous une même pression, étant comprimés ou dilatés subitement d'une même fraction de leur volume, dégagent ou absorbent la même quantité de chaleur. Les vapeurs obéissent à la même loi.

Il est regrettable que le second mémoire, dans lequel DULONG devait développer ces dernières propositions, n'ait jamais paru. Il y travaillait depuis dix ans, et suivant ses propres paroles, il ne lui fallait plus que quelques jours pour le terminer quand la mort est venue le surprendre. Malheureusement, il n'avait confié à aucun de ses collègues la clef de son édifice, et son préparateur particulier, M. Cabart, le seul qui ait été initié aux détails et à la succession des dernières expériences collectives et définitives, n'a pas pu réunir les moindres débris de ce travail auquel DULONG attachait le plus grand prix, et qu'il regrettait tant, dans les derniers moments de sa vie, de ne pouvoir finir.

L'auteur termine son très-intéressant travail, en déclarant modestement qu'il croit n'avoir rempli qu'imparfaitement les vues de la Société d'Émulation. Formé à l'école de notre illustre compatriote, l'auteur s'est inspiré tout à la fois de son savoir et de sa modestie; c'est un double titre qu'il acquiert aux sympathies et à l'estime des concitoyens de DULONG.

Nous sommes enchantés de reconnaître que, à part la partie biographique qui est incomplète, la tâche a été parfaitement remplie, et c'est avec bonheur que la Société va décerner à l'auteur du mémoire no 2 la récompense promise (29).

Quelques personnes n'envisageant les sciences que par leur côté pratique, ne se préoccupant que des avantages immédiats qu'elles assurent à la société, s'étonneront peut-être de voir une association qui, comme la nôtre, est spécialement vouée aux progrès des arts industriels et à la moralisation des classes ouvrières, attacher une si haute importance aux travaux purement scientifiques de DULONG, et décerner une récompense excep

tionnelle à celui qui nous en a parlé avec tant de charme et d'exactitude.

A ces personnes, qui oublient l'objet essentiel des sciences: la connaissance de la vérité, et qui méconnaissent l'influence incontestable qu'elles exercent sur la marche de la civilisation, nous répondrons que l'état florissant de l'industrie d'un pays n'est que la conséquence du développement des sciences qu'on y cultive. Ces arts matériels, qui satisfont aux besoins journaliers, qui multiplient les commodités de la vie, ne sont que des applications directes des théories générales de la géométrie et de la mécanique, que la mise en pratique sur une plus grande échelle des réactions chimiques, des expériences en petit, des phénomènes observés dans le laboratoire du chimiste ou le cabinet du physicien. Aussi les théories scientifiques ne peuvent faire aucun progrès considérable, sans que les applications se multiplient. N'est-ce pas depuis les développements immenses de la chimie qu'on a vu se perfectionner les arts métallurgiques, les arts du blanchiment, de la teinture et de l'impression des tissus, le travail des peaux, la fabrication des gélatines, des prussiates, des sels ammoniacaux, l'extraction et le raffinage des sucres; qu'on a vu naître ces produits commerciaux: soudes brutes et raffinées, glucose, essences aromatiques et matières colorantes artificielles, chloroforme, benzine, sulfure de carbone, esprit de bois, collodion, etc., qui, à peine sortis des laboratoires des chimistes, sont devenus si profitables à l'industrie générale et à l'économie domestique?... Les sciences, même les plus abstraites, deviennent inopinément d'une utilité immédiate et sensible, et se prêtent aux usages les plus vulgaires. C'est d'après un théorème d'Archimède que sont construites ces mesures aérométriques nécessaires à l'administration et aux particuliers. La presse hydraulique, qui sert aujourd'hui à presque tous les arts, est un corollaire de statique proposé par Pascal !...

Dans son célèbre rapport historique sur la marche des sciences naturelles depuis 1789, l'éloquent interprète de l'Institut disait : « Nulle vérité physique n'est indifférente aux agréments de la Société, comme nulle vérité morale ne l'est à l'ordre qui doit la régir. Les premières ne sont pas même étrangères aux bases sur

lesquelles reposent l'état des peuples et les rapports politiques des nations; l'anarchie féodale subsisterait peut-être encore, si la poudre à canon n'eût changé l'art de la guerre; les deux mondes seraient encore séparés sans l'aiguille aimantée, et nul ne peut prévoir ce que deviendraient leurs rapports actuels, si l'on parvenait à suppléer aux denrées coloniales par des plantes indigènes (30) ... »

C'est parce que nous voyons partout l'homme, guidé par les sciences, s'emparer des forces de la nature, disposer à son gré du poids et des mouvements de l'air et des eaux, faire servir à ses desseins l'élasticité de la vapeur, le rayon de lumière qui fixe la forme des objets, ce fluide invisible plus rapide que la pensée dont la mystérieuse puissance est à peine entrevue, que nous, Société industrielle et pratique, nous nous efforçons de pousser les esprits vers l'étude des théories scientifiques, nous rendons hommage aux hommes de génie qui en agrandissent le domaine, nous récompensons les écrivains habiles qui en vulgarisent les principes.

NOTES.

(1) Les biographes de Dulong disent le 12 février, c'est une erreur qui a été rectifiée par la publication de l'extrait de baptême de cet homme célèbre. Cet acte est ainsi conçu :

Le lundi quatorzième jour de février mil sept cent quatre-vingtcinq, a été baptisé par moi curé soussigné, un garçon, nommé PierreLouis, né d'hier, du légitime mariage de Monsieur Jean-Pierre Dulong et de Madame Marie-Madeleine Peyrot, de cette paroisse; le parrain, Monsieur Louis Dulong, grand oncle de l'enfant ; la marraine, Madame Aimée Peyrot, épouse de M. Faurax, tante de l'enfant, lesquels ont signé avec nous, le père, présent, Louis Dulong, femme Faurax, JeanPierre Dulong et Grenet, curé de Saint-Pierre-du-Châtel.

(Extrait des registres de la paroisse de Saint-Pierre-du-Châtel, déposés à la Mairie de Rouen).

Cet acte a été reproduit dans la très-intéressante notice que notre confrère et ami, M. Deville, a lue à l'Académie de Rouen, et qui a pour titre Recherches sur la maison de Rouen où est né Dulong. (Voir le Précis des travaux de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, pour 1843, page 138).

(2) Cette maison portait alors le no 31; c'est aujourd'hui le no 46.

(3) Dulong est mort à Paris, le 19 juillet 1838, après une longue et douloureuse maladie, qui ne lui laissa dans les dernières années de sa vie, que de rares intermittences.

(4) Le père de Dulong mourut fort jeune, en 1787; quatre ans après, sa veuve le suivit au tombeau. Dulong, leur fils unique, trouva dans une de ses tantes, qui était sa marraine, Mme Faurax, une seconde mère. Elle l'emmena à Auxerre, lieu de sa résidence, et confia son éducation à un vieux professeur du collège de cette ville.

Pendant plusieurs années, il fut impossible de le faire étudier. Où doit-on en chercher la cause? les événements ont surabondamment prouvé que c'était bien plus dans la maladresse du professeur que dans le développement tardif de l'intelligence de l'élève; mais tonjours est-il que trois ou quatre années se passèrent sans résultat utile pour son instruction.

Un jour, sa tante, désolée de sa paresse, lui témoignait, dans les termes les plus vifs, tout son chagrin et toute son inquiétude pour l'avenir: Laisse-moi encore jouer pendant cette année, répondit Dulong, et tu verras l'an prochain si je sais travailler. » Il tint parole.

(5) M. Boutron-Charlard. — La notice de notre ami a d'abord paru dans le tome 24, page 480, du Journal de Pharmacie et des sciences accessoires ; je l'ai fait insérer dans le tome 12, page 208, de la Revue de Rouen et de la Normandie, 2o semestre de 1838.

(6) Voir la notice de M. Deville, déjà citée.

Le marbre placé sur la maison de Dulong porte cette inscription, proposée par l'Académie :

Pierre-Louis Dulong, chimiste et physicien, est né dans cette maison, le 13 février 1785. »

(7) Voici le texte du programine formulé en 1847, sur la proposition de notre confrère et ami M. Auguste Lévy:

Une médaille d'or de la valeur de 300 francs sera décernée, s'il y a lieu, dans la séance du 6 juin 1849, à l'auteur du meilleur mémoire contenant l'éloge de Dulong et une analyse critique de ses travaux en physique et en chimie.

• Les concurrents doivent bien comprendre que ce que l'on demande n'est pas seulement l'éloge d'un homme si haut placé dans l'estime du monde savant, mais une analyse complète et critique des travaux de cet illustre physicien.

D

(8) Académie royale des sciences. Funérailles de M. Dulong, le 20 juillet 1838; brochure in-4°, publiée par l'Institut royal de France.

(9) Discours de M. Arago prononcé aux funérailles de Dulong. — Loco citato.

(10) MM. Thénard et Berthollet terminent ainsi le rapport qu'ils présentèrent à l'Institut, le 1er février 1813, sur le mémoire relatif à cette nouvelle substance détonante:

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