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QUESTION DE L'UNION. La question capitale de l'Union, je veux dire le concert des deux Etats, Suède et Norvège, dans le règlement des affaires étrangères, a quelque peu sommeillé, au cours de la dernière année, dans le sein de la commission spécialement chargée de s'en occuper. Malgré de fréquentes réunions, tantôt en Suède, tantôt en Norvège, dans les étés de 1896 et de 1897, et encore maintenant en novembre-décembre 1897, les délibérations sont loin d'être closes. On ne peut espérer atteindre un résultat quelconque avant quelque temps encore: en effet, les travaux de la commission sont retardés à la fois par des changements survenus dans le personnel norvégien et par la victoire éclatante que la gauche norvégienne a remportée cette automne dans les élections au Storthing. Après cela, quel que puisse être le résultat des travaux de la commission, on ne peut malheureusement qu'être très sceptique sur le succès final. La gauche norvégienne, qui détient maintenant la majorité dans le Storthing, tendra toujours à pousser le séparatisme jusqu'à ses dernières limites; peut-être même, dans quelque temps, ne se contentera-t-elle pas de faire prévaloir le principe, inacceptable pour la Suède, de deux ministres distincts des affaires étrangères. Même s'il s'agit d'accepter la modification, théoriquement possible, dans la situation actuelle, sans un ministre commun responsable dans les deux royaumes, la Suède doit exiger des garanties pour que la direction des affaires ne devienne point dangereuse pour l'Union; elle doit veiller encore à ce que l'introduction du principe d'égalité entre les deux pays (principe qui ne fut pas introduit en 1814 dans les affaires étrangères) soit accompagnée d'autres modifications dans celles des conditions de l'Union qui sont actuellement défavorables pour la Suède et ainsi l'égalité existera non seulement dans les droits mais aussi dans les devoirs réciproques. Ce n'est pas la Suède qui demande le changement. Une modification défavorable pour elle ne peut être légalement faite sans son con

sentement.

La solution donnée à une question moins grave, le règlement des relations commerciales entre les deux pays par le moyen du « Mellanrikslag » (convention internationale, n'est pas d'un bon augure pour l'avenir. La loi qui prévalait en cette matière consistait dans l'exemption des

droits de douane pour les produits nationaux des deux pays, et dans certaines dispositions libérales au sujet du commerce de frontière. Cette convention fut dénoncée le 13 juillet 1897, à la suite d'abus dont on soupçonnait des Norvégiens, à qui on reprochait d'avoir introduit en Suède, comme produits norvégiens, des marchandises étrangères, et à cause d'abus de la liberté du commerce de frontière. On espérait ainsi faciliter la constitution d'un nouveau <«< Mellanrikslag » qui n'eût pas les inconvénients de l'ancien. On fondait des espérances sur ce fait que l'existence d'une telle convention doit être plus favorable à la Norvège, puisque la Suède, par son étendue, présente au commerce un marché plus que double de celui de la Norvège. Les plus clairvoyants craignaient cependant que le séparatisme norvégien ne l'emportât, et ne saisît avec joie l'occasion de dissoudre le lien de l'Union, de sorte que les négociations auraient échoué dès le début. C'est justement ce qui arriva. On nomma presque aussitôt des délégués suédois et norvégiens (septembre 1895); mais, après de longs pourparlers, on finit, le 2 octobre 1896, par rédiger un procès-verbal qui contenait un projet concernant plusieurs cas litigieux, sur lesquels l'accord avait été impossible. Parmi ces cas, les principaux concernaient la frontière à tracer pour que les matières premières tirées de l'étranger et utilisées pour l'industrie dans un des deux pays puissent acquitter plus ou moins des droits de douane sur les objets fabriqués ; ou encore les garanties à obtenir contre l'abus du droit de prohibition exercé contre l'introduction des animaux domestiques en temps d'épizootie. Sur cette dernière question, une commission spéciale rédigea un rapport. Mais surtout on s'occupa d'une proposition faite du côté norvégien, et demandant qu'on exigeât des droits de douane complets dans l'introduction des produits agricoles: bétail vivant, moutons (avec la viande de ces animaux), cochons vivants et lard, œufs, fromage, grains. Lorsqu'on continua les pourparlers directement entre les deux pays, il semble que c'est surtout cette dernière question qui fit échouer les négociations. Ce résultat fut annoncé au Riksdag dans le mois de février. Après une discussion orageuse où l'on blàma vivement la dénonciation de la loi, les deux Chambres du Riksdag refusèrent les projets qui y étaient énoncés soit sur le droit de prolonger le « Mellanrikslag », soit sur l'autorisation de laisser passer en franchise une partie des marchandises norvégiennes. En revanche, le Riksdag adopta le 14 mai à l'unanimité, sur la proposition du gouvernement, une loi réglant sur des bases très libérales le commerce maritime de la Norvège et le transport des marchandises en Suède de la sorte, le commerce de la frontière, ainsi que le cabotage furent libres, comme avant la dénonciation du « Mellanrikslag ». Cet acte mérite d'autant plus d'admiration que, du côté norvégien, à cause de certaines difficultés formelles à accorder expressément des faveurs mutuelles, cela se fit sans demande de réciprocité. Cependant la loi ne fut adoptée que pour un temps limité, savoir jusqu'au 15 mai 1897, date à laquelle une nouvelle disposition pourrait au besoin être adoptée dans le Riksdag suédois.

A un autre point ce vue, les relations unionnelles ont été réglées d'une façon plus satisfaisante. Lorsque le Storthing norwégien eut un peu mo

difié les conditions restrictives imposées à l'accord du budget des affaires étrangères et qui empêchaient la nomination définitive de tous les fonctionnaires, on put mettre fin à une situation provisoire gènante. Ainsi, au mois d'octobre, tous les fonctionnaires compétents furent nommés au lieu d'être constitués.

Mais il y a une autre question qui a excité dans le public suédois à la fois de l'indignation et une certaine inquiétude, et qui a donné lieu à des communications officielles dans le Journal officiel et aussi devant le Riksdag. A différentes reprises, dans ces dernières années, plusieurs journaux de différents pays ont publié sur les questions de l'Union des articles où celles-ci sont présentées sous un jour très faux et même d'une façon dangereuse pour la tranquillité des deux pays. Le désir qu'a la Suède de maintenir l'unité des deux royaumes dans les questions étrangères, ses efforts pour adapter aux exigences de l'heure présente sa défense militaire nécessaire au maintien de la politique de neutralité, tout cela a été présenté comme les indices de projets d'agrandissements, comme les résultats d'une politique aventureuse ayant pour objet d'attaquer soit la grande Russie, soit l'inoffensive Norvège! Ces insinuations, aussi mal fondées qu'étranges, sont toujours venues (lorsqu'on a pu en découvrir la source) des membres de la gauche norvégienne ou des radicaux de Suède, à leur dévotion. Ce procédé déloyal, on pourrait presque dire cette haute trahison, a atteint à peu près son maximum d'exagération, lorsqu'on a vu par exemple le poète norvégien bien connu Björnson faire insérer dans le journal anglais Pall Mall Gazette une lettre où se trouvaient développées des accusa tions de cette espèce contre la Suède. Cette lettre provoqua plus tard un article dans le journal russe « Peterburskija Wiedomosti ». D'après cet article, voici quel serait le point fondamental dans la question de l'Union: la Suède ayant eu l'ambition d'entraîner les RoyaumesUnis dans une politique d'aventures à la Crispi, et préparant des armements contre la Russie tandis qu'elle se serait ralliée plus ou moins décidément à la politique allemande, les Norvégiens, amis de la paix, auraient été obligés, pour conjurer de semblables aventures, de demander un ministre des affaires étrangères distinct, et de réclamer la conclusion d'un traité d'arbitrage avec la Russie, etc., etc... Comme le silence absolu en présence de telles calomnies pouvait créer un véritable danger pour les deux pays, on publia un article dans le Journal officiel (nov. 1896), portant la question sur le terrain des faits. On y réfutait d'une façon très forte tous ces soupçons de politique aventureuse, on insistait pour prouver que la Suède ne désirait ni ne pouvait désirer, étant donnés ses faibles moyens, que de vivre en paix, exempte de toute obligation vis-à-vis des puissances étrangères et de maintenir, en cas de conflit, sa neutralité absolue. On montrait par exemple que, si l'on avait pu parler dans l'un ou l'autre pays d'armements spéciaux, cela ne pouvait nullement concerner la Suède, où, comparées avec celles des autres pays, les allocations budgétaires pour l'armée et la marine avaient été très minces, que la Suède employait ses propres ressources et utilisait ses propres fabriques d'armes, qu'elle continuait à peu près à vivre sur un système défensif organisé de vieille date et ayant pour

unique objet de soutenir la neutralité avec le minimum nécessaire. Au contraire, en Norvège, pendant l'année 1895, où la question de l'Union fut plus brûlante que jamais, on consacra une somme extraordinaire très considérable aux dépenses militaires; cette somme, qui donna lieu à un emprunt, était beaucoup plus élevée que ne l'avait demandé le gouvernement. Ainsi on décida d'acheter rapidement du matériel de guerre et de faire des commandes à l'étranger. Ces dernières observations durent être d'autant plus amères pour la gauche norvégienne que les faits rapportés sont indéniables, et que, pour en montrer la tendance, on peut citer un grand nombre d'articles parus dans la presse radicale de Norvège, et parmi eux, certains de M. Björnson lui-même: on indiquait dans ces articles que le but dernier de ces armements était dirigé contre la Suède afin d'entrer en possession de l'indépendance désirée ; on ne cachait même pas tout à fait qu'au besoin cette indépendance se réaliserait avec l'aide de la Russie. On comprend que l'article contenant ces révélations ait excité de véhémentes protestations de la part de M. Björnson: il eut même recours à un procédé qui consista à attribuer à M. le comte Douglas, ministre des affaires étrangères de Suède, une sorte de prédiction anonyme que celui-ci aurait écrite autrefois, longtemps avant d'entrer en fonctions, sous ce titre : <«< Comment nous avons perdu Nowland ». L'auteur de cette brochure cherchait à établir le danger imminent qui menaçait les Royaumes Unis, insuffisamment armés pour défendre leur neutralité, en cas d'une guerre européenne; il montrait que l'Allemagne ne pourrait empêcher, même si elle le voulait, le démembrement de la Suède et de la Norvège. Ce que M. Björnson passait naturellement sous silence, c'est ce que le roman tendantiel en question indiquait aussi que le danger n'était pas moins grand pour la Norvège que pour la Suède ; il contenait en outre l'expression des sympathies les plus vives pour la Norvège et les Norvégiens, pour leur conduite généreuse dans la guerre supposée. Pour mettre fin à tous ces racontars, à tous ces commentaires en l'air, si dangereux pour la tranquillité des Royaumes Unis, le roi inséra dans le discours du trône adressé le 21 janvier 1897 au Riksdag suédois, le passage suivant:

« Ce n'est pas à vous, Messieurs, que j'aurai besoin de renouveler les « déclarations que vous avez déjà entendues de moi, ni de répéter que mes « efforts continuels sont, ont été et seront toujours employés à conserver à « mon peuple, avec l'aide de Dieu, les bienfaits de la paix en nous main<< tenant dans l'attitude d'une neutralité loyale, ferme et résolue. Des insi<< nuations contraires, qu'on s'efforce de répandre même au delà de nos « frontières, m'obligent à redire aujourd'hui les mèmes choses; mais j'ai « le ferme espoir que de tels bruits seront impuissants à ébranler la con«fiance générale dans la politique inaltérable et perpétuellement pacifique « des Royaumes Unis. Tout le monde doit savoir que notre liberté d'action n'est enchaînée par aucun lien, mais aussi que nous aimons notre liberté « et notre indépendance antiques.

« Les crédits militaires que je demande aujourd'hui, comme ceux que « j'ai demandés à plusieurs reprises et que le Riksdag m'a accordés, n'ont

<«< jamais eu d'autre objet que la défense de l'Etat et le maintien de la neu<<< tralité.

« Si l'on veut prendre la peine de mettre en regard les charges cent fois <«< plus lourdes que s'imposent d'autres nations, tant pour le service mili<«<taire obligatoire que pour les sacrifices budgétaires, et d'autre part les « charges militaires de la Suède et de la Norvège, il n'est personne doué « d'un jugement sain qui puisse croire ni prétendre découvrir,chez l'un ou <«<l'autre des deux peuples frères de la péninsule scandinave, autre chose « que des sentiments et des intentions hautement pacifiques. »>

Après la profession de foi si claire et si ferme du souverain des Royaumes Unis, on aurait été en droit d'espérer que ces accusations, dangereuses aux yeux des Suédois, que ces soupçons de haute trahison, ces prétendus projets mégalomanes de la Suède, ces bruits d'alliance avec la Triplice se tairaient pour toujours. Et pourtant, il n'en fut pas ainsi. Surtout pendant les dernières luttes électorales de Norvège, Björnson et ses confrères n'ont pas craint de fabriquer les légendes les plus fantastiques sur les soi-disant projets agressifs de la Suède. Qu'on soit arrivé — mirabile dictu! — à faire croire tout cela, et qu'on ait ainsi trompé les électeurs norvégiens, c'est ce qui apparaît dans le résultat de cette agitation électorale, si inquiétante pour l'avenir de l'Union.

CHANGEMENTS DANS LE MINISTÈRE.-Il y a eu cette année deux changements partiels le premier au mois d'octobre 1896, lorsque le ministre de l'intérieur Groll fut remplacé par le directeur général des postes Krusentierna, lequel avait déjà tenu le même portefeuille dans un précédent ministère; le second, au mois d'août 1897, lorsque le ministère des finances Wersäll résigna ses fonctions entre les mains du comte de Wachtmeister, ancien chef expéditionnaire du même ministère. Ni l'un ni l'autre de ces changements n'eut des causes politiques, et ne put exercer aucune influence sur la couleur politique du ministère, bien que les partisans d'un système douanier plus libéral se trouvent par là renforcés dans le gou

vernement.

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LE RIKSDAG EN 1897- Les Chambres se sont réunies à la date fixée par la Constitution. Bien que des élections générales aient renouvelé la seconde Chambre toute entière, et des élections partielles une bonne partie de la première Chambre, néanmoins la physionomie du Riksdag ne s'est pas sensiblement modifiée. Sans doute les efforts des radicaux ont abouti à exclure l'un des « leaders » du parti des campagnes, et deux ou trois autres se sont retirés pour d'autres raisons; mais cependant ce parti, qui a la majorité, a compensé pleinement ces pertes. Quant au fait que dans l'une des circonscriptions électorales de Stockholm le parti radical ait remporté la victoire et que pour la première fois un champion du socialisme ait été élu au Riksdag, cela n'a pas eu naturellement de grandes conséquences. De même il ne faut pas attacher trop d'importance à ce fait qu'un parti s'intitulant « parti démocrate libéral » (liberall folk partiet) soit apparu avec une organisation indépendante. A côté de cela, on peut

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