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tapisserie en France. Nous avons affaire à un simple épisode, à un très court chapitre si l'on veut, de cette histoire, développé peut-être un peu longuement et avec une certaine surabondance. Nous faisons ainsi, de suite et en deux mots, la part de la critique.

En somme ce livre, bien fait et d'un intérêt réel, mérite de grands éloges. La valeur du texte est, de plus, singulièrement relevée par d'excellentes planches héliographiques, exécutées d'après les clichés de MM. Marquet et Dauphinot. Ces planches reproduisent ce qui nous reste des tapisseries avec une vérité peu commune et qui aurait pu dispenser l'auteur dans ses descriptions, comme nous l'avons fait entendre, d'insister autant sur les détails.

Deux suites sont étudiées dans ce beau livre :

1° L'Histoire de Clovis (xv° siècle);

2° L'Histoire de la Vierge (xvr siècle).

M. Loriquet établit d'une manière à peu près certaine que 'Histoire de Clovis est d'origine bourguignonne; qu'elle fit partie des tapisseries de la maison de Bourgogne prises sur Charles-Quint lors de l'abandon du siège de Metz. C'est par droit de conquête que cette précieuse décoration, si bien appropriée pourtant à sa destination dernière, est devenue l'un des principaux ornements de la cérémonie du sacre des rois de France. Ces tapisseries sont un don généreux du cardinal de Lorraine, qui les tenait de son frère, le duc de Guise.

Dans l'étude générale des tapisseries qui représentent La Vie et la Mort de la Vierge Marie, données par l'archevêque Robert de Lenoncourt, en 1530, nous signalerons une discussion de tout point excellente, où l'auteur réfute avec succès l'opinion qui veut que ces remarquables ouvrages, d'une composition à la fois savante et gracieuse, soient d'origine allemande, origine que tendaient à leur attribuer deux juges autorisés, MM. Vitet et Jubinal.

M. Charles Loriquet y reconnaît cette inspiration flamande, procédant de l'ancienne école de Van Eyck, qui est dominante dans l'art français avant l'imitation de la renaissance italienne. Il croit que la composition et les dessins sont dus, en réalité, à des artistes français, bien que l'exécution en ait dû être confiée, probablement sur place, à des ouvriers flamands. Ces derniers points restent toutefois douteux, ainsi que l'identité proposée des noms du célèbre écrivain Jean Lemaire et du dessinateur de tapisseries Robert de Bailleul ou Beul, que l'auteur croit reconnaître dans les inscriptions des tapisseries, l'un comme inspirateur des compositions, l'autre comme auteur des cartons.

M: Ch. Loriquet, dans le cours de cette longue dissertation, se montre, dans les détails, connaisseur éclairé des usages et des coutumes de la vie et de l'histoire des deux siècles auxquels appartiennent les tapisseries de Reims. Une mention honorable, à défaut d'une médaille, lui était duc.

QUATRIÈME MENTION HONORABLE.

L'Inventaire chronologique de la maison de Baux vaut à M. le Dr Barthélemy la quatrième mention honorable. Cet ouvrage excellent est de ceux auxquels, dans une année moins riche en bons travaux, la Commission n'aurait pas hésité à accorder une médaille.

Sous cet humble titre, M. le Dr Barthélemy nous fait connaître l'histoire généalogique d'une des plus grandes maisons du midi de la France, mais une histoire généalogique telle que la critique la plus sévère peut l'exiger. L'auteur a compulsé tous les documents relatifs aux différentes branches de la famille de Baux. Il en a trouvé plus de deux mille, dont la plupart appartiennent à la période comprise entre le xno et le xv° siècle. Autant il a mis de patience et de sagacité à rechercher ces documents dans les archives de la Provence, du

Dauphiné, de Paris, de Rome même et de Naples, autant il a apporté de soin à les analyser, à les classer par ordre chronologique. L'étude des sceaux a été également mise à profit.

M. le Dr Barthélemy n'en a pas recueilli moins de 46, dont 31 n'avaient pas encore été décrits.

On comprend de quelle importance un pareil recueil de matériaux sera pour les historiens futurs de nos provinces méridionales.

La maison de Baux, qui, pendant plus d'un siècle, a disputé la souveraineté de la Provence aux comtes des maisons de Barcelone et d'Anjou, dont l'antiquité paraissait telle qu'au xv siècle on n'hésitait pas à la faire descendre d'un des rois mages, touche, par plus d'un point, non seulement à l'histoire de France, mais à celle de Naples, d'Espagne et d'Allemagne. M. le D' Barthélemy a résumé, dans des tableaux ingénieusement dressés, toutes les données fournies par des textes authentiques sur les différentes branches de cette grande famille. Il a marqué sur une carte la position de tous les fiefs qui leur ont appartenu. Ces travaux sont irréprochables. L'auteur s'est fait une loi d'écarter tout ce qui n'était pas justifié par des témoignages contemporains. De ce nombre sont les hypothèses qui rattachent la famille de Baux à une dynastie qui, pendant pendant une centaine d'années, a régné en Albanie. M. Barthélemy en a fait bonne justice.

En résumé, le livre du D' Barthélemy est un travail des plus méritoires, auquel on peut tout au plus reprocher un peu d'aridité, mais dont on se servira très utilement, très commodément, pour résoudre des questions de topographie et de chronologie, comme aussi pour pénétrer plus avant dans la connaissance des institutions féodales et l'histoire des familles de la Provence et du Dauphiné au moyen âge.

CINQUIÈME MENTION HONORABLE.

L'auteur de l'Histoire de la ville de Roquevaire, M. l'abbé Albanès, se recommandait à nous par de nombreux et excellents travaux antérieurs sur l'histoire civile et ecclésiastique de la Provence. Vous n'avez pas oublié le volume qu'il a consacré en 1880 au couvent de Saint-Maximin: une des plus intéressantes monographies auxquelles ait donné lieu un couvent du midi de la France. Les dissertations qu'il a écrites sur la vie des différents prélats des XIV et xv siècles sont des modèles de discussion. L'abondance des renseignements rappelle certaines notes des Vies des Papes d'Avignon par Baluze. La Commission eût été heureuse de donner une plus haute récompense à M. l'abbé Albanès; mais son travail, qui ne mérite que des éloges, est trop particulier, d'un intérêt trop local, pour qu'il nous fût permis, quel qu'en soit le mérite, de le placer à un autre rang.

Il n'y a, en effet, qu'une seule réserve à faire au sujet de l'Histoire de Roquevaire, c'est que le sujet est mince. L'histoire d'une obscure petite seigneurie des environs de Marseille, du XII au XIV siècle, ne peut révéler que peu de faits nouveaux concernant les idées, les institutions, les mœurs de l'époque. L'histoire générale de la France et même de la Provence y est peu intéressée. La dissertation, à cela près, mérite, sans autre restriction, tous nos éloges. Elle est bien conduite, bien écrite, se lit avec plaisir, tout à fait digne des précédents travaux de l'auteur.

L'abbé Albanès ne s'y montre pas seulement habile érudit: il écrit avec esprit, et ce n'est pas sans agrément et sans finesse qu'il fait justice des rêveries de ceux qui, sur la foi d'obscures traditions locales et d'étymologies erronées, attribuent à Roquevaire une origine romaine et lui donnent pour fondateur et patron le fameux Varus.

A l'encontre de ces hypothèses fantaisistes, M. l'abbé Albanès montre très bien que l'histoire de Roquevaire commence en 1155 environ, avec une branche de la famille des seigneurs d'Auriol, à laquelle est due la construction du château. Il suit ces seigneurs pas à pas pendant deux siècles, à l'aide de documents tirés des archives du pays, qui, presque tous, étaient inédits. Ces pièces, empruntées en grande partie au fonds de l'abbaye de Saint-Victor, forment à la fin du volume un appendice d'une cinquantaine de pages, qui constitue les preuves de l'Histoire de Roquevaire. Le sujet étant donné, on ne pouvait mieux faire.

que

SIXIÈME MENTION HONORABLE.

L'Histoire du grand prieuré de Toulouse, de M. du Bourg, est loin de manquer de mérite. La critique, toutefois, y trouve plus de prise que dans les œuvres précédentes. Un des rapporteurs a pu familièrement caractériser l'ouvrage en disant qu'on y trouvait des matériaux excellents, mais juxtaposés sans ciment. L'ordre et le lien des œuvres achevées y manquent en effet. Il n'en est pas moins vrai que les recherches sont originales, les documents puisés aux bonnes sources; le livre est empreint d'un bon esprit, quoique un peu trop toulousain peut-être en ce qui touche aux Albigeois, mais au fond impartial. D'excellentes pages sur l'ordre des Hospitaliers et sur l'ordre des Templiers, jugés avec un grand sens, une histoire bien faite des membres du grand prieuré, sont empreintes d'une remarquable distinction. Le livre de M. du Bourg est un livre utile et l'œuvre d'un homme de talent. Il a peut-être été composé trop vite, avant que fût arrivé ce point de maturité de l'esprit dont parle Buffon, grâce auquel chaque partie du tout se place comme sans effort en son lieu, et fait de parties isolées d'abord et à première vue incohérentes un tout harmonieux.

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