Page images
PDF
EPUB

Observations sur quelques particularités relatives à l'inflammation aiguë du cerveau et de ses membranes; par M. Chauffard, médecin de l'hôpital d'Avignon.

La plupart des affections cérébrales sur-aiguës, celles surtout qui sont caractérisées par l'ataxie des symptômes, et qui se terminent d'une manière défavorable, n'ont souvent pas d'autres causes que des passions tristes, d'amères et longues contrariétés, des peines concentrées. On ne l'a point assez remarqué; et rien cependant n'est plus vrai, rien d'ailleurs ne se conçoit plus aisément. Presque tous les soldats qui meurent d'encéphalite sont peu joyeux, s'ennuient de leur métier, regrettent leurs champs et le toit domestique. Mais hors de ces exemples si connus, il en est bien d'autres encore, et la nostalgie n'est pas la seule souffrance morale qui produise la fièvre ataxique, même dans les camps. Voici un fait à l'appui.

PREMIÈRE OBSERVATION. Inflammation de l'arachnoïde; ramollissement de la voûte à trois piliers et d'une partie du cervelet. Labordebois, sergentmajor de carabiniers, âgé de vingt-six ans, vif, instruit, bien élevé, est apporté à l'hôpital dans l'été de 1826, délirant de la manière la plus furieuse. Il crie, il éclate, parfois il chante et rit d'un rire sardonique son œil, fixé vers la paroi supérieure de l'orbite, fuit la lumière; ses traits se contractent fortement. Ce délire cesse ensuite et fait place à un assoupissement qui fut invincible jusqu'à la mort.

T. LVI.

9

Le visage devint morne, d'une grande pâleur, et s'allongea. Cette maladie s'accompagna de beaucoup de fièvre, de soubresauts des tendons, d'évacuations involontaires d'urine et de matières fécales, ne dura que sept jours, et fut comme la réinvasion d'une encéphalite qui avait paru, il y avait environ deux mois, sous la forme d'une fièvre comateuse intermittente, et qu'un scrupule de sulfate de quinine avait promptement guérie. Ce jeune homme, plein d'honneur, avait contracté des dettes, était tourmenté de la sée qu'on pouvait les découvrir, et rongé de chagrin à ce sujet. On le saigna du pied et du bras, on lui appliqua des ventouses scarifiées aux cuisses; et plus tard, ouverture de la temporale, sangsues au cou,. appareil antiphlogistique dans tous ses développemens; en dernier lieu, révulsifs des plus excitans et moxas sur le sinciput, qui le firent hurler, sans rappeler toutefois un instant de connaissance.

pen

Ventricules latéraux et quatrième ventricule tout gonflés de sérosité; la valvule de Vieussens et l'arachnoïde qui tapisse la partie postérieure du cervelet soulevées par ce même liquide; fonte purulente du pilier antérieur de la voûte; ramollissement des piliers postérieurs, de la partie antérieure des lobes du cervelet; altération de l'arachnoïde, très-marquée dans toute son étendue, mais plus à gauche qu'à droite, et surtout à la partie supérieure des hémisphères et à la base du cerveau.

Le traitement le plus actif fut infructueux; les altérations de la partie centrale du cerveau étaient si

[ocr errors]

considérables! Elles témoignaient assez de quelle puissance d'action était douée la cause qui avait suscité une telle maladie.

Les tubercules quadrijumeaux, les couches optiques, les corps cannelés, les nerfs de la cinquième paire et autres n'étant point altérés visiblement, l'abolition des sens ne me paraît dans ce cas résulter que de l'extrême compression de la masse encéphalique par l'excès de l'engorgement vasculaire cérébral.

Ce fait ne viendrait-il pas à l'appui d'une observation de MM. Martinet et Parent du Châtelet; savoir, que le trouble des idées signale l'inflammation des régions supérieures de l'arachnoïde des hémisphères, tandis que l'absence des idées et la somnolence sont les signes de la phlegmasie de l'arachnoïde de la base du cerveau, qui pénètre dans les ventricules? Effectivement, dans le principe de cette maladie, désordre intellectuel, incohérence des idées; injection de la portion supérieure de l'arachnoïde, fonte purulente du pilier antérieur : puis, stupeur, carus, perte absolue de toute idée, de toute parole; congestion sanguine dans l'arachnoïde inférieure et ventriculaire, épanchement de sérosité. N'y a-t-il pas là un accord assez exact entre la marche des symptômes, le temps de leur manifestation, la nature des désordres rencontrés en de telles conjectures? Quand je dis l'inflammation de l'arachnoïde, j'entends aussi de l'encéphale qu'elle recouvre; car, avec divers auteurs, je ne conçois pas l'une sans l'autre, quoique souvent l'arach

noïdite laisse des preuves de son existence beaucoup plus sensibles.

Au reste, ce délire des fébricitans, d'ordinaire d'autant plus intense que l'inflammation de l'arachnoïde antérieure et supérieure a été plus violente et a laissé des traces plus profondes, justifie cette opinion si générale; savoir, que les phénomènes de l'intelligence ont pour organe spécial la partie antérieure des hémisphères cérébraux; que là par conséquent doit résider la portion la plus délicate du sens des idées. ·

La nostalgie, cette cause si fréquente de l'inflammation du cerveau, la provoque quelquefois, lors même qu'il existe d'autres désorganisations.

DEUXIÈME OBSERVATION. Ramollissement du pilier droit de la voûte, de la paroi postérieure et supérieure du ventricule droit; méningile; inflammation chronique de toutes les séreuses.-Sébastiani, soldat corse, âgé de 26 ans, d'une constitution sèche et nerveuse, était entré plusieurs fois à l'hôpital avec le ventre tendu, avec de la toux, et la poitrine peu sonore, surtout du côté droit. Triste, taciturne, parcimonieux, il soupirait après l'instant où il reverrait son pays, et se plaignait de violentes douleurs de tête. On l'amena pour la dernière fois à l'hôpital, le 10 juillet 1825, dans un état d'insensibilité presque absolue, la bouche déviée à gauche, ne pouvant ni proférer une seule parole ni pousser un cri, mais paraissant conserver de l'intelligence. La tête était toujours la partie la plus souffrante; les gestes du malade, lorsque je le question

[ocr errors]

nais, l'indiquaient clairement. Le marasme était effrayant, et tous les anciens symptômes des autres phlegmasies s'étaient évanouis, effacés par la maladie cérébrale. Les membres inférieurs étaient demi-fléchis, le gauche plus raide que le droit; raideur qui s'accrut jusqu'à la veille de la mort, et qui atteignit aussi l'extrémité thoracique gauche. Les pupilles étaient dilatées; elles le devinrent excessivement pendant les huit jours que vécut encore ce malade, qui mourut après avoir poussé pendant quinze heures des gémissemens qui avaient succédé au silence le plus absolu. Il était privé de connaissance depuis trentesix heures.

Autopsie. Trois à quatre onces de sérosité épanchée à la surface de l'hémisphère gauche, entre la duremère et l'arachnoïde; celle-ci de couleur grisâtre, trèsinjectée, adhérente en quelques points, par des portions de fausse membrane, à la pie-mère; couverte en d'autres, à sa face interne, de granulations nombreuses, proéminentes, d'un aspect lardacé, cancéreux, se prolongeant dans la plupart des anfractuosités du cerveau. Du côté droit, au contraire, arachnoïde presque saine, un peu plus injectée que dans l'état normal. Nulle altération de la pulpe cérébrale au côté gauche, mais développement des vaisseaux qui s'y distribuent,et gonflement extraordinaire de son ventricule latéral; sor tie parjets de quelques onces de sérosité. Du côté droit, autre développement des vaisseaux propres à la substance du cerveau, caractérisé par une foule de points rougeâtres qui se manifestent à chaque section; point

« PreviousContinue »