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accompagnée par une excellente musique, et pendant laquelle M. le curé de Savenay prononça une allocution d'un style à la fois simple et élevé, qui conquit tous les suffrages et prépara les esprits à se mettre activement au travail. Ensuite eut lieu la séance d'inauguration, présidée par le vénérable directeur de l'Association bretonne, M. Rieffel, assisté de M. le sénateur baron de Lareinty, et de M. le maire de Savenay. Les discours de M. Rieffel, rappelant l'historique des travaux de l'Association; de M. du Breil, trésorier-général, rendant compte de la situation financière; de M. Louis de Kerjégu, directeur de la section d'agriculture, faisant appel au dévouement de toutes les bonnes volontés; de M. Ropartz, directeur de la section d'archéologie, indiquant l'importance de l'étude de nos origines historiques, furent fréquemment interrompus par les applaudissements de l'auditoire; puis le bureau du congrès fut élu par acclamation :

Présidents d'honneur: M. le préfet du département, M. le curé et M. le maire de Savenay; M. Oheix, conseiller général du canton.

-Section d'agriculture: président, M. le sénateur baron de Lareinty; vice-présidents, MM. Deloze, A. de la Rochette, Kersanté, de Quénétain et de Guerdavid; secrétaires, MM. de Nouel, Argoualch et de Carcouët. Section d'archéologie : président, M. Audren de Kerdrel, l'un des vice-présidents du sénat; vice-présidents, MM. Arthur de la Borderie, Anthime Menard, Gaultier du Mottay, Audran et Marionneau; secrétaires, MM. Yves Ropartz, René Kerviler et Robert Oheix.

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Chaque section se rendit aussitôt après dans ses salles respectives pour organiser ct distribuer le travail, fixer les ordres du jour et arrêter définitivement les programmes. Nous parlerons peu de la section d'agriculture, qui a surtout travaillé sur le terrain et dans laquelle on n'a guère lu de mémoires sur des sujets agricoles; mais la section d'archéologie a entendu des travaux fort intéressants et très-variés, parmi lesquels nous signalerons des Notes sur l'histoire de Savenay, par M. Ledoux; le Répertoire archéologique de toute la presqu'ile guérandaise, en ce qui concerne les monuments ou débris antérieurs à notre ère et les restes gallo-romains, par M. René Kerviler; un mémoire sur les mouvements d'oscillation du sol breton, dans les environs du Mont Saint-Michel et du Mont-Dol, par M. l'abbé Hamard, prêtre de l'Oratoire de Rennes; des notes sur les tombes et inscriptions antérieures au Xe siècle qui se rencontrent encore dans nos églises rurales, en particulier dans celle de Besné, par M. Gaultier du Mottay; une étude sur Arthur de Richemont, par M. Guyot-Jomard, qui veut faire élever à son héros une statue sur l'une des places publiques de Vannes; une discussion sur le lieu de la défaite navale des Venètes par César, par MM. Kerviler et Lallemant; etc.

Des lectures et des conférences ont eu lieu en séances générales. Nous

devons citer, tout particulièrement, la conférence faite, le mardi 4 septembre, par notre collaborateur M. René Kerviler sur ses découvertes archéologiques du bassin de Penhouët, à Saint-Nazaire, et sur sa méthode de détermination d'une sorte de chronomètre préhistorique, à l'aide du nombre des couches successives qu'il est parvenu à reconnaître dans les alluvions de la Loire. On a surtout remarqué une vigoureuse réponse à des attaques peu justifiées dont M. Kerviler a été l'objet de la part de M. de Mortillet, au congrès tenu vers la fin du mois d'août, au Havre, par l'Association française pour l'avancement des sciences. Les procédés, fort peu scientifiques et pleins de partialité, d'une certaine école, qui prétend imposer ses systèmes de parti pris pour mieux attaquer la Bible, y ont été mis à découvert de la façon la plus caractéristique. La vraie science n'a point de ces allures tortueuses et passionnées. On a surtout applaudi le passage dans lequel M. Kerviler, se tournant vers M. Jules de la Gournerie, membre de l'Académie des sciences, a déclaré qu'il s'en rapportait absolument à la décision consciencieuse et impartiale de la commission nommée par l'Académie pour examiner la valeur de ses découvertes. M. de la Gournerie fait partie de cette commission, avec MM. de Quatrefages, Gervais, Decaisne et Daubrée.

Le mercredi, M. Léon Maître, notre savant archiviste et sympathique collaborateur, a traité une question dont il possède tous les secrets: celle des anciens établissements hospitaliers de la région. Cette étude complète et couronne son histoire des hôpitaux de Nantes, dont nous avons récemment parlé; puis, profitant d'une réunion de la Société des Bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, M. Arthur de la Borderie, élu président de la Société, a fait une piquante description du premier volume publié, les OEuvres d'Olivier Maillard, qui font le plus grand honneur aux presses de notre ami M. Émile Grimaud; la notice et la bibliographie qu'il y a jointes en font un véritable morceau de choix pour les délicats. Le lendemain, il reprenait la parole pour étudier des scènes de la vie rurale en Bretagne avant la révolution, d'après les curieux récits de Noël Du Fail, et M. S. Ropartz, directeur de la section, développait d'intéressantes considérations sur l'histoire du Tiers-État dans notre province. Un conte breton de M. du Laurens de la Barre a été lu avec beaucoup d'animation par M. Yves Ropartz.

Le samedi, un grand nombre de membres du congrès se sont rendus à Saint-Nazaire, où M. René Kerviler, ingénieur du port, leur a fait visiter en détail les gigantesques travaux du bassin à flot de Penhouët en construction, les puits de fondation coulés dans la vase jusqu'à quinze et seize mètres de profondeur au dessous du fond du bassin, les nouvelles machines perforatrices pour les trous de mine dans le rocher, les talus stratifiés des alluvions avec les couches alternatives de sable, d'argile et de débris

végétaux, etc., etc. Les excursionnistes ont ensuite visité un paquebot transatlantique, la Ville de Saint-Nazaire, dont M. le capitaine Galland leur a fait les honneurs avec la plus grande courtoisie; puis ils sont partis pour Guérande, où ils ont admiré les antiques fortifications, formant encore une ceinture complète autour de la cité, la vieille nef romane de l'église Saint-Aubin, la chapelle tumulaire du sire de Carné, et, au retour, le magnifique panorama qui s'étend sur les marais salants et la presqu'île du Croisic et du bourg de Batz.

Nous ne devons pas oublier le concours de toutes les écoles primaires de garçons et de filles du département de la Loire-Inférieure: une exposition scolaire du plus haut intérêt avait été réunie dans les bâtiments de l'école normale de Savenay, ancien couvent des Cordeliers, par les soins de M. l'inspecteur d'Académie et de M. le directeur de l'école. M. le vicomte Malher, préfet du département, a bien voulu honorer de sa présence la distribution des prix spéciaux à ce concours et prononcer une allocution qui a été saluée par le plus sympathique succès.

Enfin, nous signalerons la remarquable exposition archéologique et artistique organisée dans les salles de la mairie par MM. Robert Oheix et Duhaume, dont les peines ont été largement récompensées par le spectacle de l'affluence qui s'est donné rendez-vous devant les vitrines, durant tous les jours de la semaine, et par les félicitations que leur ont adressées tous les gens de goût et tous les travailleurs. Les collections dites préhistoriques de MM. Desmars et Kerviler, les tableaux de MM. Bord, de la Rochemacé, Toulmouche et de Montaigu, les livres rares, les meubles précieux et les tapisseries de M. Anthime Menard, les faïences de Quimper, le reliquaire du cœur de la duchesse Anne, les crosses de l'abbé de la Meilleraye, les collections rétrospectives de MM. Perthuis, de Montaigu, du Guiny, Salies, Fourchon, etc., de magnifiques chinoiseries, les publications artistiques de notre ami M. Émile Grimaud, attiraient tout spécialement l'attention; et nous ne saurions trop louer les organisateurs de la méthode heureuse avec laquelle ils avaient disposé tant d'objets si divers.

M. le baron de Lareinty dans son discours de clôture a fort bien indiqué le but et les tendances de l'association : « Oui, messieurs, a t-il dit, nous sommes des hommes de civilisation et de progrès dans l'acception la plus sérieuse et la plus étendue ; la science vraie conduit, élève ou ramène à Dieu, et nous voulons que la foi chrétienne demeure la garantie et la sauvegarde de toutes familles, de toutes sociétés, de toutes nations qui veulent se perpétuer et progresser, et qui doivent inscrire sur leurs drapeau cette devise de nos pères: DIEU ET PATRIE! »

En somme, le congrès de Savenay a été une nouvelle démonstration de ce que peuvent produire, avec des éléments en apparence fort minimes, la

volonté, le dévouement et l'esprit d'association. Tous les confrères présents ont plaint sincèrement les absents: ils les adjurent de ne pas se priver, aux prochaines assises de l'Association bretonne, de l'attrait puissant de ces réunions fraternelles et cordiales.

II. Par décret du président de la République, M. l'abbé Catteau, vicaire général d'Arras, a été nommé évêque de Luçon.

A l'heure même où paraîtra cette livraison, notre nouvel évêque, Mgr Le Coq, fera dans Nantes son entrée solennelle. Nous sommes, à notre grand regret, forcés d'en remettre la relation au mois prochain.

-Nous avons donné, dans notre dernière livraison, un compte rendu de l'importante cérémonie de la consécration de la basilique de Sainte-Anne d'Auray. Le défaut de place nous avait forcé d'ajourner la publication du beau discours prononcé à cette occasion par Mgr l'évêque de Vannes. Nous sommes heureux de pouvoir le reproduire aujourd'hui :

Gaudeamus omnes in Domino diem festum celebrantes sub honore Beate Annæ, de cujus solemnitate gaudent Angeli et collaudant Filium Dei!

(Introit de la messe de la fête de sainte Anne.)

ÉMINENCE, MESSEIGNEURS, MES FRÈRES,

D'où nous vient cette invitation? Oh! qu'elle est bien en harmonie avec les pieuses ardeurs qui transportent nos âmes! Ne nous en étonnons pas. C'est la voix d'une mère. Écoutons-la. Obéissons-lui. Elle ne saurait toutefois condamner votre déception, qui n'égale pas mes regrets.

Un illustre évêque devait occuper cette chaire, où j'apparais, confus de mon insuffisance. Il me tardait, comme à vous, d'entendre une de ces homélies pleines de doctrine et d'à propos, où la foi chrétienne et le bon goût littéraire, trouvent un aliment substantiel et délicat Et nous voici réduits à recommander à sainte Anne la précieuse santé du vénéré pontife. D'autres absences imprévues nous imposent autant de sacrifices. Hélas! il en est une qui demeurera sans retour. Le diocèse de Nantes avait grand besoin d'une consolation. Le ciel vient de la lui accorder. Le digne successeur de Mar Fournier recevra, par l'entremise de notre Patronne, lumières et secours pour la haute mission qu'il est très-capable de remplir.

Cela dit, Mes Frères, oublions aujourd'hui les tristesses et les préoccupations avec lesquelles nous aurons à compter demain Laissez-moi plutôt énumérer les motifs de la joie où l'Église nous convie.

Vous serez largement dédommagés tantôt de la privation que Monseigneur l'Évêque de Poitiers nous cause bien involontairement. Ce ne sera pas la première fois que, du haut de la Scala-Sancia, Monseigneur l'Evêque de Saint-Brieuc charmera, en les édifiant de sa fortifiante parole, les pèlerins de Sainte-Anne.

Eminence, combien je vous suis reconnaissant d'avoir accepté la présidence de cette fête de famille! Elle vous revenait de droit. Nous eussions tous gémi de votre absence. Votre dévotion envers notre Patronne nous était un sûr garant de votre arrivée, qui met le comble à notre commune allégresse.

Messeigneurs, vous emporterez de ce sanctuaire, encore tout parfumé des onctions qu'il a reçues, l'espoir mieux fondé de conduire à bonne fin les entreprises que vous inspireront votre zèle apostolique et votre sollicitude pastorale.

Dans quelques jours, un de mes vénérés Prédécesseurs couronnera, non loin de la cité des Papes, une autre image de notre Patronne. Sa Grandeur eût éprouvé, nous l'espérons, une trop juste satisfaction, en voyant que nous avons compris et exécuté le projet qu'Elle avait conçu. Des années s'écouleront encore avant que l'antique Basilique de SaintMartin ne sorte de ses ruines. Cette œuvre est en bonne voie et en mains sûres. Nous souhaitons au premier Pasteur de l'Archidiocèse de Tours la gloire de faire revivre au tombeau du grand Thaumatuge des Gaules un passé longtemps méconnu. Saluons avec reconnaissance, mes Frères, le pontife assez désintéressé pour ne pas tenir rigueur à la Bretagne d'avoir partagé le manteau de saint Martin!

Nous sera-t-il donné bientôt de voir l'église du Vou national dominer de ses dômes tutélaires la capitale de la France pénitente et revenue de ses égarements? Deux apôtres d'une foi antique, d'une charité incomparable, d'un mérite reconnu, faits pour se comprendre et s'aider dans un ministère écrasant, y mettront tous leurs soins. Le mont des martyrs a été profondément fouillé pour asseoir solidement les larges bases de cet édifice monumental. Puissent son Éminence et Sa Grandeur vivre assez longtemps pour achever ce gigantesque travail! Dieu nous fasse la grâce d'assister aux fêtes grandioses de cette future consécration!

Ce n'est pas, mes Frères, que nous ayons à nous plaindre, en attendant, du sort que le Ciel nous a fait. La solitude elle-même a voulu nous apporter son tribut. Du siége quinze fois séculaire de saint Corentin et de la jeune abbaye de Thymadeuc nous sont venus deux hommes de Dieu, qui ne parviendront pas à voiler de leur habit monacal l'élévation, la science et les vertus qui les distinguent.

Une chrétienté du Nouveau-Monde nous envoie aussi son guide et son père, enfant de la généreuse Bretagne. Avant d'aller évangéliser son troupeau, le pasteur a voulu s'agenouiller aux pieds de sainte Anne. Nos vœux l'accompagneront dans son lointain voyage. Il aimera, comme nous, à se rappeler ce jour de grâces et de bénédictions.

Qu'il est bon, qu'il est agréable de voir tous ces dignes prêtres du clergé séculier et régulier groupés autour d'un éminent Prince de l'Église et de prélats bien aimés! Fils de saint Ignace, de saint François, des Pères de Montfort, Eudes, Libermann, de La Salle, de Lamennais et tant d'autres, je vous salue! Vous êtes pour nous des auxiliaires pleins de vertu, de science et de bonne volonté.

Ne craignez pas que je vous oublie, Messieurs, vous qui servez la France avec honneur et dévouement, au Sénat, dans l'armée de terre et de mer, dans l'administration. Vous prouvez en toute circonstance que l'autorité, dont vous êtes les fidèles dépositaires, mérite le respect, l'estime et la considération qui s'attachent au devoir accompli avec vigilance et fermeté.

Enfin, mes Frères, je vous reconnais à tous des droits incontestables à mes félicitations et à mes remerciements. Chacun de vous a bien voula entendre mon appel. Et nous voici pénétrés des mêmes sentiments, heureux de cette rencontre extraordinaire, prêts à retourner demain, avec plus de courage et d'espoir, aux postes divers que nous occupions hier,

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