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L'ancien directeur de la statistique de Berlin, M. Schwobe, en s'appuyant sur les observations statistiques réunies à ce sujet avait posé en principe que le pourcentage de la dépense affecté au loyer décroissait avec l'accroissement de la fortune; mais ce principe, qui du reste est loin d'être absolu et certain, ne suffit pas pour permettre de calculer le revenu global au moyen de coefficients appliqués au prix du loyer, car la décroissance du pourcentage est très irrégulière et parfois ne se vérifie mème pas du tout. En somme la valeur locative n'a pas de rapport constant et régulier avec le revenu global aux divers degrés de l'échelle des richesses; et le tableau reproduit ci-dessus d'après M. Neffe le démontre clairement. Il sera néanmoins vrai de dire que le chiffre du loyer est l'indice le « moins trompeur » (selon l'expression de Leroy-Beaulieu) de l'importance des revenus, mais c'est toujours un indice trompeur.

Je me suis étendu sur ce point, parce que en Italie, comme en France, domine cette idée que l'impôt sur le revenu global doit être établi sur la valeur locative, tandis que dans tous les cas, à mon avis, la valeur locative ne pourrait-être que l'un des éléments à employer pour vérifier les déclarations de revenus faites par les contribuables.

Le projet de l'honorable Sonnino ne fut pas discuté parce que le ministre, comprenant qu'il ne réunirait pas de maiorité, le retira et qu'en outre il était suffisamment occupé déjà à défendre les modifications à apporter à divers impôts, celui sur la fortune mobilière entre autres, dans le but de leur faire produire davantage.

Après tout ce que j'ai exposé, ma conclusion sera brève. L'impôt sur les revenus mobiliers en Italie est maintenant un des plus productifs. En vigueur depuis trente ans déjà la population en accepte le principe, mais en critique souvent l'application et spécialement trouve les taux excessifs et les exemptions et les dégrèvements insuffisants. Le théoricien a bien des réserves, des critiques et des observations à faire, en particulier sur l'incidence de l'impôt, sur l'obstacle qu'il crée au développement industriel et commercial du pays. Mais, nous l'avons vu, le ministre des finances, M. Branca, s'est proposé de corriger la législation relative à cet impôt, et on doit, souhaiter que son projet corrigé en plusieurs points finisse par

devenir une loi. Malheureusement on n'a pas encore la vision nette et complète des nécessités du pays et de la réforme fiscale vraiment utile et indispensable. Il faut abaisser sensiblement le taux de l'impôt et procéder à une fixation plus équitable et, disons-le, plus sérieuse des revenus. Dans ce but la séparation des divers impôts, qui aujourd'hui constituent l'impôt sur la fortune mobilière pourrait être utile, car on ne peut pas douter que la différente nature des revenus exige qu'ils soient traités différemment dans toutes les phases par lesquelles doit passer l'impôt. La science des finances et l'expérience de quelques pays indiquent la voie à suivre et si l'on ne peut espérer de vaincre toutes les difficultés qu'oppose toujours la matière des impôts à l'application absolue du principe de justice, on peut du moins chercher à s'approcher le plus possible d'un état de choses qui ne soit pas sa négation.

R. DALLA VOLTA.

Professeur de science financière

à l'Institut des sciences sociales de Florence.

(Traduit par M. Baudouin-Bugnet, juge d'instruction à Melun)

APPENDICE (1)

Lettre au directeur de la Nazione sur la détermination rationnelle du chiffre du revenu déclaré

La récente révision des revenus de la richesse mobilière a donné lieu à une explosion si violente de mécontentement, qu'il n'est peut-être pas inutile d'appeler l'attention sur un point de notre organisation fiscale. S'il ne peut être douteux pour personne que l'abaissement du taux (diminuzione dell' aliquota), rende plus aisée, et cela pour des raisons connues et qui se devinent, la déclaration des revenus mobiliers, ce serait pourtant une erreur de croire que les contestations entre contribuables et agents, disparaîtraient complètement avec un tarif moins élevé. Pour être édifié sur ce point, il suffit de remarquer que dans tous les pays, sans en excepter l'Angleterre, les impôts sur le revenu donnent lieu à des réclamations et à des dissimulations de fortune, bien que les différents taux soient sensiblement inférieurs à ceux qui sont appliqués en Italie. Mais, entre ce qui se passe chez nous à chaque révision, et les contestations qui peuvent s'élever en d'autres pays, en matière d'impôt sur le revenu, il existe une telle différence, que nous garderions tout de même la prééminence sur ce point, quand bien même nous aurions l'heureuse chance de voir abaisser le tarif. Nous sommes si loin toutefois d'entrevoir même la possibilité de réalisation de cette dernière et trop flatteuse hypothèse, qu'il est assurément plus pratique d'examiner si l'on

(1) L'article de M. Dalla Volta était écrit depuis longtemps lorsque s'est produite en octobre l'explosion de mécontentement suscitée par la révision des revenus de la richesse mobilière. Nous reproduisons une lettre écrite à cette occasion par M. Dalla Volta au directeur de la Nazione et qui a paru dans ce journal le 15 octobre dernier, lettre qui forme un appendice tout naturel à l'article de notre collaborateur (La Rédaction).

ne pourrait pas corriger la méthode actuelle de détermination des revenus déclarés.

Chez nous l'agent du fisc, à l'aide des déclarations faites par les contribuables et d'éléments plus ou moins soigneusement recueillis, détermine les revenus présumés et les inscrit sur les tableaux. Ce fonctionnaire opère seul. C'est là que gît le principal inconvénient. Les agents de l'impôt, en effet, avec les moyens bons et mauvais, dont ils disposent, transformant trop souvent notre impôt spécial sur les revenus mobiliers (imposta speciale sui redditi mobiliari), en un impôt général sur le revenu global (imposta generale sui reddito complessivo) attribuent aux contribuables des revenus hypothétiques, avec l'idée préconçue d'abaisser ensuite, au moyen d'un arrangement, leur évaluation à un chiffre donné. Le contribuable, qui se voit inscrit au tableau pour un revenu de beaucoup supérieur à celui pour lequel il a payé jusque-là, ou pour un revenu qu'il n'a pas en réalité, s'effraye, crie à l'injustice et se répand en paroles amères contre l'agent du fisc, et contre le Gouvernement. Parfois, s'il a l'habilité de faire valoir les raisons convenables, il en arrive à une transaction avec l'agent système déplorable, parce que, sans vouloir soupçonner personne, il permet de ne pas considérer comme bien sérieux le travail préalable de l'agent et comme arbitraire, et souvent surprenante, la grâce que ce dernier consent à accorder.

D'autres fois le contribuable, croyant peu ou point du tout à un arrangement acceptable, met en mouvement les gros bonnets de la politique, de l'administration, du commerce, etc., pour obtenir du ministre sa bienveillante intervention auprès des agents. D'où ce marchandage des impôts, triste spécialité de notre pays, auquel nous avons assisté plusieurs fois et au sujet des octrois entre l'Etat et les communes, et il n'y a pas longtemps au sujet de l'impôt sur les allumettes entre les fabricants et le ministre des finances, et en diverses occasions au sujet de l'impôt sur la richesse mobilière. Déplorables errements à coup sûr, parce qu'ils peuvent donner lieu aux plus graves soupçons, et que les ministres devraient par tous les moyens possibles chercher à empêcher.

Aussi, à mon avis, ce qu'il faut modifier chez nous, c'est le système de la déclaration des revenus qu'il faut soustraire à l'action directe et unique de l'Etat et de ses fonctionnaires en remplaçant le travail isolé de l'agent par celui d'une commission ad hoc. L'impôt sur le revenu est appliqué dans presque tous les Etats d'Europe, et le plus grand nombre d'entre eux ne connaît pas l'agent des contributions, parce que la détermination du revenu est confiée à une ou plusieurs commissions nommées, partie par l'administration des finances et partie par les conseils communaux et provinciaux. C'est ce qu'a établi en Hollande la loi de 1893, c'est ce qui se fait depuis longtemps dans les différents Etats de l'Allemagne, en Autriche, dans les cantons suisses, et dans d'autres pays. En Prusse, par exemple, il y a trois commissions pour la fixation des revenus. La première est le conseil communal, qui dresse une première liste de tous les contribuables avec le revenu présumé de chacun d'eux. Cette liste est transmise à la Voreinschätzungs-Kommission, commission d'évaluation préalable des revenus, instituée pour une commune ou pour un groupe de communes sous la présidence du maire et dont les membres sont nommés partie par l'administration des finances, partie par le conseil communal. Le travail de cette commission consiste à revoir le travail du conseil communal et à formuler ses propositions qui sont ensuite examinées par la Veranlagungs-Kommission. Celle-ci, commission d'établissement, nommée partie par l'administration des finances, partie par la représentation du Cercle, fixe définitivement le chiffre du revenu présumé à inscrire au rôle. Nonobstant, le contribuable peut toujours réclamer auprès de la commission des recours (Berufungs-Kommission).

Les avantages de ce système sont évidents. Les rôles sont dressés en Prusse après un mûr examen de trois commissions et non point sur des données incertaines, et ensuite d'instructions ministérielles souvent sibyllines et contradictoires, ainsi qu'il arrive chez nous. Les personnes qui forment ces commissions connaissent les localités dans lesquelles elles doivent déterminer l'impôt et peuvent en tous cas se renseigner les unes les autres. Au contraire l'agent du fisc, souvent ne connaît pas en réalité la localité dans laquelle il a été envoyé, et dans une matière aussi délicate et compliquée, il s'en remet maintes fois au jugement d'autrui, ou bien procède conformément à des principes absolus, qui heurtent la réalité des choses.

Ne pourrait-on donc pas décider que nos commissions cantonales (commissioni mandamentali) seraient de vraies commissions de détermination du revenu et que les rôles devraient être revus et approuvés par elles avant d'être publiés ? Le législateur n'a pas craint de multiplier chez nous les commissions de recours. Il en a institué de première instance, puis des commissions provinciales d'appel et une commission centrale, auxquelles on peut adresser ses réclamations contre le travail de l'agent; mais il a abandonné en revanche la première détermination à l'agent seul guidé par un inspecteur. Or, si je ne me trompe, il existe 30 inspecteurs des impôts qui ont à visiter 750 agences.

Je ne crois pas qu'on puisse objecter, que les commissions cantonales accepteraient les yeux fermés les propositions des agents, parce que leur responsabilité morale serait en jeu et les pousserait à contrôler, et à discuter les chiffres de revenus proposés par l'agent. En somme, les rôles publiés devraient être l'œuvre des commissions cantonales ou communales sauf le droit pour les inspecteurs des contributions directes de réclamer auprès des commissions provinciales; en même temps que le contribuable pourrait exercer son recours et auprès des commissions cantonales et auprès des commissions provinciales.

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D'une façon ou de l'autre - et je n'ai certes pas la prétention d'avoir indiqué le meilleur remède je crois qu'on devrait s'attacher à rendre plus sérieuse et plus juste la détermination des revenus pour en finir avec tous ces honteux et louches marchandages, et répartir selon l'équité un impôt qui par lui-même est plus conforme que tous les autres à la justice distributive. Si le Parlement - car il n'y a guère à attendre du Ministère sur ce terrain dans la future discussion du projet Branca se ralliait à l'idée d'appeler les commissions cantonales à fixer les chiffres des revenus mobiliers déclarés, il ferait une œuvre juste et utile et en même temps une œuvre d'apaisement.

R. D. V.

LA CONCEPTION DE LA SOUVERAINETÉ

SOMMAIRE: § 1. Sens littéral de la souveraineté.

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- § II. Essence de la souveraineté. § III. Potentialité de la souveraineté § IV. Unité et indivisibilité de la souveraineté. § V. La souveraineté en tant qu'élément essentiel de l'Etat. § VI. Siège de la souveraineté. § VII. Contenu et consistance de la souveraineté. § VIII. La souveraineté et les régimes et formes de l'Etat. — § IX. La souveraineté dans l'Etat fédératif et la confédération d'Etats. - § X. La souveraineté dans l'Etat fédératif et ses subdivisions territoriales. § XI. La souveraineté et les subdivisions territoriales de l'Etat (unitaire ou fédératif). § XII. Résumé.

§ I. Sens littéral de la souveraineté

Souveraineté vient de souverain, en bas latin superanus (supremus), qui signifie le plus élevé, suprême. Souveraineté donc veut dire, au point de vue littéral, qualité de suprême, en latin supremitas. Supremitas implique potestas. Potestas peut être un pouvoir matériel ou immatériel. On peut donc traduire la souveraineté par qualité de suprême pouvoir, matériel ou immatériel, ou même matériel d'une part et immatériel d'autre part. En d'autres termes, le mot souveraineté dénote la qualité d'une force suprême matérielle ou immatérielle, ou même en parție matérielle et en partie immatérielle.

§ II. Essence de la souveraineté.

Au triple sens littéral que nous venons d'exposer, correspondent trois manières politico-juridiques de concevoir l'essence de la souveraité.

Citons d'abord des auteurs qui envisagent la souveraineté comme une force matérielle.

Selon Grotius (1), « la puissance souveraine, c'est celle dont les actes sont indépendants de tout autre pouvoir supérieur,

(1) H. Grotius, Le droit de la guerre et de la paix (trad. Barbeyrac, Bâle, 1746), liv. 1, ch. III, § VII.

REVUE DU DROIT PUBLIC. -T. VIII

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