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Le cinquième jour après son entrée, la malade allait mieux; elle n'avait point eu d'attaques depuis le deuxième jour, quand dans la nuit elle éprouve quelques vomissemens et meurt aussitôt.

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Autopsie faite vingt-huit heures après la mort. bitude extérieure. Embonpoint considérable; bouffissure de la face, comme du vivant de la malade; rigidité cadavérique très-prononcée.

Thorax. Le poumon droit présente à sa partie moyenne et postérieure quelques adhérences anciennes très-solides; légères traces d'emphysème des deux côtés, peu de crépita. tion; le lobe inférieur du poumon droit est seul très œdémateux. La muqueuse des grosses bronches et des principales divisions est sans rougeur, sans mucosités.

Le péricarde est sain le cœur, plus volumineux que le poing de la malade, incisé transversalement, présente une dilatation évidente des quatre cavités avec hypertrophie surtout du ventricule gauche, dont les parois conservent leur épaisseur ordinaire, quoique la cavité soit beaucoup plus grande; le tissu du cœur présente la consistance ordinaire, mais est partagé en deux couches, l'une interne, très-pâle, grise; l'autre corticale, d'un rouge vif. La membrane interne est décolorée. Les orifices des diverses cavités n'offrent rien d'anormal. En ouvrant l'aorte dans toute sa longueur, on trouve un grand nombre de petits caillots de sang coagulé, grisâtres, qui semblent composés en partie de fibrine comme décomposée par la suppuration, quoiqu'il n'y ait pas de pus, et en partie de matière colorante. Au-dessous de ces petits caillots que l'eau entraîne en tombant de haut, la membrane interne de l'aerte n'existe plus, et même on la cherche en vain depuis les valvules sygmoïdes jusqu'à la crosse. Immédiatement au-dessus des valvules on en trouve encore des tra

ces; mais elle est détachée en partie de la membrane moyenne, et de manière à former deux valvules tout-à-fait semblables aux autres, sur deux des piliers qui séparent les valvules normales. La membrane moyenne elle-même offre beaucoup de taches d'un blanc gris sur un fond qui n'est pas de la cou leur ordinaire.

Les vaisseaux du cœur ne présentent aucune altération. Get organe lui-même ne contient pas du tout de sang : un seul caillot fibrineux existe dans le ventricule gauche ; un autre moins blanc, gris, d'une apparence moins uniforme, et comme adhérent aux valvules de l'orifice auriculo-ventriculaire gauche; enfin, un troisième caillot de même nature que le dernier, mais ressemblant encore davantage à ceux que l'on trouve dans les veines récemment oblitérées, est légèrement adhérent au sommet de la crosse de l'aorte.

La veine cave supérieure contenait seule beaucoup de sang: aussitôt après son incision les deux cavités thoraciques furent remplies de sang. Tous les autres organes en contenaient très-peu.

L'abdomen et les viscères n'ont offert aucune altération

Cerveau. Les veines sont remplies de peu de sang; mais œdème de tout le tissu cellulaire sous-méningien. Les ventricules latéraux sont remplis de sérosité transparente qu semble les avoir agrandis; toute la substance cérébrale est plus ferme que dans l'état ordinaire ; les circonvolutions sont aplaties, ainsi que le cervelet, qui est très-petit (1).

Observation sur des Hallucinations de la vue, de l'ouïe et du goût. Intégrité apparente des facultés intellectuelles, L***, Romain, âgé de trente-cinq ans, cartonnier,

(1) Revue médicale.

été militaire pendant quelque temps dans sa jeunesse, s'est ensuite marié et établi il y a douze ans. Il a eu deux enfans, dont l'un est mort en bas âge; l'autre, une fille aujourd'hui âgée de onze ans, est active, vive et intelligente.

L*** pourrait être pris comme le type du tempérament bilieux; sa peau est brune, sèche, couverte de poils, ses cheveux noirs, sa force musculaire considérable. Son crâne présente un développement antérieur au-dessus de l'ordinaire; sa figure grave, triste, et un peu marquée de la petite vérole, exprime à la fois l'abattement, la résolution et la persévérance. Son éducation a été assez soignée, sa position sociale aisée, ses habitudes tranquilles. Il a toujours été d'un esprit vif, adroit, et a montré du goût pour plusieurs arts mécaniques. Son caractère était gai et aimable par moment, mais généralement un peu sombre et soupçonneux; dans le commerce, il a été accusé d'être avare et intéressé. Il a toujours aimé passionnément la pêche, et s'exposait souvent pendant des heures entières au soleil pour poursuivre son amusement favori.

d'a

L'invasion de sa maladie date de six mois; sa femme, bord sage et modérée, a donné tout-à-coup dans la dissipation. Le gain du mari ne suffisait plus à ses dépenses; elle a quitté il y a deux ans la maison conjugale. Elle y revient ensuite pour recommencer ses désordres et raviver les soupçons du malheureux. Il en conçoit un chagrin profond. Ennui, préoccupations continuelles, recherche de la solitude, tels sont les premiers symptômes qui se déclarent. Bientôt on. le voit marcher en gesticulant; il accuse ses voisins de s'entendre avec sa femme pour le persécuter; il leur dit des injures et maltraite son épouse. Cependant il continue de faire parfaitement son commerce, reconnaît ses parens et ses pra-tiques, et les reçoit comme à l'ordinaire.

On le conduit à Bicêtre le 8 mars 1829. A la première ́visite, il dit qu'il a eu de fréquens maux de tête qui ont été augmentés par l'insolation, et qu'il désire quelques rafraîchissemens pour se remettre. Du reste, aucun signe d'aliénation; ses raisonnemens sont justes, ses manières polies. La face est cependant un peu injectée, les yeux rouges. Pouls, quatre-vingt-deux pulsations par minute. Il dit avoir peu d'appétit. Langue couverte d'un mucus blanc et épais. (Saignée de douze onces, huile de Ricin, une demi-once ; le quart.)

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il dit se trouver mieux. On le presse de questions, il avoue ses hallucinations; ses ennemis le tourmentent au moyen de vapeurs qu'ils font entrer dans ses alimens, dans l'intention de l'empoisonner. (Hallucination du goût.) (Tisane émolliente; bain; le quart.)

Le 10 le malade accuse des rêves désagréables. Il entend les cris et les menaces de gens qui cherchent à l'attaquer. Il en a même vu plusieurs qui le couchaient en joue. (Saignée du bras, de dix onces; tisane émolliente; lavement émollient; bain; quart.)

Les symptômes ne s'amendent point sous l'influence de cette médication ; les hallucinations continuent, mais le malade commence à s'impatienter et à demander sa liberté. Il a des billets à payer, son commerce va être perdu; il raisonne juste, il n'est point fou; pourquoi donc le retenir? telles étaient les paroles de cet homme, en même temps qu'il accusait un malheureux vieillard en démence, qui occupait le lit voisin du sien, de chercher tous les moyens de le tourmenter. Nous croyons, par quelques paroles un peu mena. çantes qu'il profère, qu'il va se venger. Il est passé aux loges.

Le 31 mars, injection de la face; pouls, quatre-vingt-neuf pulsations. Point de délire lorsqu'on ne lui parle pas de ses

ennemis. (Trente sangsues derrière les oreilles; bain, ) On diminue les alimens, dont on avait augmenté la quantité après la dernière saignée.

Durant le cours des mois d'avril et de mai, L*** se plaint beaucoup de sa captivité; il nous accuse même indirectement d'injustice. Cependant, soit par crainte, soit par tout autre motif, il se soumet encore avec assez de docilité aux prescriptions de M. Ferrus. Souvent il cherche à dissimuler ses hallucinations, afin d'engager M. Ferrus à le laisser sortir; mais lorsqu'on le presse de questions, il cherche les réponses indirectes d'un homme qui veut éviter de parler d'un sujet qui l'intéresse beaucoup, et sur lequel il veut garder la plus grande discrétion. Il se promène seul, et ne fréquente que rarement les autres malades.

Le 13 juillet L*** était dans cet état, lorsque son père vint le voir et demander sa sortie, en promettant de le faire surveiller, et de le remettre à Bicêtre s'il commettait quelques désordres.

Pendant tout son séjour à Bicêtre L*** n'a jamais eu un instant de délire général. Il a toujours parfaitement jugé des choses extérieures et de ses rapports avec elles, sauflorsqu'on lui parlait des persécutions qu'il éprouvait. Alors il ne paraissait plus le même homme. Cependant on pourrait ajouter que, même dans ses hallucinations, il y avait une certaine suite, une certaine conséquence qu'on n'observe pas généralement. Il concluait bien, mais en partant d'un principe essentiellement faux (1).

Observation sur une péritonite puerpérale traitée par les saignées, le mercure, le sous-carbonate de potasse; gué

(1) Lancette.

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