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d'action inquiétants, énergiques et inattendus, la facilité de simuler une feinte d'un côté et d'arriver subitement sur un autre point, puis de disparaître pour attaquer ailleurs presque aussitôt.

C'est donc sous une menace continuelle et enveloppante de tous côtés que les deux adversaires vivent, et le terrain ne peut être disputé que par la concentration de toutes les forces. Dès lors, pourquoi détacher, comme dans l'infanterie, une puissante avant-garde (une brigade entière) ? car, si l'attaque supposée de front se transforme en simple feinte et que le choc principal se produise sur le flanc, le temps manque pour envoyer quérir et ramener les huit escadrons détachés, et l'insuccès est certain. La puissance de la cavalerie se manifestant surtout par l'offensive, le maximum de l'effet à produire ne peut être obtenu que par la concentration des éléments de combat. Par suite, le dispositif qui s'impose est tout tracé par l'application du principe précédemment donné :

Le combat de cavalerie se dénoue avec une telle vitesse, que, si l'on a contre soi un adversaire entreprenant, hardi et rapide, il ne faut pas compter sur l'intervention à temps, comme secours, de troupes voisines, distantes de plusieurs kilomètres.

Donc pas d'égrènement ni d'échelonnement de forces, la concentration seule donnant la puissance.

Ce principe, selon nous indispensable, est méconnu en France, car le règlement indique le dispositif ci-après : « Dès que la division se trouve à une distance telle que la rencontre de l'ennemi peut résulter d'une marche forcée (70 à 80 kilomètres), on forme l'avant-garde avec une brigade, de préférence la brigade légère, qui précède le gros de 4 à 6 kilomètres, selon le terrain. Les deux brigades forment le gros. Elles marchent dans l'ordre qui

convient le mieux aux mouvements du terrain et à la nature du sol. »

Ce partage des forces, contraire au principe ci-dessus, serait fatal pour lutter contre un ennemi concentré.

En effet, supposons deux divisions marchant au combat, l'une avec ses trois brigades réunies, l'autre ayant détaché une brigade à la moyenne réglementaire de 5 kilomètres du gros. Comme il est juste d'admettre que le service des reconnaissances est aussi intelligemment exécuté d'un côté que de l'autre, les adversaires sont prévenus en même temps que l'on arrive au contact. Dès lors, la division concentrée, certaine de ne rencontrer qu'une brigade, se jettera sur elle, et l'issue du combat ne peut être douteuse, puisqu'on lutte trois contre un.

Quant à pouvoir être soutenu à temps par le gros, le dénouement rapide d'un combat de cavalerie ne permet pas d'y compter, car le courrier, chargé de prévenir, aura 5 kilomètres à franchir pour rejoindre les deux autres brigades qui devront également parcourir 5 kilomètres pour arriver au secours de l'avant-garde total, 10 kilomètres. Même avec la vitesse d'un train rapide, il y a longtemps que la brigade d'avant-garde serait exterminée, et les deux autres brigades éprouveraient, à leur tour, le même sort, puisqu'elles resteraient deux contre trois.

L'étude des campagnes sous le premier empire démontre les revers souvent éprouvés par une brigade marchant isolée à cette distance du gros des troupes. Au début de la guerre de Sécession, les premières colonnes de cavalerie furent ainsi conduites; mais l'expérience montra vite le danger de ce dispositif, et, par la suite, tous les généraux de cavalerie employèrent le même ordre de marche s'éclairer au loin par des pointes intelligentes, chargées de voir; tout le reste dans la main du chef pour

:

se battre, en détachant, à un kilomètre en avant seulement, un ou deux pelotons composés d'hommes choisis.

II

Si, de l'étude du dispositif général de la marche d'une division, nous passons à celui d'une brigade chargée du service de sûreté, nous trouvons un égrènement des forces encore plus considérable. En effet, les prescriptions réglementaires sont les suivantes :

«La brigade est divisée en deux groupes comprenant chacun un régiment.

« Le premier régiment fournit une ligne d'éclaireurs sur son front. Le reste du régiment, fractionné par escadrons, marche par groupes à 2 ou 3 kilomètres en arrière des éclaireurs pour leur servir de soutiens.

« Le deuxième régiment marche en arrière du centre du réseau, et garantit la sûreté des flancs et celle des derrières comme celle du front, c'est-à-dire par des éclaireurs appuyés par des soutiens. >>

Mais, avec une semblable dispersion des unités de combat, comment assurer le service de sûreté qui a pour but, non seulement de renseigner, mais d'opposer une vive résistance à l'ennemi qui attaque ?

Le premier régiment a tous ses escadrons séparés à 5 ou 6 kilomètres les uns des autres, en arrière des éclaireurs, pour les appuyer. Quant au second régiment, qui marche à 3, 4 kilomètres, ou même plus, suivant le terrain, il détache également des éclaireurs appuyés par des soutiens sur les flancs et sur les derrières, ce qui réduit à 3 escadrons les troupes que le chef garde dans la main.

Bref, sur les 8 escadrons de la brigade, 5 sont séparés à des distances de 5 ou 6 kilomètres, ce qui rendrait toute

réunion impossible, si l'ennemi attaque avec hardiesse, et chaque fraction, en arrivant, se ferait successivement battre par les forces triples ou quadruples de l'adversaire marchant concentré.

Enfin, si, pour compléter la discussion sur le danger de l'échelonnement des forces dans la cavalerie, nous passons de l'étude du dispositif d'une brigade du service de sûreté en marche à celles des troupes chargées du service d'exploration, nous allons trouver les mêmes causes amenant les mêmes résultats.

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