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La loi du 6 juillet 1887, dont l'exposé des motifs constate le peu d'empressement qu'apportent les intéressés à fonder des corporations nouvelles, chercha à stimuler le zèle des artisans par l'octroi de nouveaux privilèges aux organisations de métiers : en vertu de cette loi, l'autorité administrative supérieure fut investie du droit d'obliger les patrons non affiliés, et les compagnons qu'ils occupent, à participer à certaines dépenses des corporations, eu égard au profit qu'ils retirent de certaines institutions corporatives: auberges d'ouvriers, écoles professionnelles, tribunaux d'arbitres.

Ces diverses mesures ne satisfirent point complètement les partisans des idées corporatives, qui ne cessèrent de réclamer de nouvelles réformes.

Des motions de M. l'abbé Hitze et de plusieurs autres députés du centre, repoussées tout d'abord par le Reichstag, finirent par être adoptées le 20 janvier 1890 ('); elles préconisaient l'institution d'un examen obligatoire préalable à l'exercice de certains métiers, mais le Conseil fédéral s'abstint de donner suite à ce vote.

A deux reprises, en 1893 et en 1895, le Reichstag revint à la charge et se prononça de nouveau en faveur d'une réforme de la législation dans un sens restrictif de la liberté des métiers (2). Le gouvernement, de son côté, avait mis à l'étude la revision des dispositions du code industriel relatives aux corporations.

Un premier avant-projet, dù à M. le ministre du commerce et de l'industrie de Prusse, baron de Berlepsch, fut publié au Reichs

(1) Motions Hitze et Ackermann. Discussion, 25 janvier, 29 février et 1er mars 1888. - Motions Hitze et Ackermann. Discussion, 12 décembre 1888; 19 mars 1889. — Motions Ackermann, Aichbichler et von Kardorff. Discussion, 21 novembre et 13 décembre 1889; 18 et 20 janvier 1890.

(2) Motions Ackermann. Discussion, 18 janvier 1893; 16 et 23 janvier

anzeiger, à titre d'information, en août 1893. Il avait pour but d'enlever aux corporations leurs attributions de réglementation et de juridiction pour les transférer à des associations professionnelles obligatoires, Fachgenossenschaften, et aux chambres de métiers, Handwerkskammern, élues par ces associations. Ce projet n'obtint point faveur auprès des partisans radicaux de la réforme corporative; il ne fut point soumis à la législature.

Un second projet fut présenté au Reichstag, le 4 décembre 1893, par le chancelier de l'empire. Abandonnant l'idée des associations professionnelles, le gouvernement se bornait à proposer l'institution de chambres de métiers, représentation de la petite industrie, élues directement par les artisans. Ce projet fut renvoyé à une commission, qui s'abstint de faire rapport.

Un troisième projet fut, comme le premier, publié à titre d'information dans le Reichsanzeiger (3 et 6 août 1896). Il consacrait pour environ quatre-vingt-dix métiers le principe de la corporation obligatoire (1) et créait, en outre, pour les métiers qui ne se prêteraient point aux conditions requises pour l'incorporation, des délégations de métiers (Handwerkerausschüsse), ayant pour attributions principales le placement et l'hébergement des compagnons. Le système se complétait par l'institution de chambres de métiers (Handwerkskammern), investies d'importantes fonctions en matière d'apprentissage.

Ces innovations rencontrèrent une sérieuse opposition, surtout dans les centres où s'étaient librement constituées d'impor

(1) D'après l'exposé des motifs, dans l'Allemagne du centre et du Nord, la petite industrie a tiré parti de la législation existante; c'est ainsi qu'en Prusse, il existe près de 8,600 corporations qui ont produit de bons résultats, notamment en ce qui concerne l'apprentissage, l'enseignement professionnel et les caisses de secours. Mais la majorité des intéressés est restée en dehors des corporations; le nombre des affiliés n'est d'environ que du dixième de l'ensemble des artisans. Voir aussi l'exposé des motifs de la loi du 26 juillet 1897.

tantes associations industrielles (Gewerbevereine), qui manifestèrent une vive hostilité à l'égard de l'obligation corporative (1). Le Conseil fédéral rejeta le projet (2) et en rédigea un nouveau qui fut présenté au Reichstag, le 15 mars 1897, par le chancelier de l'empire.

La création des corporations obligatoires (Zwangsinnungen), dans le nouveau système, n'a plus lieu, directement, en vertu de la loi : elle doit être la conséquence d'une décision des autorités administratives supérieures, prise conformément à l'avis de la majorité des artisans intéressés, qui sont consultés par un vote préalable. Une corporation obligatoire ne peut, d'ailleurs, être établie que si elle doit comprendre un nombre d'affiliés suffisant pour qu'elle soit en état de fonctionner efficacement; d'autre part, la circonscription territoriale du groupe corporatif ne doit pas être trop étendue afin de permettre à tous les affiliés indistinctement de jouir des avantages offerts par l'association.

Le projet abandonne en conséquence la généralisation immédiate du principe de la corporation obligatoire; il renonce aussi aux Handwerkerausschüsse, qui devaient grouper, d'après le projet antérieur, les artisans non incorporés. Mais il maintient,

(1) Bavière, Wurtemberg, Bade, Hesse, Thuringe. Au commencement de 1896, l'Union des associations industrielles allemandes (Verband der deutschen Gewerbevereine) comptait 466 associations affiliées et 53,287 membres. Les 78 associations bavaroises avaient 14,813 membres: les 78 associations de Wurtemberg, 8,000 membres; les 72 associations badoises, 6,228 membres; les 72 associations hessoises, 5,519 membres. Dans la province de Hesse-Nassau, 75 associations comprenaient 6,555 membres; dans la province de Hanovre, 21 associations comptaient 2,321 membres. Dans beaucoup d'Etats, ces associations libres ont, avec le concours de l'autorité, organisé l'apprentissage, les écoles de perfectionnement (Fortbildungswesen), et même, en partie, l'enseignement professionnel (Fachschulwesen). (Exposé des motifs de la loi du 26 juillet 1897.)

(2) Voir la discussion de l'interpellation von Levetzow, Reichstag, 18 février 1897.

avec un caractère facultatif, les délégations de corporations (Innungsausschüsse) et les fédérations de corporations (Innungsverbände), organisées déjà par la législation antérieure.

Il institue, en outre, et cette fois à titre obligatoire, comme d'après l'ancien projet, des chambres de métiers (Handwerkskammern). Ces chambres constituent la représentation officielle des corporations, libres ou obligatoires, et des associations ou unions industrielles libres. Une autre innovation, restrictive de la liberté industrielle, mérite d'être signalée : c'est la disposition qui permet à l'administration de limiter le nombre des apprentis, dans l'intérêt de leur instruction professionnelle.

Les corporations libres (Innungen) existantes ne sont pas d'ailleurs abolies et l'on peut toujours en créer de nouvelles là où des corporations obligatoires ne viennent point s'y substituer. Le titre de maître et l'épreuve de la maîtrise sont rétablis. Le projet ne fut accueilli au Reichstag, par les partisans de réformes plus radicales, que comme une concession encore insuffisante. Ils lui reprochèrent surtout de ne point consacrer l'examen obligatoire, réclamé par des votes antérieurs du Reichstag, de ne point réglementer le compagnonnage, de subordonner la création des corporations obligatoires à l'assentiment de la majorité des intéressés, enfin de conférer trop de pouvoirs aux autorités administratives aux dépens de l'autonomie des groupes corporatifs. Ils se déclarèrent plus satisfaits des dispositions relatives aux chambres de métiers.

Par contre, le principe de l'obligation souleva des critiques en sens contraire; les adversaires de ce principe soutinrent que les effets économiqnes favorables attendus de la loi pour la petite industrie seraient illusoires. Au surplus, la prétendue décadence des classes moyennes, alléguée par les partisans d'une restauration corporative, fut sérieusement contestée au cours de la discussion.

Renvoyé à une commission après première lecture, le projet

revint à l'assemblée après avoir été notablement amendé. D'après l'un des amendements, dans des cas particuliers abandonnés à son appréciation, l'autorité compétente devait avoir le droit d'ordonner la création d'une corporation obligatoire, quand bien même l'adhésion de la majorité des artisans intéressés n'aurait pas été acquise. D'après un autre amendement, à partir du 1er janvier 1905, les seuls artisans qualifiés pour porter le titre de maîtres, conformément aux règles nouvelles édictées sur cet objet, auraient eu le droit de tenir des apprentis.

Ces modifications touchaient au principe même de la loi; le gouvernement les combattit et elles furent, en seconde lecture, repoussées par le Reichstag. Divers amendements portant sur des points secondaires, et émanant soit de la commission, soit des membres de l'assemblée, furent au contraire accueillis en deuxième et troisième lecture. Mentionnons, parmi ces amendements, l'interdiction aux corporations obligatoires de restreindre la liberté de leurs membres en ce qui concerne la fixation du prix des marchandises ou des prestations de travail, ainsi que l'acceptation de clients. Cette prohibition, proposée par la commission, ne s'applique pas aux corporations libres.

La loi a été promulguée par l'Empereur le 26 juillet 1897.

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TEXTE.

ARTICLE PREMIER. Les dispositions qui suivent remplacent le titre VI du code industriel :

TITRE VI. Des corporations, des délégations corporatives, des chambres de métiers, des fédérations de corporations.

I. Des corporations.

a) DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

§ 81. Ceux qui exercent une industrie pour leur propre

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