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qui se passent alors dans les glandes sudoripares, modifications que Ranvier et moi (loc. cit.) avons pu suivre et décrire dans une observation de cancroïde du pied. Voici ce que nous avons vu dans ce cas : L'épithélium contenu dans le tube enroulé de la glande se multiplie et s'hypertrophie; il remplit complétement et dilate d'une façon irrégulière le tube glandulaire dont la lumière est obstruée. En même temps la paroi propre du tube, jusque-là conservée, s'amincit et disparaît, de telle sorte qu'on n'a plus alors que des cylindres pleins formés d'épithélium pavimenteux, sans membrane d'enveloppe. Ces cylindres poussent des bourgeonnements épithéliaux dans tous les sens, sont anastomosés les uns avec les autres, se terminent en doigt de gant, et représentent parfaitement les figures données par Robin comine appartenant à la troisième variété des tumeurs hétéradéniques (1) et celles que j'ai dessinées moi-même à propos des tumeurs du col utérin (2).

Dans le tissu conjonctif voisin on voit aussi apparaître une grande quantité de noyaux sphériques ou ovoïdes.

Tels sont les phénomènes qu'on observe au début d'une tumeur récente et à la périphérie d'une tumeur ancienne. Le corps papillaire est un peu hypertrophié à ce niveau, mais les couches du corps muqueux et de l'épiderme sont normales.

Dans les parties les plus anciennes et déjà ulcérées, les cylindres épithéliaux précédents se sont renflés par places, ou se sont isolés complétement de manière à constituer des îlots arrondis ou irréguliers d'épithélium dont les couches les plus surperficielles sont pavimenteuses et implantées perpendiculairement à la paroi, dont les cellules centrales sont cornées ou colloïdes. Cette variété du cancroïde aboutit donc également à la même structure que la variété précédente, et n'en différerait, autant du moins que permet de l'avancer le petit nombre d'observations publiées jusqu'ici, que par le mode de naissance. Au centre des lobules ou même dans les cylindres épithéliaux on trouve presque toujours, soit des globes épidermiques, soit des cellules colloïdes. Dans certains cas, l'abondance de ces dernières peut déterminer

(1) Ch. Robin, Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, 1856. (2) Journal de l'anatomie, 1865, pl. XIV et XV.

la formation de petits kystes remplis d'un mucus gélatineux et visibles à l'œil nu.

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FIG. 17. Culs-de-sac d'une tumeur hétéradénique de l'orbite. - a, b, c. Portion des gaînes dans lesquelles l'épithélium est disposé en cellules polyédriques. d, e, f. Portion des gaînes formée d'épithélium nucléaire ovoïde; entre les noyaux existe un peu de matière amorphe non encore segmentée en cellules. De d en a, on suit la transition de l'une à l'autre des deux dispositions indiquées ci-dessus. (Ch. Robin, Mémoire sur le tissu hétéradénique, 1856.)

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Si dans le plus grand nombre des cas le cancroïde à cellules pavimen teuses a une grande tendance à envahir les tissus, s'il est en général assez grave pour être rangé dans le groupe des cancers, il y a néanmoins des tumeurs ayant la même structure que le cancroïde et cependant de nature bénigne. Telle était une petite tumeur de la peau que j'ai examinée avec M. Ranvier, tumeur très-ancienne et stationnaire, qui était composée de globes épidermiques tous très-régulièrement

sphériques et séparés les uns des autres par un tissu cellulo-adipeux normal (cholestéatome).

§ II. Seconde variété. — Cancroïde à cellules cylindriques.

Cette variété du cancroïde se développe sur les muqueuses recouvertes à l'état normal par un épithélium cylindrique et particulièrement sur la muqueuse du tube gastro-intestinal et de la vésicule biliaire.

Ces tumeurs ont une gravité tout aussi grande que les carcinomes de ces muqueuses, et, lorsqu'elles se généralisent à différents organes, ainsi qu'il en existe plusieurs observations dans la science, elles reproduisent dans les tumeurs secondaires les mêmes caractères qui distinguent la tumeur primitive.

L'aspect de ces tumeurs molles et riches en suc laiteux leur ferait donner le nom de cancer médullaire ou encéphaloïde, si l'on s'en tenait uniquement aux données fournies par l'oeil nu. Comme leur structure est connue depuis peu, nous croyons utile d'en présenter rapidement l'historique.

En 1851, Reinhardt (1), qui en a le premier fait un examen microscopique complet, les avait regardées comme des hypertrophies des glandes en tube de l'estomac. C'est qu'en effet elles sont constituées par de grandes cavités cylindriques comme des glandes en tube, et que les parois de ces cavités sont tapissées par un épithélium cylindrique. Dans deux des trois observations de Reinhardt, il y avait eu généralisation de la néoplasie aux poumons et au foie.

Foerster (2), en 1858, a donné une excellente description de cette forme de tumeur de l'estomac et de l'intestin basée sur cinq observations; il a comparé aux résultats de son examen les faits déjà publiés par Reinhardt, Virchow (3) et Bidder (4). Il les décrivait comme des cancers épithéliaux à cellules cylindriques et leur donnait le nom de

(1) Reinhardt, Annalen des Berliner Charité-Krankenhauses, 1851, 1 Heft, S. 98. ́2) Forster, Archiv für path. Anat. und Physiol., B. XIV, S. 91.

3) Virchow, Gazette médicale de Paris, 7 avril 1855.

14) Bidder, Müller's Archiv, 1852, left 2, S. 78.

Cylinderepithelialkrebs. La même année, Ernst Wagner (1) publiait des cas analogues, observés non-seulement à l'intestin, mais aussi dans l'utérus et le foie, et Gawriloff (2) en a même vu dans la colonne vertébrale.

J'ai publié trois observations de tumeurs épithéliales de cette nature qui avaient pris naissance au col de l'utérus, et j'en ai recueilli depuis neuf autres cas siégeant: six au rectum, deux à l'estomac et un à la vésicule biliaire.

Ces tumeurs se présentent le plus souvent sous l'aspect de bourgeons ou de plaques saillantes plus ou moins étendus, vascularisés à leur surface, mous, qui s'ulcèrent tardivement et qui habituellement n'intéressent que la muqueuse. Lorsqu'on 1 es presse, on fait sourdre à leur surface des gouttelettes d'un suc laiteux très-abondant. Sur une surface de section normale à la muqueuse, on reconnaît qu'ils possèdent une disposition fasciculée, que les fibres lamineuses et les vaisseaux qui les composent sont parallèles entre eux et perpendiculaires à la surface

de la membrane.

Dans d'autres cas on se trouve en face d'une surface ulcérée, déprimée, villeuse, et la base de cet ulcère est formée par un tissu blanchâtre et mollasse, riche en suc laiteux.

L'examen microscopique du suc laiteux montre uniquement des cellules épithéliales cylindriques (a, fig. 18), exactement semblables à celles de la muqueuse intestinale, et habituellement accolées les unes aux autres sous forme de lamelles, comme cela s'observe toujours sur les membranes qui en sont tapissées. Ces cellules très-régulières, à peu de chose près semblables les unes aux autres, mesurent 0,020 à 0,025 en longueur, et 0,005 à 0,007 en largeur. Elles possèdent un noyau ovoïde de 0,007 à 0,009 de longueur. Leur extrémité ou base libre est un peu évasée et terminée par un bord à double contour. Elles se détachent habituellement par lambeaux ou plusieurs d'entre elles sont contigues et soudées.

Sur des coupes de la tumeur préalablement durcie, on peut appré cier la disposition de sa trame et la situation des cellules précédentes. Les sections minces perpendiculaires à la surface bourgeonnante montrent à un faible grossissement de longues et étroites cavités folli

(1) E. Wagner, Archiv für physiologische Heilkunde, 1858, S. 206. (2) Gawriloff, Würtzburger medic. Zeitung, 1863, B. IV.

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culeuses séparées les unes des autres par de longues papilles parallèles entre elles et contenant des vaisseaux. Cette couche, qui a de 2 à 5 millimètres d'épaisseur, est une altération de la muqueuse, ainsi qu'on peut s'en assurer par sa continuité directe avec la muqueuse voisine et par sa situation au-dessus des couches musculeuses. Ces cavités folliculeuses, examinées à un grossissement de 200 diamètres, se présentent, soit sous forme de tubes allongés (b, fig. 18), soit de cercles (c, fig. 18), soit de figures elliptiques, suivant que la coupe est parallèle, perpendicu

FIG. 18.

1

Cancroïde à cellules cylindriques. (Grossissement de 200 diamètres.)

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a. Cellules cylindriques détachées. b. Cavité folliculeuse vue suivant sa longueur. c. Cavité semblable vue sur une section transversale. Toutes

laire ou oblique, relativement à leur direction. Partout ces longues cavités folliculeuses sont tapissées par une couche de l'épithélium cylindrique régulier, que nous venons de décrire. Ces cellules s'implantent directement sur la paroi, sans l'interposition d'une membrane propre hyaline glandulaire; elles se forment en quantité considérable et subissent des altérations telles que le passage à l'état graisseux et à l'état vésiculeux; elles laissent à leur centre une lumière vide ou canal; les follicules s'ouvrent directement à la surface ulcérée.

Dans un cas de cancroïde à cellules

sont tapissées par une couche de cel- cylindriques ulcéré du rectum, toute la

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lules cylindriques.

surface ulcérée était villeuse et hérissée. de papilles couvertes d'épithélium cylindrique. Aux bords de l'ulcération la couche glandulaire de la muqueuse était hypertrophiée. Audessous de cette couche des glandes, de même qu'au fond de l'ulcération, existaient des cavités nouvelles tapissées de cellules cylindriques; de la paroi de ces cavités végétaient des papilles recouvertes ellesmêmes par des cellules cylindriques. La figure 19 représente une coupe de cette tumeur au niveau du bord de l'ulcération.

Il est très-probable, d'après la disposition des cavités folliculeuses qu'on trouve sur les bourgeons de la tumeur avant son ulcération, et d'après la nature de leur épithélium, que ces cavités ne sont autres que

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