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Ici finit le résumé, en impressions, de ce premier roman d'Alfred Vallette,

roman sobre

et solide, consciencieux et achevé, de noble labeur

et d'art sincère.

LA BESTIALITÉ

L'extrême dépravation n'est souvent qu'un retour à la candeur première, et des écrivains qui ont fait de la perversité leur carrière en arrivent parfois à nous conter, sous couleur de luxures nouvelles, des histoires dont la fraîcheur était déjà contestable aux temps bibliques. C'est qu'il est fort difficile d'innover en ces imaginations. Le catalogue des plaisirs d'amour est bref, même si on y accueille les déviations de la folie charnelle, et les anecdotes pathologiques, toujours les mêmes, que l'on trouve en nombre presque égal dans certains écrits scientifiques, dans les pamplets licencieux du siècle dernier (Voir l'Espion du boulevard du Temple) et dans la littérature aphrodisiaque de toutes les époques. Les

ouvrages casuistiques des Jésuites sont, en ce dernier genre, à mettre au premier rang. Sans doute, ils y font preuve d'une suprême connaissance de la bête humaine, mais leur sagacité n'est assez souvent que puérile et ils oublient que la vulgarisation des modes secrets du péché de la chair est beaucoup plus dangereuse que n'est probable leur guérison.

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Dirai-je que ces sortes d'ouvrages seraient utilement étudiés par les romanciers érotiques ? C'est assez douteux, car l'imagination même d'un jésuite, comme le P. Sanchez, ou d'un capucin, comme le P. Sinistrari, est assez vite bornée par les possibilités, sinon par les vraisemblances. Pourtant, de tous ces médicastres de la chair en délire, Sinistrari est peut-être le plus curieux. Son petit livre, qui est assez connu, porte ce titre étrange « De la Démonialité et des animaux incubes et succubes, où l'on prouve qu'il existe sur terre des créatures raisonnables autres que l'homme, ayant comme lui un corps et une âme, naissant et mourant comme lui et capables de salut et de damnation. » Naturellement, Sinistrari ne prouve rien du tout que sa propre crédulité et son goût pour les obscénités pieuses, j'allais dire édifiantes, mais sa théorie de l'incubat et du succubat n'en est pas moins intéressante en son absurdité si logique, et peut-être vraie, car que savons-nous ? C'est en cet opus

cule que plus d'un mage, parmi les plus estimés, puisa sa science de la luxure ésotérique.

En passant, et pour préciser ses définitions, Sinistrari distingue soigneusement la démonialité de la bestialité. Comment ? Il est malaisé de répéter ses arguments, et il faut s'en tenir ici aux expressions de la bulle du pape Alexandre VII, qui déclare que « chacun de ces péchés porte avec lui sa turpitude particulière et distincte ».

Le second de ces péchés, l'abominable bestialité, est un acte qu'on ose à peine évoquer, en sa triste et douloureuse abjection; cependant, pour un homme primitif, un homme tout près de la nature et qui vit en frère parmi les animaux, il ne doit pas être si abject que cela. L'Histoire, légendaire ou véridique, le montre à l'origine de toutes les civilisations; les poètes le chantaient, et les nourrices, sans doute, narraient aux petits enfants, pour les endormir, des histoires d'amour où le jeune prince était un taureau blanc qui enlevait sur son dos, à travers les nues, sa belle, la blonde Europe. La mythologie grecque est pleine d'aventures de ce genre que personne n'ignore et qui ne choquent personne, parce qu'elles sont classiques et qu'on nous les apprend dès l'âge le plus tendre, mais s'il nous prenait envie de réfléchir aux amours de Pasiphaé ?

La distinction absolue que nous faisons, depuis

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