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Ayant ainsi fait connaître les résultats les plus importants. de l'assurance ouvrière, nous étudierons dans un article suivant les efforts les plus récents qui ont été faits pour modifier son organisation.

ROBERT PILOTy, (1)

Professeur de droit public à l'Université de Würzbourg.

(Trad. par M. Sauvaire-Jourdan, agrégé à la
Faculté de droit de l'Université de Bordeaux).

(1) PILOTY (Robert), fils du peintre Carl von Piloty, né en 1863 à Munich; depuis 1895, professeur de droit public à l'Université de Würzbourg.

Principales publications: Die haftung des Staats fur die pflichtswidrigen handlungen der Beamten (dans les Hirths und Seydels Annalen des Deutschen Reiches, - Die 1888). Das Unfallversicherungsrecht des Reiches, 3 volumes 1890-1893. gesetze über arbeiterversicherung. Commentaire, 1893. Die Verfassungsurkunde der königreichs Bayern, 1895. Der Anspruch der erfinders auf Patent (dans les Hirths und Seydels Annalen, 1897). M. Piloty est chargé dans la Revue, depuis sa fondation, de la Chronique politique. (La Rédaction).

L'ANNEXION DU M’ZAB

Le M'Zab (1), situé à 570 kilomètres au sud-est d'Alger (2), se compose de sept villes: Ghardaïa, Beni-Isguen, El-Ateuf, Mélika, Bou-Noura, Guerrara, Berrian. Sa population comprend principalement des Berbères (3), musulmans kharedjites ou hérétiques (4), auxquels viennent s'ajouter de nombreuses familles juives (5) et aussi quelques Arabes (6).

Depuis 1882, il a été annexé au territoire de l'Algérie. Comme cette annexion a fait naître certaines difficultés au point de vue du droit international, il nous a paru utile d'examiner dans quelles circonstances elle s'est réalisée et quels effets elle a produits.

I

HISTORIQUE DE L'ANNEXION.

Après la conquête d'Alger, la confédération du M'Zab con

(1) La région rocheuse qu'occupe le M'Zab s'appelle Chebka. Voyez au point de vue géographique RECLUS, Géographie universelle, T. IX. p. 320 et suiv. COYNE. Le M zab, p. 1 et suiv.

(2) D'Alger à Laghouat on compte 442 kilomètres et de Laghouat à Berrian, premiére ville du M'Zab, 128 kilomètres PIESSE, Itinéraire de l'Algérie.

(3) Ces Berbères, connus sous le nom de Beni-M'Zab ou M'Zabites, viennent exercer diverses professions dans les villes du Tell algérien ; on les reconnaît aisément à leur face plate, à leur teint olivâtre, à leur costume multicolore (gandoura).

(4) Ils appartiennent à la secte ibadite. Cette secte qui suit la doctrine d'AbdAllah ben Ibadh, se trouve en dehors de l'Islamisme. On l'appelle la cinquième par opposition aux quatre sectes orthodoxes: malikite, hanafite, hanbalite, chafi'ite. COYNE, Op. cit. p. 7 et suiv. RAMBAUD, Revue polit. et littér, 2o semestre, p. 219. MASQUERAY, Chronique d'Abou-Zakaria. MERCIER, L'Algérie et les questions algériennes, p. 160.

(5) En 1879, le commandant Coyne écrivait : « Il y a, comme on le sait, au M'Zab une population israëlite assez considérable : la seule ville de Ghardaïa contient trois cents familles de cette race et il y en a un certain nombre à Guerrara et à Berrian, » Op. cit. p. 39.

(6) Ces Arabes furent appelés par le Beni-M'Zab pour repousser les agressions des nomades. COYNE, Op. cit. p. 15.

serva vis-à-vis de la France une entière indépendance (1). Elle en profita pour s'unir aux agitateurs qui combattaient notre influence dans le Sahara. C'est ainsi qu'en 1852 elle fournit des contingents importants au chérif de Ouargla, Mohammed ben Abdallah (2).

Une pareille attitude était bien faite pour attirer l'attention des autorités françaises. Aussi, Laghouat ayant été reprise par nos troupes (3), le gouverneur de l'Algérie se préoccupa d'assurer pour l'avenir la neutralité du M'Zab. Dans ce but, on entama des négociations qui ne tardèrent pas à aboutir. Le 29 avril 1853, intervint entre le général Randon et les Djemâas (4) de sept villes une convention, dite Capitulation du M'Zab. C'était une sorte de déclaration faite par la France et acceptée par les M'Zabites, dans les termes suivants :

« Il ne saurait être question d'un traité de commerce entre <«< vous et nous, mais bien nettement de votre soumission à la « France. En dehors de cette pensée, il ne peut y avoir entre << nous aucun arrangement.

« Vos ressources de toute espèce nous sont connues; chaque ville ne payera que ce qu'elle peut raisonnablement << payer.

« Si vous faites cela, vous serez comptés comme nos servi<«<teurs; notre protection vous couvrira partout, dans vos << voyages à travers nos tribus et pendant votre séjour dans nos villes. Votre commerce ne sera grevé d'aucun droit « (goumereg) dont nous ne voulons pas entre vous et nous.

« Nous ne voulons en aucune façon nous mêler de vos

(1) Les M'Zabites continuèrent à payer à certaines tribus arabes des droits afin de pouvoir circuler en caravanes du M'Zab jusqu'au Tell. » COYNE. Op. cit. p. 35.

(2) Mohammed ben Abdallah, à la suite d'un pèlerinage à la Mecque, s'était installé dans l'oasis de Ouargla où il cherchait à soulever contre nous les tribus sahariennes. Vers la fin de 1852, il provoqua une révolte à Laghouat, mais cette ville ayant été enlevée par le général Pélissier, il se réfugia dans l'extrême-sud. CAMILLE ROUSSET. La conquête de l'Algérie, T. II. p. 298. WAHL. L'Algérie, p. 156.

-

(3) Le général Pélissier se rendit maître de cette ville le 4 décembre 1852 après un sanglant combat dont le peintre Fromentin a retracé toutes les péripéties d'une façon intéressante. Un été dans le Sahara, p. 126.

(4) La djemaa est une assemblée, composée de membres élus, qui gouverne chacune des villes. « Elle est, dit M. Coyne, chargée de la répartition et de la perception de l'impôt, de la police; elle juge tous les crimes, délits et contraventions commis dans la ville. » Op. cit. p. 27.

« affaires intérieures; vous resterez à cet égard comme par le «< passé.

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« Ce sera donc à vous de régler dans vos villes le mode de perception de la somme que vous devrez verser chaque année au Beylick (1). Nous ne nous occuperons de vos actes que lorsqu'ils intéresseront la tranquillité générale et les droits << de nos nationaux et de nos tribus soumises.

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Quant à votre commerce avec le Maroc et avec Tunis, il ⚫ continuera avec l'obligation de payer à nos frontières, aux lieux que nous vous ferons connaître, les droits que la « France impose aux marchandises étrangères. Faute de se «< conformer à ces prescriptions, vos caravanes seront confisquées par nos gardiens de la frontière ou par les Arabes du Sud, auxquels nous les donnerons.

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<«< Nous voulons aussi que vous fermiez vos villes et mar«< chés aux Arabes qui seront nos ennemis et que vous les repoussiez par la force, comme doivent le faire des servi << teurs (2).

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En somme, il s'agissait d'un protectorat dont l'exercice était réglementé d'une façon assez vague: le pays protégé conservait son autonomie, il devait seulement fermer ses villes à nos ennemis et nous payer un tribut annuel (3).

Durant les premières années qui suivirent la conclusion du traité, les M'Zabites ne nous donnèrent aucun motif de plainte (4). Mais à la longue, leur manière d'être changea. Ils se livrèrent à la fabrication de la poudre de guerre (5) et donnèrent le spectacle de fréquentes dissensions (6). Le gouvernement français, qui avait sous son autorité directe les tribus environnantes, ne pouvait tolérer un pareil désordre au milieu de ses possessions. D'ailleurs, il était sollicité d'intervenir par les habitants eux-mêmes qu'opprimait la caste des clercs (7). Aussi résolut-il de remplacer le protectorat par une occupation définitive.

(1) C'est-à-dire au gouvernement français.

(2) SAUTAYRA, Législation de l'Algérie, T. II. p. 317.

COYNE. Op. cit. p. 86.

(3) Ce tribut, d'abord fixé à 45.000 francs, se trouva porté ensuite à 49.837 francs 66 centimes par suite des centimes additionnels.

(4) ROUSSET. Op. cit. T. II. p. 331.

(5) MERCIER. Op. cit. p. 162 et suiv.

(6) MERCIER. Op. cit., p. 161.

COYNE. Op. cit. p. 32 et suiv.

(7) ALFRED RAMBAUD. Revue politique et littéraire, 1895, 2o semestre p. 219.

Vers la fin de 1882, une colonne, commandée par le général de la Tour d'Auvergne, entra dans Ghardaïa et y arbora le drapeau français sans avoir rencontré la moindre résistance (1).

La prise de possession eut lieu officiellement le 21 décembre 1882.

Un rapport adressé au Président de la République et approuvé par lui (2), rendit compte de cet événement dans les

termes suivants :

<«<La situation (résultant de la capitulation de 1853) n'of<«<frait aucun inconvénient au moment où cette convention « fut conclue.

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Laghouat était alors, dans cette partie de la colonie, la << limite extrême sud de nos possessions et nous n'exercions <«< qu'une action purement nominale par l'intermédiaire de << la grande famille des Ben-Hamza de Géryville, sur les tri«bus qui enveloppent la Chebka à l'est, à l'ouest et au sud.

Aujourd'hui, cet état de choses en est arrivé à constituer <<< une anomalie flagrante : les tribus qui environnent le M'Zab <«< sont administrées par nous dans les mêmes conditions que «<les autres agglomérations indigènes des territoires militaires « de ce pays, il constitue dès lors, au milieu d'elles, une espèce << d'enclave vivant sous un régime de liberté illimitée du plus <«< mauvais exemple pour les remuantes populations arabes qui « l'environnent.

« Les discussions intestines y sont à peu près continuelles, «<et elles ont généralement pour résultat des massacres et « des tueries dont nous ne pouvons maintenant rester les << spectateurs indifférents, sans compromettre gravement << notre autorité vis-à-vis de nos autres administrés; en outre <«<les immunités commerciales dont nous avons laissé la jouis<«<sance au M'Zab n'ont abouti qu'à faire de cette contrée un << entrepôt de contrebande, et surtout un vaste atelier de fa«<brication de poudre de guerre.

<«< Il était difficile de persévérer dans de semblables erre

(1) M. Reclus dit que toute résistance eût été impossible de la part des M'Zabites, parce que leurs émigrants sont trop nombreux dans les villes du littoral et leurs intérêts trop engagés par le commerce avec ceux de toute l'Algérie. Op. cit. p. 572.

(2) SAUTAYRA. Op. cit. T. II., p. 317.

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