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AVANT-PROPOS

I

OTRE seconde Septaine a pour objet d'éclaircir et d'interpréter scientifiquement l'ensemble des faits et des légendes produits au cours de la première.

La Clef de la Magie Noire doit ouvrir aux curieux l'ultime sanctuaire de ce Temple de Satan dont ils ont, en notre compagnie, parcouru les parvis encombrés d'un bric-a-brac de fétiches sans nom, pêle-mêle avec d'étranges simulacres:

As, nummos, lapides, cadaver, simulacra, nihilque... (1).

Ils reverront au grand jour ce pandemonium qu'ils ont fouillé naguère à tâtons, ou munis seulement d'une lanterne sourde, jusqu'en ses cryptes hantées d'hallucinantes ténèbres.

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Voir, c'est bien; comprendre vaut mieux. Close la fantasmagorie du Sabbat, place à qui veut connaître le démon tel qu'il est.

(1) Tryphon, moine et poète du xir° siècle, cité par Victor Hugo, les Misérables (11, 2).

L'heure a sonné de l'épiphanie satanique. Le tabernacle s'ouvre, et voici que, révélant le suprême arcane de son inconscience meurtrière, l'Idole va s'éclairer du feu cosmique et omnilatent qui est sa substance propre et sa

vie.

Ce présent volume commente et corrige le précédent; il en redresse les images, renversées ou falsifiées par l'artifice du Maître des enchantements; il remet en leur place les horizons intervertis, substitue un jour probe au fallacieux éclat des torches infernales, si prompt à dépraver les formes, à faire mentir les couleurs. Il rétablit en un mot la perspective normale, au lieu de celle sabbatique (toute factice et clémente aux prestiges) dont s'épeuraient les yeux ensorcelés, sur la lande du bouc.

on

Le parallélisme interprétatif des sept chapitres, d'un tome à l'autre, nous a paru une méthode servile, à quoi nous n'imaginons pas qu'il soit urgent de s'astreindre. Ce serait renoncer au système autrement fécond des correspondances tarotiques. Il s'agit moins, comme pense, de reprendre un à un, pour en démonter le mécanisme, les phénomènes mentionnés au Livre précédent, que d'établir une théorie générale des forces occultes, décisivement synthétique, et dont l'intelligence permette à nos Lecteurs de découvrir par eux-mêmes — et, le cas échéant, d'inférer à priori le comment et le pourquoi, non pas seulement des faits que nous avons choisis pour exemples, mais indistinctement de tous ceux, similaires, qui, chaque jour, défient la sagacité de l'observateur. Nous tenterons, du reste, pour quelques-uns des cas si

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gnalés au tome 1, ce qu'il serait oiseux d'entreprendre pour tous: l'adaptation des principes aux faits. Bien plus, nous ne balancerons pas, en vue de rompre la monotonie des spéculations abstraites, à étayer nos théories d'un contrôle nouveau, moyennant de nouveaux exemples, proposés çà et là.

La Sorcellerie ou Magie Noire, qu'ailleurs nous définissons la mise en œuvre, pour le Mal, des forces

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occultes de la Nature, diffère de la haute et divine Magie en trois points essentiels: elle s'en distingue d'abord par la diversité d'intention, puis par le degré de science ou d'ignorance des moyens employés, enfin par le contraste des résultats obtenus.

Mais, nous l'avons noté dans un autre livre et n'y saurions trop revenir, Mage et Sorcier plient aux

buts les plus discords, aux œuvres les plus disparates, un même agent qui leur est commun à tous deux ['Astral.

C'est dire que notre deuxième Septaine (Clef de la Magie Noire) se réduira presque à une étude du plan astral (1): champ de bataille hyperphysique où se heurtent, en un cliquetis d'éclairs, la lumineuse flamberge de Saint Michel-Archange et la fourche fulgurante de SatanPanthée. Formidable duel! D'une part, le champion fatidique d'Hyle, l'aveugle Instinct, monstre collectif réactionné par les dévorantes passions individuelles ; d'autre part, la sainte guerrière d'Arke, l'Intelligence sereine,

(1) Particulièrement dans ses rapports avec le plan matériel.

sciemment ralliée au plan providentiel : c'est l'Ange et le Démon légendaires, s'escrimant à armes égales dans la région du feu cosmique!

Voilà l'Astral-fourche ignée aux griffes de Satan, glaive de flamme aux mains du Kéroub. Nous pourrions ajouter, dans l'esprit d'une savante école de gnose : voilà l'Astral agent pantomorphe et convertible; tantôt Satan lui-même, lorsqu'il subit les forces collectives du Mal; tantôt, quand il est mû par les puissances providentielles, lumière de gloire des élus et corps mystique du Saint-Esprit.

Une étude consciencieuse de l'Astral doit embrasser ces deux aspects contradictoires; d'où il résulte que la Clef de la Magie Noire ne donne pas seulement accès dans l'édifice des sciences réprouvées, mais peut ouvrir aussi le temple sinon le sanctuaire de la haute et. divine Magie.

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C'est

Pourquoi le temple et non le sanctuaire? qu'abstraction faite du plan astral, que nous savons commun par essence aux adverses milices du Ciel et de l'Enfer, le mage est actif sur d'autres plans encore, parfaitement inconnus des fauteurs de sortilège. De pareilles altitudes ne se révèlent accessibles qu'à l'essor de l'aigle ou de la colombe mystiques; mais, hiboux ou vautours de l'Arcane, jamais les immondes cohortes n'en souilleront l'éther immaculé (1).

(1) C'est le vulgaire sorcier qu'ici nous désignons, et les forces mises en œuvre par lui. Le premier tome du Serpent de la Genèse a fait assez voir en quels misérables bas-fonds d'abrutissement et d'esclavage moral se confinent les artisans de la Goëtie.

Ne t'étonne donc point, Ami Lecteur, de rencontrer, presque à tous feuillets du présent tome, des théories qui intéressent également les hierophantes de la lumière et de la nuit. Sur toute chose, garde-toi de croire tous les principes éternels de la Kabbale et de la sainte Magie condensés en ce tome II. Il ne renferme qu'en mode indirect leurs moins sublimes enseignements: nous n'outrepasserons guère à cette fois la zone temporelle, qu'en notre troisième Septaine il nous faudra délibérément franchir, pour élucider, dans la mesure permise à nos efforts, le terrible Problème du Mal.

Alors même, tout sera loin d'être exposé. Un autre ouvrage affrontera ultérieurement, s'il plaît à Dieu, les suprêmes révélations de la science traditionnelle des mages; du moins ce qui peut en être livré par notre humble intermédiaire paraîtra en temps et lieu. Persuadetoi d'ailleurs que le dernier mot de ces arcanes ne sera jamais dit, ni par nous, ni par aucun autre. En veux-tu savoir la raison profonde? même en supposant qu'un adepte intégralement initié consentit, par impossible, à dépouiller l'Isis céleste de

C'est que,

Toutefois, n'ayons garde d'oublier que Satan se métamorphose comme il convient, pour venir infester le plan intellectuel même. Mais sur ce nireau, il prend nom l'Erreur (tome I, page 52), et sous cette forme métaphysique, il n'a plus rien à voir avec la sorcellerie proprement dite. Si donc nous avons parlé (tome I, chapitre VII) des magiciens noirs de l'Art et de la Pensée, c'est dans une acception ésotérique plus large, et nos lecteurs déjà initiés n'ont pu se méprendre sur l'esprit qui nous dicta naguère cet aphorisme : - Il n'est point de mode où s'exerce l'activité de l'homme, que le Satanisme ne soit susceptible d'envahir et d'imprégner; comme il n'en est pas que l'inspiration divine ne puisse érertuer et ennoblir » (Tome I, page 518).

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