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moi pour me sucer le peu de sang qui se trouve dans mon corps pourquoi cette hypothèse n'est-elle pas la réalité! »

Première édition, p. 28 :

« MALDOROR.

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Dazet, tu disais vrai un jour; je ne t'ai point aimé, puisque je ne me sens même pas de la reconnaissance pour celui-ci [Le fossoyeur qui lui offre l'hospitalité]. Fanal de Maldoror, où guides-tu ses pas ? »

Deuxième, p. 54 :

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O pou vénérable, toi dont le corps est dépourvu d'élytres, un jour tu me reprochas avec aigreur de ne pas aimer suffisamment ta sublime intelligence, qui ne se laisse pas lire; peutêtre avais-tu raison, puisque je ne me sens même pas de la reconnaissance... Fanal... »

Dans la citation suivante, le nom de Dazet figure, à la première édition, à la place des passages imprimés en italique :

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Le frère de la sangsue [Maldoror] marchait à pás lents dans la forêt... Enfin il s'écrie: « Homme, lorsque tu rencontres un chien mort retourné, appuyé contre une écluse qui l'empêche de partir, n'aille pas, comme les autres, prendre avec ta main les vers qui sortent de son ventre gonflé, les considérer avec étonnement, ouvrir un couteau, puis en dépecer un grand nombre, en te disant que toi aussi tu ne seras pas plus que ce chien. Quel mystère cherches-tu ? Ni moi, ni les quatre pattes nageoires de l'ours marin de l'Océan Boréal, n'avons pu trouver le problème de la vie... Quel est cet être, là-bas, à l'horizon, et qui ose approcher de moi, sans peur, à sauts obliques et tourmentés ? et quelle majesté mêlée d'une douceur sereine! Son regard, quoique doux, est profond. Ses paupières énormes jouent avec la brise et paraissent vivre. Il m'est inconnu. En fixant ses yeux monstrueux, mon corps tremble... Il y a comme une auréole de lumière éblouissante autour de lui... Qu'il est beau... Tu dois être puissant, car tu as une figure plus qu'humaine, triste comme l'univers, belle comme le suicide... Comment!... c'est toi, crapaud!... gros crapand!... infortuné crapaud!... Pardonne!... Que viens-tu faire sur cette terre où sont les maudits ? Mais qu'as-tu donc fait de tes pustules visqueuses et fétides, pour avoir l'air si doux ? Quand tu descendis d'en haut... je te vis! Pauvre crapaud! Comme alors je pensais à l'infini, en même temps qu'à ma faiblesse... Depuis que tu m'es apparu, monarque des étangs et des marécages! couvert d'une gloire qui n'appartient qu'à Dieu, tu m'as en partie consolé, mais ma raison chancelante s'abîme

devant tant de grandeur... Replie tes blanches ailes et ne regarde pas en haut avec des paupières inquiètes... » Le crapaud s'assit sur les cuisses de derrière (qui ressemblent tant à celles de l'homme) et, pendant que les limaces, les cloportes et les limaçons s'enfuyaient à la vue de leur ennemi mortel, prit la parole en ces termes: « Maldoror, écoute-moi. Remarque ma figure, calme comme un miroir... je ne suis qu'un simple habitant des roseaux, c'est vrai, mais grâce à ton propre contact, ne prenant que ce qu'il y avait de beau en toi, ma raison s'est agrandie et je puis te parler... Moi je préférerais avoir les paupières collées, mon corps manquant des jambes et des bras, avoir assassiné un homme, que ne pas être toi! Parce que je te hais!... Adieu donc, n'espère plus retrouver le crapaud sur ton passage. Tu as été la cause de ma mort. Moi, je pars pour l'éternité, afin d'implorer ton pardon. »

Enfin, le premier chant se terminait ainsi : << Tol, jeune homme, ne te désespère point, car tu as un ami dans le vampire, malgré ton opinion contraire. En comptant Dazet, tu auras deux amis. » La deuxième phrase est devenue : «En comptant l'acarus sarcopte qui produit la gale, tu auras deux amis. »

La folie reste indubitable, après quoi on a réfléchi sur ce système de corrections; elle s'aggrave, même; cependant, il faut conclure à ce qu'on dénomme une folie lucide, une folie dont les patients ont relativement conscience, qui ne trouble qu'une ou qu'une série de leurs facultés (« Apprenez, dit l'auteur, dans ses Poésies, que l'âme se compose d'une vingtaine de facultés »);

et pour l'ensemble des Chants de Maldoror, à une folie qui côtoie les frontières du génie, et parfois, insolemment et carrément, les franehit. Maldoror semble s'être jugé lui-même en se faisant apostropher ainsi par son énigmatique Crapaud Ton esprit est tellement malade qu'il

ne s'en aperçoit pas, et que tu crois être dans ton naturel chaque fois qu'il sort de ta bouche des paroles insensées, quoique pleines d'une infernale grandeur. »

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L'homme est un perpétuel recommenceur. A-t-on bien étudié cette tendance ? L'histoire a ses couches successives, comme la géologie, où dorment les restes des civilisations qui se sont superposées. Arrivé en un point, le progrès s'arrête; il y a eu catastrophe ou évolution, et un autre ordre de choses reprend qui subira le même sort. En pénétrant aux détails de l'histoire, on voit

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