Page images
PDF
EPUB

CHIMIE.

MÉMOIRE

SUR LES CHAUX HYDRAULIQUES,

LES CIMENTS ET LES PIERRES ARTIFICIELLES;

Suivi de Considérations chimiques sur la formation des calcaires siliceux et en général des espèces minérales formées par la voie humide,

Par M. Fréd. KUHLMANN, Membre résidant.

Dans un récent travail que j'ai eu l'honneur de présenter à la Société et qui fait suite à mes recherches sur la nitrification, j'ai fait connaître les résultats auxquels j'ai été conduit par un examen attentif de la nature des efflorescences des murailles, de leur origine et des circonstances qui donnent lieu à leur formation. Mes investigations sur ce point m'ont permis de constater la présence de la potasse ou de la soude dans la plupart des calcaires de diverses époques géologiques et de justifier ainsi l'existence de ces alcalis dans les végétaux qui croissent sur un sol calcaire. J'ai expliqué comment on peut se rendre compte des efflorescences de carbonate et de sulfate de soude, et de l'exsudation de carbonate de potasse et de chlorure

de potassium ou de sodium qui se produisent souvent d'une manière très-visible à la surface des murailles peu après leur construction.

Une particularité qui a fixé mon attention, c'est que les sels alcalins ont été obtenus généralement en plus grande quantité par le lessivage des chaux hydrauliques que par celui des chaux grasses, et que les ciments hydrauliques en sont généralement fort chargés.

J'ai fait des essais sur le ciment de Pouilly, celui de Vassylès-Avallon et celui de Boulogne, sur le ciment préparé avec les calcaires siliceux qu'on recueille sur les bords de la Tamise, près de Londres, et tous m'ont donné des quantités notables de potasse.

Ces observations m'ont paru dignes d'attention. Les sels de potasse ou de soude exercent-ils quelqu'influence sur les propriétés de la chaux? Leur présence dans les pierres à chaux peut-elle jeter quelque jour sur la formation des calcaires siliceux ? Telles sont les questions que je me suis posées et à la solution desquelles j'ai consacré une nouvelle série de recherches dont je vais présenter le résumé.

Chaux hydrauliques artificielles par la voie sèche.

J'ai reconnu que s'il est constant que la chaux peut directement se combiner par la calcination avec la silice lorsque cette dernière lui est présentée à l'état d'hydrate, cette combinaison est considérablement facilitée par l'addition au mélange d'un peu de potasse ou de soude ou de sels de ces bases, susceptibles de se transformer en silicates dans les conditions où la calcination a lieu. Pour déterminer la transformation d'une grande quantité de chaux en silicate il ne parait pas nécessaire d'ajouter au mélange de craie ou de chaux et d'argile une grande quantité d'alcali, le rôle de ce dernier se bornant, selon

toute apparence, à faciliter le transport successif de la silice. sur la chaux.

Chaux hydrauliques artificielles par voie humide.

J'ai constaté la possibilité de préparer des chaux ou ciments hydrauliques par voie humide en faisant intervenir la silice ou l'alumine dissoute dans l'eau à la faveur de la potasse ou de la soude. Je forme ainsi au contact de la chaux délitée des silicates et aluminates qui ne sont pas délayés par l'eau et qui possèdent toutes les propriétés, comme aussi la composition des chaux hydrauliques naturelles. Ici sans doute n'intervient pas le mode de transformation continu que je viens de signaler ; aussi une plus grande quantité d'alcali devient nécessaire, mais le mortier est rendu hydraulique à volonté et dans les circonstances seulement où cela est nécessaire; le degré d'hydraulicité peut en outre se graduer selon le besoin, et le mortier peut être rendu hydraulique dans tous les pays, quelle que soit la nature de la chaux et des corps qui lui sont associés.

Il sera possible aussi de ne rendre les mortiers hydrauliques que dans les parties extérieures des travaux destinés à être immergés, et cela en construisant des maçonneries en chaux grasse et en arrosant les parties extérieures avec de la dissolution de silicate alcalin; on obtiendra ainsi une enveloppe peu perméable à l'eau et qui permettra aux parties centrales de prendre à la longue de la consistance.

L'application des mortiers rendus hydrauliques par la voie humide aura surtout son utilité dans les pays où la potasse n'est pas d'un prix élevé.

Je produis par la voie sèche comme par la voie humide des mortiers hydrauliques plus économiques que ces derniers par l'addition à la chaux ou à la craie de sulfate d'alumine ou

d'alun. Il se forme, dans ces réactions, un aluminate de chaux dont les propriétés expliquent l'efficacité d'un procédé pour durcir le plâtre, importé d'Angleterre et qui paraît consister dans la calcination du plâtre avec de l'alun.

La calcination de la chaux ou de la craie avec 8 à 10 % de sulfate de fer ou de sulfate de manganèse donne aussi une chaux presentant les caractères des chaux hydrauliques; mais les mortiers fabriqués avec ces derniers produits ne conservent de la consistance que dans l'humidité.

La potasse doit être préférée à la soude dans la fabrication. du silicate soluble, parce que le carbonate de potasse ne donne pas, comme celui de soude, des efflorescences cristallines dans les parties de constructions exposées à l'air; pour les parties plongées dans l'eau, cette préférence n'est pas justifiée; elle doit au contraire appartenir à la soude, car en outre que cet alcali est d'un prix moins élevé que la potasse, il dissout une plus grande quantité de silice, sa capacité de saturation étant plus considérable.

Sans vouloir entrer dans de grands détails concernant les expériences nombreuses qui viennent à l'appui de mes opinions sur la formation des chaux hydrauliques, je dirai que ce qui rend incontestable l'influence des alcalis dans la production de ces chaux, c'est que lorsqu'on associe la potasse ou la soude aux chaux hydrauliques ou aux ciments naturels on en augmente les propriétés hydrauliques. Ainsi avec la chaux de Tournai, qui est un peu hydraulique, on obtient une chaux qui possède à un haut degré la propriété de durcir sous l'eau en la calcinant avec 5 à 8 % de potasse du commerce. J'ai constaté aussi l'efficacité de l'action de la potasse sur le ciment de Londres, de Vassy-lès-Avallon, de Pouilly et de Boulogne.

Je me hâte d'ajouter que l'expérience seule peut prononcer d'une manière définitive sur le mérite et l'utilité de ces applications au point de vue de l'économie; que dans l'appréciation

de la qualité des mortiers l'expérience est indispensable, et non l'expérience de quelques semaines, mais celle d'années.

entières.

Il s'agira d'apprécier l'action de la gelée, celle des efflorescences, celle de la nitrification, toutes causes plus ou moins puissantes de destruction,

Tout en faisant intervenir un agent nouveau dans la théorie de la formation des chaux hydrauliques, je n'en regarde pas moins comme fondamental le principe qui a dirigé les travaux si remarquables de M. VICAT, travaux qui honoreront toujours cet habile ingénieur et auxquels je m'estimerais heureux d'avoir ajouté quelques observations utiles.

Les chimistes n'admettront pas que l'existence de la potasse ou de la soude dans tous les calcaires à chaux hydraulique soit accidentelle et sans influence sur les propriétés de la chaux. De quelle manière cette intervention a-t-elle lieu? Je pense que, sous l'influence de la potasse ou de la soude, les calcaires. siliceux, ou la chaux grasse mêlée d'argile, peuvent donner lieu, par la calcination, à des combinaisons, doubles de chaux, de silice ou d'alumine et d'un alcali, soit la potasse ou la soude; que ces combinaisons artificielles sont analogues aux combinai-sons naturelles que les minéralogistes désignent sous les noms de Mésotype, d'Apophyllite, de Stilbite, et que même il peut se former artificiellement un composé de silice d'alumine et de soude analogue à l'Analcime. Il est à remarquer que ces divers composés constituent des hydrates, et que s'ils font partie des chaux hydrauliques naturelles, il doivent perdre cette eau à la calcination pour la reprendre ensuite lors de l'humectation et amener ainsi une prompte consolidation des mortiers. Si ces sels doubles ou des composés analogues se forment pendant la calcination des mélanges artificiels, avec ou sans addition de sels alcalins, les silicates produits à l'état anhydre se trouvent, au moment de leur contact avec l'eau, dans les mêmes condi

« PreviousContinue »