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Autopsie. Le tissu cellulaire est garni de graisse ; les muscles sont rouges et volumineux, les viscères des cavités thoracique et abdominale sains. Le cerveau et ses membranes ne présentent point extérieurement de traces de congestion; celui-là est de consistance ordinaire. Mais les ventricules latéraux et le ventricule antérieur sont remplis de sérosité, les couches optiques et la voûte à trois piliers sont en suppuration; les corps cannelés sont ramollis, sans néanmoins être encore réduits en bouillie. Le quatrième ventricule contient de la sérosité et, de plus, un morceau de matière cérébriforme plus molle que la substance cérébrale, presque púltacée, non adhérente, de forme très-inégale et du volume d'un œuf de pigeon.

Actuellement, comment les forces musculaires, l'intelligence, l'innervation, la vie, en un mot, ontelles pu se conserver malgré de tels désordres? comment ont-ils pu ne produire au dehors qu'un simple mal de tête, tout continu qu'il était? comment cette liberté de sentir et de penser jusqu'au moment d'une mort si inopinée et pourtant si inévitable? M. Gama a bien raison de dire que nous ne connaissons point encore exactement le degré de détérioration cérébrale qui rend les fonctions encéphaliques impossibles. Et à ce sujet, entre autres faits qu'il raconté, il en est un où l'on voit le malade conserver jusqu'au dernier moment toute sa raison et sa présence d'esprit : les deux lobes encéphaliques antérieurs furent cependant trouvés à peu près réduits en bouillie purulente. Voy.

le travail important et trop pen connu que ce médecin a publié dans le tome vingtième des Mémoires de médecine militaire.

En terminant cet article, je rappellerai qu'on a imprimé, dans le numéro de juin 1829 de ce journal, une observation sur une double hémorrhagie cérébrale qui, sous plusieurs rapports, peut intéresser les médecins qui s'occupent des maladies de l'encéphale : je le fais ici, parce que cette observation se trouve omise sur la table des matières du journal.

Observations sur des convulsions consécutives à des catarrhes broncho-pulmonaires; par M. Chauffard, médecin à Avignon.

PREMIÈRE OBSERVATION. Louise B...., fille d'un médecin, mon ami, âgée de deux ans et demi, forte, grasse, très-colorée, était, dans le mois de décembre 1827, oppressée, et toussait depuis quelques jours beaucoup, lorsqu'elle frappa de la tête en tombant sur le parquet. Le lendemain, somnolence inaccoutumée; l'enfant est morne et fuit la lumière. Le soir, à huit heures, convulsions fortes des membres et des yeux, qui durent environ vingt minutes, et qui sont suivies d'une stupeur générale, avec perte de connaissance et de sensibilité. Les yeux sont ternes, portés violemment sur la paupière supérieure, et agités de petits mouvemens convulsifs continuels. L'œil

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gauche est traversé par quelques vaisseaux rouges et très engorgés; il est humide. La déglutition se fait avec peine; l'enfant gémit par momens d'une manière très-plaintive. Sans retard nous piquons la saphène, puis la temporale; chaque piqûre ne fournit que deux onces de sang au plus. Vingt-quatre sangsues vigoureuses sont appliquées aux mollets. Elles achevaient de se remplir que l'enfant avait beaucoup pâli, qu'il bâillait, ouvrait les yeux, et éprouvait ce malaise qui devance la lypothymie. Celle-ci eut lieu en effet, et fut longue; elle dura, avec plus ou moins d'intensité, de dix heures à minuit. Nous avions fait tomber les sangsues, et, pendant tout ce temps, nous tînmes avec la main les jambes fortement serrées et garnies d'amadou. L'enfant parla, but avec facilité; ses yeux redevinrent naturels; ses lèvres s'étaient même un peu colorées, lorsqu'elle s'endormit d'un bon sommeil, qu'aucun accident ne troubla.

La déplétion révulsive, qui enraya si promptement une congestion cérébrale dont la mort ou la paralysie eût été la suite, exerça aussi sur la bronchite une influence très-marquée. Le lendemain l'enfant toussa beaucoup moins, et cinq à six jours après ce funeste accident sa santé était rétablie.

La vraie nature de ces convulsions était évidente; le traitement fut simple, énergique et décisif. L'engorgement inflammatoire de la poitrine, en gênant le passage du sang du cœur droit au coeur gauche, avait déterminé une sorte de réplétion plus grande de la veine cave supérieure, des veines qui y aboutissent,

du système capillaire cérébral, des artérioles qui se ramifient dans les membranes et la pulpe de l'encéphale; aussi une chute qui n'aurait produit dans l'état ordinaire qu'un effet très-momentané devint le principe d'une grave fluxion intra-crânienne. Il fallait donc n'employer qu'une forte révulsion par la saignée, pour faciliter la circulation et diminuer ainsi la compression des centres nerveux; là seulement était le succès. Les excitans de la peau pouvaient-ils réussir, pouvaient-ils même ne pas nuire à un enfant frappé au milieu de toute son énergie vitale? Les stimulans de l'estomac auraient assurément échauffé là peau, accéléré le mouvement du sang, poussé sympathiquement à la tête, et hâté l'instant de la mort, ainsi que je l'ai vu dans de semblables circonstances. Si nous appliquâmes un si grand nombre de sangsues, proportionnellement à l'âge de l'enfant, c'est que nous voulions obtenir, et très-promptement, une hémorrhagie jusqu'à défaillance, sûrs de maîtriser l'écoulement du sang dès l'instant où nous le jugerions convenable.

DEUXIÈME OBSERVATION. La femme du domestique de M. P...., enceinte de son premier enfant, de bonne constitution, âgée de vingt-trois ans, était tourmentée depuis six semaines par un catarrhe pulmonaire, lorsqu'elle accoucha, dans le mois de mars 1828. Immédiatement après sa délivrance, convulsions avec perte momentanée de connaissance, écume à la bouche, qui furent bientôt suivies d'un coma profond et d'une insensibilité générale très-marquée. Les sens

s'éteignent, la bouche se déforme, il en découle une bave épaisse; déglutition d'ailleurs impossible; yeux ternes, larmoyans, et continuellement agités de petites oscillations; pouls plein et fréquent; sueur grasse et chaude; lochies assez abondantes. Depuis douze heures environ la malade était dans ce fâcheux état, lorsque M. B...., son accoucheur, me fait appeler. Il la saigne largement; et le soir, vingt sangsues à la vulve. Chacune de ces émissions sanguines atténue la congestion apoplectique et ses effets. Le lendemain la malade a repris ses sens; il ne lui reste plus que de la stupeur, qui diminue elle-même de jour en jour. Quant à l'affection pulmonaire, elle déclina d'une manière assez rapide; la toux devint grasse, moins fréquente, plus facile, et céda à l'usage du lait et à la persistance de l'écoulement des lochies.

Les convulsions et l'insulte apoplectique dépendaient encore, dans ce cas, de la maladie pulmonaire, des entraves qu'elle mettait à la circulation, et de la réplétion du système veineux et artériel de la tête. Les vidanges ne suffisaient pas, quoique copieuses, à enrayer un tel engorgement; leur sortie lente, uniforme et mesurée, les rendait sans action sur la maladie cérébrale; il fallait une déplétion plus forte et plus prompte, qui produisît comme subitement une sorte de vide dans des vaisseaux si embarrassés. C'est d'après cette seule, mais puissante considération, que fut décidée la saignée; elle fit promptement ce que ne faisaient pas les lochies, et n'enraya point leur écoulement; effet que, sans beaucoup de fondement,

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