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racine première de tout être, et de la Nature productrice elle-même.

Le Désir est plus spécialement la Puissance magique d'évocation aux mirages de l'existence objective, sensible. Il s'affirme créateur comme la Volonté, dont il n'est peutêtre qu'une forme obscure, rudimentaire ou dégradée (1).

Il se diversifie d'ailleurs, selon les milieux où il se développe. Simple conséquence de la chute et répercussion de la chair sur l'âme, quand il fermente au cœur humain, - le Désir prend un autre caractère chez tous les êtres qui vivent de la vie céleste: il témoigne d'un acquiescement de la sensibilité aux suggestions tacites de Nahash.

Dans le monde des âmes, il incite les monades à déchoir, et les fait rouler sur la pente de l'incarnation ; au royaume de la vie et de la mort physiques, il pousse les incarnés à perpétuer leur race:

Efficit ut cupidè generatim sæcla propagent.

Le Désir apparait donc à la base de toute manifestation objective. Le Feu secret constitue le lien, l'instrument médiateur entre le Désir et l'objet désiré; enfin la matière marque le terme, la limite, l'aboutissement infime du Désir réalisé.

La Forme spirituelle, que le Désir a fait descendre du Ciel empyrée, se fixe un instant dans la matière qu'elle pétrit à son image; puis, ses potentialités taries, la Forme

(1) Imaginons la Volonté qui s'éveille, inconsciente et despotique, aux limbes des vies instinctive et passionnelle; la Volonté aveugle, acoquinée aux séductions de la vie physique, le Désir semble-t-il autre chose?

fait retour à l'occulte, par l'entremise de ce même Feu secret, qui avait servi naguère à la manifester. La terrestre dépouille de la Forme spirituelle envolée en garde la fugitive empreinte : c'est la signature, ici-bas, d'une Énergie réintégrée à sa source d'en haut. Mais la signature va s'effacer graduellement, l'empreinte disparaitre, sous l'action du ferment universel, c'est-à-dire encore et toujours du Feu secret!...

L'on serait fort en peine de rien expliquer de la nature ni de l'origine du Cosmos, sans recourir à la connaissance de cette mystérieuse Lumière, invisible aux yeux charnels; car c'est d'elle que tout est sorti, et rien ne subsiste encore que par elle.

Indépendamment des matérialisations objectives dont l'ensemble constitue l'univers physique, la lumière astrale se spécialise encore et se fixe partiellement, selon les milieux elle forme ainsi le corps sidéral, et par suite le nimbe de tous les êtres qu'elle baigne de ses ondes.

Ainsi chaque astre est enveloppé d'une atmosphère hyperphysique appropriée à sa nature: c'est son âme vitale et inférieure, ou son corps arômal et supérieur. Cette atmosphère, réserve virtuelle et milieu nourricier, s'élabore et s'entretient elle-même, en aspirant et en expirant tour à tour la substance universelle, ou Lumière astrale non spécialisée, non fixée.

Il en est de même de tous les êtres, quels qu'ils soient; tous ont leur corps astral ou médiateur plastique.

Le Lecteur pourra bientôt comprendre à quels troublants mystères la connaissance positive des corps sidé

raux (et particulièrement du corps sidéral humain) peut servir de clef. Nous nous contenterons d'observer, en ce chapitre, qu'il n'est point de peuple sur la terre, dont les traditions mystiques se taisent sur ce point.

Si la Lumière astrale compte plusieurs centaines de noms, le corps fluidique peut lui faire concurrence sous ce rapport. La liste énumérative en serait fastidieuse; nous y mettrons quelque discrétion, et nul ne songera peut-être à s'en plaindre.

L'idée même du fantôme, si universellement reçue des hommes à toutes les époques de l'histoire, traduit en mode exotérique l'occulte notion de cette réalité le corps astral.

Qu'on l'appelle avec les brahmes Linga Sharira, Nephesh avec les Kabbalistes, Eidolon avec l'école hellénique, Houen avec les magistes chinois, c'est toujours ce double mystérieux, dont Psellus enseigne qu'il tient le milieu entre le corps physique et l'âme spirituelle. C'est l'Angoëidê d'Origène et le Simulacrum des latins (1).

(1) Oswald Crollius, élève de Paracelse, énumère quelques autres noms, coutumièrement attribués au corps astral par les adeptes de son École. Après avoir parlé du corps physique (dans l'introduction de la Royalle Chymie), le célèbre Docteur poursuit en ces termes : « ... Quant à l'autre partie de l'homme, c'est-à-dire le corps syderique, appelé le Genie de l'homme, d'autant qu'il tire son origine du firmament, les latins l'appellent encore Penates, à cause de la proximité qu'il a de nous et vient encor au monde avec nous, Ombre visible, Esprit domestique, Homme ombrageux, petit homme familier des Philosophes, Demon ou bon Genie, Adech interne de Paracelse, Spectre-lumière de nature, Euestre prophetique en l'homme. Outre ces noms, il s'appelle encore Imagination, qui enclost tous les astres dans soy... L'imagination est comme

Virgile en fait mention plus d'une fois; il le montre survivant au cadavre de chair:

« Et nunc magna mei sub terras ibit imago... » (1).

Saint Paul écrit hardiment:

«< S'il y a un corps ani

mal, il y a aussi un corps spirituel (2). »

la porte, la fontaine et le commencement de toutes les opérations magiques: et sans le detriment ou diminution de l'Esprit astral ou syderique, elle a la puissance de produire et engendrer des corps visibles; voire (ce qui surpasse l'entendement humain), soit qu'elle soit presente ou absente, elle peut mettre au iour toutes les plus admirables opérations.... L'imagination de l'homme est un vray Aymant, lequel a puissance de tirer à soy de cent lieuës ... D'où le sage ou vray magicien peut attirer l'operation des astres, et la ioindre aux pierres, images et metaux, lesquels par apres ont le mesme pouuoir que les astres... tout ce que nous voyons au grand monde peut estre produict par le moyen de l'Imagination; d'où s'ensuit que toutes les plantes, metaux, et tout ce qui a les vertus crescitiues, peut estre produict par l'imagination ou la vraye Gabalie; et cecy est la partie de magie appelée Gabalistique, appuyee sur ces trois colomnes suiuantes: premierement, aux vrayes prières, faictes en esprit de Verité, où se faict vnion de l'esprit créé auec Dieu.... Secondement, par la foy naturelle ou sapience ingeneree... tiercement par la forte exaltation de l'imagination, les forces de laquelle sont manifestement demonstrees tant par le baston de lacob, duquel Moyse faict mention, que par les marques imprimees aux enfans dans le ventre maternel : donc l'imagination ou fantaisie en l'homme est semblable à l'Aymant... » (La Royalle Chymie de Crollius, traduitte en françois par I. Marcel de Boulene (Lyon, 1624, in-8). Préface admonitoire, p. 74-76 et 80-81, passim).

Ces lignes surprenantes de Crollius donnent, par anticipation, un aperçu des magiques merveilles qui peuvent s'accomplir à la faveur du corps astral, évertué ad hoc. L'auteur de la Basilica Chymica était profondément versé dans les arcanes de la Science.

(1) Énéide, livre IV, v. 654.

(2) Corinth., XV, 44. Peut-être saint Paul fait-il allusion, non point au Corps astral proprement dit (expression terrestre de la faculté plastique de l'âme), mais bien au Corps glorieux (son expression céleste). Cette distinction sera tirée au clair dans les chapitres qui vont suivre, particulièrement au IVe et au VIe du présent tome.

« Les âmes, dit Saint Hilaire, qu'elles soient ou non incarnées, possèdent en outre une substance corporelle inhérente à leur nature (1). »

On pourrait multiplier les citations, mais il n'importe... Le corps astral,- qui n'est autre que le Périsprit des Kardecistes, double exactement le corps physique, dont il se peut séparer sous certaines conditions, comme nous le verrons au chapitre II.

Distinct de l'énergie vitale passive qui réside dans le globule sanguin (2) et qui entretient la subsistance des cellules, le périsprit a pour siège le système cérébro-spinal et le grand sympathique: toute fibre nerveuse, si minime soit-elle, sert de véhicule à sa force élastique, invisiblement diffuse en toutes les parties du corps visible.

Cette substance insaisissable se répare et se renouvelle par un phénomène en tout point analogue à celui de la respiration pulmonaire. Mais le produit de l'expir fluidique forme, autour du corps astral, une sorte de hâlo d'éther spécialisé, atmosphère individuelle de pureté ou de corruption, de vertu ou de vice, dans laquelle vivent et se meuvent les êtres potentiels générés par la volonté ou par les passions (Voir le chap. II).

Chez l'homme et les animaux, même chez les plantes,

(1) In Matth, V, 8. Même remarque qu'à la note précédente. (2) Voyez PAPUS, Traité méthodique de Science occulte, pages 182186.

Cette force vitale des cellules est le Jiva des hindous. Inséparable du corps, la vie durant, elle forme après la mort cette silhouette, vaguement phosphorescente parfois, qui se décompose très vite, après avoir erré quelque temps autour de la dépouille mortelle, dont elle ne s'éloigne jamais.

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