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Or done, admettant pour l'instant cette vulgaire définition, nous pourrions déjà dire qu'il est aussi absurde d'affirmer l'existence d'une chose ou d'un phénomène au-dessus de la nature, qu'il serait chimérique de concevoir un être ou une Puissance au-dessus de Dieu. Si naturel veut dire qui existe, surnaturel signifie donc qui est au-dessus de l'existence, ce qui revient à dire qui n'existe pas. sortira difficilement de là. Le vocable surnaturel, appliqué à des phénomènes de la nature, nous semble aussi bouffon que serait, attribué à des essences spirituelles, le vocable hyperdivin.

- L'on

Pour rendre le mot Nature à son sens véritable et lui restituer toute sa portée, il ne faut rien moins qu'entamer la révélation de quelques-uns des plus hauts mystères de la Science. C'est ce que nous tenterons au tome Ill (Problème du Mal), en recherchant ce qu'est la Nature dans son principe, dans son essence, dans sa substance, dans ses opérations; comment il faut la concevoir en son intégrité, avant la chute adamique; ce qu'enfin elle est devenue dans la matérialisation universelle, produit de cette catastrophe et de la sous-multiplication de l'Adam céleste, à travers l'espace et le temps. Toutes ces questions s'enchaînent de la sorte la plus rigoureuse, et semblent appartenir exclusivement aux matières de notre troisième Septaine.

Le programme de cette deuxième Septaine (Clef de la Magie noire) n'appelle en effet aucun de ces développements. Les mystères de −17 (Kadôm) — ou des principes originels, - ceux d' (Oûlam) ou des destinées finales n'intéressent notre thèse actuelle que d'une

manière assez indirecte. Nous prenons l'homme terrestre, au point d'évolution où la vague de la vie l'a porté sur notre planète; et nous recherchons jusqu'où sa malice peut induire en complicité la Nature élémentaire, dont les lois fatales sont indifférentes à servir la perversité, comme à seconder le bon vouloir, des êtres habiles à mettre en œuvre cesdites lois, vers un but d'égoïsme à satisfaire ou de bien général à accomplir.

Au contraire, notre troisième Septaine (Le Problème du Mal) comporte un tout autre cadre. Voyez comme s'élar git le domaine qu'il doit embrasser : l'horizon mystique recule au levant, d'une part, jusqu'à l'engendrement de l'Éternelle Nature (1), à la promulgation du Décret fondamental antérieur à la chute adamique; -au couchant, d'autre part, il se prolonge jusqu'à la consommation des siècles et la réintégration des sous-multiples dans l'Unité ; jusqu'à l'apothéose d'Adam au giron du Verbe éternel!

Quelques développements que requière l'élucidation de ces arcanes, étrangers d'ailleurs à l'objet du présent tome, il va bien falloir en toucher un mot dès cette heure ; car il nous serait impossible de répondre, même sommairement, à cette question qu'est-ce au juste que la Nature? - sans préciser, en quelques traits fermes et brefs, l'histoire de la chute, conçue non plus dans les termes d'une fable cosmogonique, mais dans l'esprit de la Synthèse ésotérique et traditionnelle.

En dehors même de la question du naturel et du surnaturel que notre silence en ces matières laisserait pen

(1) (Bæhme).

dante, cet empiètement forcé sur le programme du Livre III présente encore l'avantage de jeter un clair sur l'origine de l'astral, qui, sans cela, fût demeurée fort obscure. Du même coup, la digression qu'on va lire nous permettra de mettre en lumière une divergence fondamentale entre les écoles théosophiques d'Orient et d'Occident, divergence dont il semble d'autant plus urgent de bien fixer les termes, qu'elle a été moins sentie jusqu'à ce jour. L'a-t-on seulement signalée avant nous? Espérons en tout cas que le Public saura apprécier l'importance d'une distinction qui nous paraît essentielle.

En effet, si nous interrogeons les différentes sources de l'enseignement occulte, nous voici en présence de deux courants très distincts, de traditions pour ainsi dire contradictoires (1).

Le premier courant (qui est celui de l'ésotérisme mosaïque, interprété par Fabre d'Olivet, et, en général, celui de la doctrine secrète en occident: soit qu'on s'en tienne à la tradition kabbalistique pure, ou qu'on suive celle des mystiques, depuis Alexandrie jusqu'à nos jours, en passant par la Gnose, les Templiers, les Rose Croix, Paracelse, Fludd et Crollius, puis l'École des voyants : Bæhme, Gichtel, Leade, Martinès, Dutoit-Mambrini, Saint-Martin et Molitor, etc...), le premier courant nous amène tout droit à la conception d'un absolu de Vie

(1) Contradictoires, quant au point de départ de leur Cosmogonie, voulons-nous dire; nullement quant à l'enseignement des grandes lois de la Nature actuelle. Sur ce point, il y a le plus souvent parfait accord entre les deux Écoles.

éternelle et de Nature-essence, dont la Nature sensible et contingente, dont l'Univers matériel et concret ne seraient qu'un produit en mode de déviation éventuelle, un accident passager.

Conçue antérieurement à la déchéance, l'Éternelle Nature, épouse féconde de Dieu (qu'elle manifeste en mettant au jour son Logos), constituerait cette sphère de l'Unité divine (le Plérôme de Valentin) où se meuvent harmonieusement tous les êtres intra-émanés, dont la synthèse est Adam Kadmon (1), alias le Verbe. Le Verbe engendré de l'indissoluble union de l'Esprit pur et de l'Ame vivante universelle, ou, si l'on préfère, du Dieu mâle et de la Nature féminine; — le Verbe, idéal Macrocosme, qu'à ce point de vue nous appellerions encore Adam-ÆElohim (2), par opposition à l'un

.אדם קדמון (1)

(2) TN. Mais le nom véritable du Verbe éternel est Ihôah Elohim inba nini (Voy. la note que nous avons publiée dans un autre ouvrage Au Seuil du Mystère, pages 112-114).

Cette inexplicable identité de l'Homme conçu dans son essence universelle, et de Dieu même en tant que manifesté par son Verbe, constitue le Grand Arcane kabbalistique.

a Ce qu'est Adam dans son essence universelle, ne peut pas être exprimé sans une instruction préalable, attendu que la civilisation européenne n'étant pas, à beaucoup près, aussi avancée que l'avait été celle d'Asie et d'Afrique avant Moïse, elle n'a pas encore acquis les mêmes pensées universelles, et manque par conséquent de termes pour les exprimer, a)... Ce qu'est Adam dans son essence particulière, peut être exprimé; quoique cette idée, particularisée dans la pensée de Moïse, se présente encore pour nous sous une forme universelle. Adam est ce que j'ai appelé le Règne hominal, ce qu'on appelait improprement le genre humain; c'est l'Homme conçu abstractivement: c'est-àdire la masse générale de tous les hommes qui composent, ont composé, ou composeront l'humanité; qui jouissent, ont joui ou jouiront de la

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de ses membres qu'on pourrait nommer Adam-Æloha (1). Dans ce dernier, il faudrait voir l'auteur à la fois et la victime de l'accident dont nous parlions tout à l'heure. Cet accident, d'où proviendrait-il? - De l'imprudence d'Adam, considéré (au sens le plus restreint), comme un Eloha consubstantiel au Verbe - Adam Elohim dont il serait en quelque manière à son origine un organe

vivant.

Au lieu de vivre heureux dans la substance maternelle de la divine Nature et dans l'Unité du Verbe, incité par Nahàsh

Adam, (l'Égoïsme), veut connaître

et saisir la Nature en elle-même (dans son essence radicale antérieure au divin baiser générateur de l'Etre, dans ce que Boehme appelle sa racine ténébreuse en un mot, dans sa matrice avant la fécondation). S'emparer de cette essence occulte, antécédente à l'élémentisation lumineuse; de ce pivot de la vie possible qui voudrait être, mais qui n'est point: telle est l'ambition confuse d'AdamEloha. Il plonge éperdûment en ce barathre, y cherche lumière, vie autonome et toute-puissance; mais il n'y trouve que ténèbres angoisseuses (2), appétentes et tou

rie humaine; et cette masse ainsi conçue comme un seul être vit d'une rie propre, universelle, qui se particularise et se réfléchit dans les individus des deux sexes. Considéré sous ce dernier rapport, Adam est male et femelle, b). » (Cain, pages 29-30).

Dans cette citation très remarquable de Fabre d'Olivet, il est d'abord question du Verbe, Ihoah Elohim, ou Adam Kadmon, ou Adam Elohim a); puis d'un membre du Verbe, d'Adam-Ève, ou d'Adam Eloha b).

.אדם אליה (1)

(2)

Hosheck de Moïse, enveloppant in Thom;

et en

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