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scient, les hésitations de la suprême Pensée, les tergiversations du Verbe absolu.

III

Nul ne s'est mépris sans doute sur la valeur des quelques axiomes énoncés dans la section II de cet avantpropos; leur portée est incalculable; elle embrasse et domine tout cet ouvrage.

Il convenait de les inscrire en tête de notre deuxième Septaine, au point précis où s'ouvre l'enseignement dogmatique de Haute Doctrine, après l'exposé pur et simple des faits qui intéressent notre sujet (première Septaine:

LE TEMPLE DE SATAN).

Bien plus, (au risque d'anticiper formellement sur les matières du présent tome), il semble utile de courir, d'ores et déjà, au-devant des objections probables.

A ces deux axiomes: - Le Surnaturel n'est point; l'Etre absolu n'est susceptible ni d'hésitations ni de remords, -on opposera le récit du Déluge, d'une part, tel que le donnent les traductions officielles de la Bible; et de l'autre, ce fameux verset de la Vulgate, où chacun peut lire que le Seigneur se repentit d'avoir créé l'homme ici-bas. Or Moïse étant, pour les fidèles, l'infaillible porte-parole de l'Esprit-Saint, et pour les adeptes de Ésotérisme occidental une de leurs plus imposantes autorités, de telles objections paraissent assez graves pour requérir de notre part une réponse immédiate.

Puissions-nous, sans être taxé de suffisance, affirmer

ici que rien n'est plus facile au monde que de réduire à néant ces spécieuses difficultés. Prions le Lecteur d'être arbitre.

1o Le Déluge. Que notre planète ait élé ravagée à plusieurs reprises par des déluges formidables, encore que partiels, c'est ce que l'Occultisme ne conteste pas plus que la science universitaire. Sachant même ce qu'ignore celle-ci, les causes géologiques (1) et métaphysiques (2) de pareils cataclysmes, il a pu formuler l'inflexible loi de leur retour périodique, déterminable à date fixe. Quant à travestir, comme la Vulgate, le déluge universel en événement historique du cycle présent, c'est une autre affaire. Le fait est très contestable et généralement contesté. Quoi qu'il en soit de ce point de controverse, qu'il n'y a pas lieu de débattre ici, il demeure constant que Moïse admet en principe la possibilité d'un déluge universel (3). C'est assez pour qu'il soit

(1) Voy. nommément Delormel, La Grande Période, Paris, 1789, in-8. (2) Voy. Fabre d'Olivet, Langue hébr. restit., (t. II, p. 174–257); Hist. philos., (t. II, p. 188-194).

(3) Ce qu'il importe de n'oublier jamais, c'est l'erreur grossière de ceux qui veulent voir dans la Genèse, suivant l'opinion malheureusement accréditée, les Annales du peuple juif à l'époque patriarcale. Le Sepher de Moise est, non pas le récit d'une série de faits historiques, accomplis dans le passé, mais le Livre transcendantal des principes cosmogoniques et androgoniques: principes dont les adaptations se sont produites, se produisent ou se produiront dans le temps et l'espace.

Nous jugeons utile de transcrire à cette heure quelques lignes de 'Histoire philosophique du genre humain, où Fabre d'Olivet, par une double definition des plus précises, prévient toute éventualité de confusion et jusqu'à la possibilité d'un malentendu.

«... Il est deux espèces de déluges, qu'on ne doit pas confondre ensemble : le Déluge universel; celui dont parle Moïse sous le nom de

permis de raisonner sur le fait réputé possible, comme sur un fait accompli. Ainsi allons-nous faire.

Le Déluge, comme tous les cataclysmes généraux ou partiels, est un effet rigoureusement logique des causes naturelles; il ne se réalise en acte qu'en suivant la filière hiérarchique des causes mues et motrices.

Le Verbe de Dieu, pour s'accomplir, peut providentiellement (1) influer sur les lois secondaires, sans les altérer dans leur essence.

Soit donnée une roue entée sur un axe mobile; cette roue tourne à dextre. Si nous la faisons tourner à sénestre, nous aurons modifié le sens de sa rotation, sans altérer sa nature intime, qui est de tourner. Sa fonction n'est nullement corrompue, pour inversée qu'elle soit (2).

Maboul; celui que les Brahmes connaissent sous le nom de Dina-pralayam, est une crise de la Nature qui met un terme à son action; c'est une reprise en dissolution absolue des êtres créés... Moïse en parle comme d'une funeste possibilité... La description de ce déluge, la connaissance de ses causes et de ses effets, appartiennent à la cosmogonie..... Les déluges de la seconde espèce sont ceux qui n'occasionnent qu'une interruption dans la marche générale des choses, par des inondations partielles, plus ou moins considérables. Parmi ces cataclysmes, on peut considérer celui qui détruisit l'Atlantide comme un des plus terribles, puisqu'il submergea un hémisphère tout entier et fit passer sur l'autre un torrent dévastateur qui le ravagea. » (Hist. philos., tome II, p. 191-192, passim).

(1) Voir ce que nous disons (page 30) sur le rôle physiologique de la Providence, cette intelligence de la Nature.

(2) Nous ne nous dissimulons point l'imperfection ni même le ridicule de rapprochements pareils : du particulier à l'universel, comme du nombre à l'unité, toute comparaison est inévitablement, ou défectueuse, ou du moins mesquine; et pourtant les analogies du sensible sont seules aptes à rendre à notre raison un compte indirect des vérités intelligibles. Résignons-nous donc à l'insuffisance du rapprochement, et le reprenons.

En fabriquant cette roue muable dans les deux sens, nous nous étions réservé d'en intervertir à notre caprice la rotation, de droite à gauche, ou de gauche à droite. — Ainsi (pour user d'un langage exotérique jusqu'à la trivialité), Dieu s'était réservé de dilater à son gré, ou de condenser les eaux. - Comment?

Nous touchons à l'un des arcanes de l'initiation mosaïque, et ceux-là seuls en auront l'intelligence pleine et entière, qui savent ce qu'il faut entendre par le fameux Roùach Elohim abs, qui, dans le Principe

רוח אלהים

se mouvait en puissance de fecondite, בראשית .על פני המים sur la face des doubles-eaux מרחפת

17, l'Esprit Saint, dont il

Par son essence, ce Roùach Elohim se rattache au Rouach Hakkadosch wip est la manifestation première, édénale. En substance et dans l'univers, il constitue ce mystérieux agent que les hindous nomment Akasa (le fluide pur), lorsqu'une force intelligente le dirige; mais qui, abandonné à la fatalité de son mouvement propre, devient le cyclone de Nahàsh , ou du serpent de la Genèse en un mot, la Lumière astrale. Dans l'un et l'autre cas, il a été appelé l'âme du monde, comme on le verra plus avant. Il est le suprême facteur de l'équilibre élémentaire, Emesh et le glaive du jugement ou de l'équilibre moral, Hocq (1). Comme principe de la manifestation sensible, Moïse le fait couler à la région d'Eden sous le nom de Phishon, le fleuve producteur de la création objective ou physique (2); comme expansion de la Faculté

N,

(1) Voy. le Sepher letzirah, traduit par Papus (Chap. II et III).
(2) Gihôn, Hiddekel et Phrath, les trois autres fleuves symboliques

plastique génératrice, et spécialement comme Puissance universelle d'individualisation vitale, ce théocrate le désigne sous l'emblème de la colombe de Noé, Iônah (1). Voilà ce que nous pouvons dire.

Mais le détail de ces spécifications nous entraînerait trop loin. Le problème du déluge doit seul nous occuper, à cette heure. Tenons-nous-en, quant au reste, à des généralités.

Tous les termes ci-dessus énoncés, et d'autres encore qui seront ultérieurement définis, expriment la filiation occulte émanée de Rouâch Hakkadôsch, l'Esprit Saint; soit une hiérarchie de Principes et de Puissances, hiérarchie qui pour nous, sous-multiples déchus d'Adam, vient aboutir dans le monde astral, ou des fluides hyperphysiques. Déjà, Au Seuil du Mystère, nous avons éclairci, d'après la tradition constante des Maîtres de la Sagesse, la triple nature de l'universel fluide, selon qu'il est considéré dans son mouvement d'expansion, Aôd TN, dans son mouvement de restriction, Aôb 21, ou dans le cycle intégral de son double mouvement, ascendant et descendant, Aor N (2). Si nous observons à cette heure que les eaux ont toujours passé, dans les sanctuaires de l'ancien monde, pour l'hieroglyphe matériel du principe passif et restrictif (3), nous ne serons pas surpris d'ap

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du paradis terrestre, expriment également diverses modifications de l'Agent astral.

(1) Voy. Langue hébr. rest. (t. II, p. 230).

(2) La plupart des occultistes écrivent Aoûr

-

N. Avec Fabre d'Olivet, nous trouvons plus précis de distinguer le feu (Aoùr) de la lumière (Aôr).

(3) Le feu, par contre, était l'emblême du principe d'activité expansive.

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