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époque accru le nombre des indigents, aggravé l'état des classes laborieuses, et rendu plus difficile encore la solution déjà si délicate du problème de la misère. C'est pour remédier à ces maux qu'on a mis en avant des systèmes nombreux, qui, loin de guérir le mal, ne feraient que l'aggraver.

Le luxe par exemple, et l'augmentation des salaires n'arrivent ni l'un ni l'autre au but qu'ils semblent devoir atteindre. L'organisation du travail, prêchée par M. Louis Blanc, voudrait, pour détruire la pauvreté, bouleverser et réformer la société tout entière. La doctrine funeste, trop connue sous le nom de théorie de Malthus, sous prétexte d'augmenter le bonheur matériel de chacun, n'arrive qu'à faire diminuer la population dans les contrées où elle est pratiquée. Quels terribles ravages n'a-t-elle pas faits dans notre pays, qu'elle a réduit à un état d'infériorité déplorable vis-à-vis des autres grandes nations européennes? Enfin la charité légale, partant de ce principe aux que le pauvre a droit à être secouru, et que l'État a le devoir égal de le secourir, a conduit l'Angleterre à trois conséquences détestables qui en découlent naturellement la taxe des pauvres et le domicile de secours, les workhouses ou maisons de travail, la répression cruelle de la mendicité.

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Nous l'avons déjà dit : l'État n'a comme l'individu que le devoir moral de secourir les pauvres et la vraie solution du problème de la misère peut se ramener à ces trois termes: association, patro nage, charité.

Mais quel est au juste le rôle de l'État dans notre pays? Quels sont ceux du département et de la commune?

Le Gouvernement entretient certains établissements généraux de bienfaisance Quinze-Vingts, Jeunes Aveugles, Sourds-Muets, puis tous les hôpitaux militaires; enfin il donne aux plaideurs pauvres le moyen de soutenir leurs justes réclamations par l'assistance judiciaire.

Les départements sont chargés des aliénés et des enfants assistés. A ce sujet, l'auteur examine la question si intéressante des tours et se prononce pour leur maintien, ou à mieux dire, pour leur rétablissement.

La véritable métropole de l'assistance, c'est la commune, et on dirait mieux comme autrefois la paroisse. C'est elle qui, après la famille, doit secourir les pauvres qu'elle renferme dans son sein.

Toutefois, il ne faut pas l'oublier, les établissements de bienfaisance forment des personnes morales qui ont leur existence propre et indépendante. Ils sont gérés par des commissions administratives, dont font partie de droit le maire et le curé depuis la loi du 21 mai 1873; les autres membres sont nommés par le préfet, sur la proposition de la commission elle-même.

Nous ne pouvons faire ici même un résumé de l'exposé complet des attributions si nombreuses de ces commissions, de l'administration du patrimoine des pauvres, ni des règles de l'admission dans les hospices et hôpitaux. Disons seulement qu'à ce propos l'auteur examine la question de l'assistance dans les campagnes, et qu'il adresse au projet soumis sur ce sujet à la Chambre des députés, des critiques sévères mais justes.

Enfin, nous arrivons à l'organisation et à la mission des Bureaux de bienfaisance, chargés de l'assistance à domicile. Sur le point de savoir si les secours à domicile doivent être préférés aux secours à l'hospice, sujet si souvent discuté, l'auteur s'exprime ainsi :

«Il est incontestable que notre époque a introduit dans l'hôpital » un bien-être que l'homme aisé ne peut pas toujours se procurer » chez lui; et pourtant comment se fait-il que l'ouvrier, que l'in» digent même éprouvent une si grande répugnance à profiter de » ces avantages?

» C'est que le bien-être physique, si précieux pour le malade, » n'est pas le seul dont il éprouve le besoin. C'est que, dans sa » faiblesse et sa souffrance, l'ouvrier tout à l'heure robuste et qui » en pleine santé paraissait insouciant de sa famille, retrouve à » l'heure de l'épreuve les sentiments naturels qui se cachaient sous › une écorce souvent grossière. C'est qu'en ce moment il lui faut » quitter sa femme, ses enfants, pour aller demander à des étran> gers des soins qu'il avait le droit d'attendre de ceux que Dieu. >> avait associés à son sort.

» Soyons-en persuadés, il est vrai pour toutes les classes de la société, ce mot délicat et profond de l'aimable Joubert: « Les >> enfants ne sont bien soignés que par leurs mères et les hommes › que par leurs femmes.

» Ah! ne séparons pas ce que Dieu a uni, ne désorganisons pas » la famille. Cette unité sainte, fondement de la société, est en » butte å mille attaques; dans les grands centres ouvriers elle » n'est plus qu'une association passagère entre gens qui se con> naissent à peine, ou, pour mieux dire, elle n'existe pas; n'aidons > pas dans un but de compassion et de soulagement à cette désor»ganisation qu'amènent les vices des hommes et les mauvaises > conditions du travail. Et quoi donc! la crèche pour l'enfant, » l'atelier pour l'âge mûr, l'hôpital pour le malade, l'hospice pour » le vieillard, est-ce là tout ce que notre société a trouvé de mieux » pour secourir ses membres souffrants; oublie-t-elle donc que >> les malheureux ont aussi une âme pour sentir, et un cœur pour > aimer?

› Tâchons de procurer au malade tous les soins qu'il trouverait » dans ces asiles du malheur, sans le forcer à quitter son foyer, > cette mansarde ou cette cave qui est sombre, humide, mal»saine, mais enfin qui est à lui. C'est là le rôle de l'assistance à do» micile... >

Mais les secours à domicile ont aussi de nombreux inconvénients. « On dit qu'ils sont moins dispendieux, c'est possible; mais que » de pauvres viendront les réclamer sans en avoir un réel besoin! » Il en est qui sont si habiles dans l'art d'intéresser à leurs peines, » de verser une larme à propos ou de pousser un gémissement > bien senti. Il est si facile et si doux de se laisser toucher, surtout > quand il faudrait faire une longue enquête et se livrer à un ⚫ travail pénible pour rechercher la vérité !

» Et puis le pauvre, une fois inscrit sur les registres, y reste indéfi»niment. Cet abus est d'autant plus grave qu'il est général. Il n'y a >> peut-être pas d'exemple d'un individu qui ait été remis à flot, pour » ainsi dire, et qui soit venu se faire rayer des registres. Les admi

› nistrations passent, mais les pauvres restent. Le secours obtenu » est regardé comme une sorte d'augmentation de salaire, il se >> transmet de génération en génération, et grève ainsi le budget > de la bienfaisance de sommes considérables, souvent attribuées » à des gens qui les méritent fort peu.

» En somme, le mieux est de combiner dans une juste mesure » ces deux genres de secours, qui ont tous deux leurs bons et leurs » mauvais côtés. C'est ce que la législation française a tâché de > faire, et ses dispositions sur ce point sont, croyons-nous, raison⚫nables et sages. >>

Telle est l'analyse et telles sont les principales parties de l'ouvrage que nous annonçons. Ce livre important est l'œuvre et la première œuvre d'un tout jeune homme. Si nous ne nous trompons, c'était, dans l'origine, une thèse pour le doctorat en droit. Cette thèse est devenue un livre fort utile. La question de l'assistance publique traitée au point de vue de l'histoire, des erreurs socialistes et de la législation en vigueur chez nous, intéresse tout le monde; mais ces questions, disséminées dans une quantité considérable d'ouvrages plus ou moins spéciaux, avaient besoin d'être condensées et présentées aux honnêtes gens dans une sorte de manuel à la fois théorique et pratique. Le livre de M. Pocquet est très-étudié, et, mérite rare pour un ouvrage de cette nature, il est très-clairement et trèsélégamment écrit. Il y a, d'un bout à l'autre, un souffle chaud et vivifiant, qui est celui de la charité chrétienne, celui de la charité pratique, dont, au fond, l'assistance peut être et doit être l'auxiliaire; mais que l'assistance et la législation ne remplaceront jamais.

Cet ouvrage est plus qu'une promesse, il restera. M. Pocquet est le fils de M. Barthélemy Pocquet, rédacteur du Journal de Rennes, qu'apprécient la plupart de nos lecteurs; ce fils marche dans la voie paternelle, et la Revue de Bretagne et de Vendée envoie au père et au fils ses plus cordiales félicitations. Nous marquerons toujours d'un caillou blanc l'apparition d'un jeune homme qui prend rang dans la troupe dévouée des écrivains bretons; nous avons, plus que jamais, besoin de ces sympathiques recrues.

S. ROPARTZ.

CHRONIQUE

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SOMMAIRE. Le service de Mar Fournier. Nomination de Mer Le Coq à l'évêché de Nantes. Sacre de Mer Laborde.

Une copie du Richelieu de Philippe de Champagne. La statue de M. l'abbé Fresneau par Amédée Menard. M. Albert Bourgault-Ducoudray, membre du jury de l'exposition universelle. Nos lauréats à l'Académie française. Le jour même, 30 juillet, où, dans la cathédrale de Nantes, se célébrait avec une très-grande pompe le service solennel pour Mgr Fournier, et où Mgr Freppel prononçait la belle oraison funèbre qui ouvre cette livraison, le chef de l'Etat signait un décret qui donnait pour successeur à l'illustre défunt Mgr Le Coq, évêque de Luçon.

Nous applaudissons de tout cœur à un aussi heureux choix. « Par son aménité, disait le Publicateur de la Vendée, du 5 août, sa bienveillance pour tous, son zèle pour le bien, son remarquable talent de parole, Mgr Le Coq avait conquis la plus vive et la plus respectueuse affection de ses diocésains. Aussi est-ce sans surprise qu'ils le voient aujourd'hui appelé au poste élevé pour lequel ses qualités éminentes semblaient l'avoir destiné par avance. Mais la Bretagne et la Vendée sont sœurs, et nous nous félicitons de ce qu'en nous quittant, notre digne évêque ne s'éloigne réellement pas de nous. >>

Un autre évêque, un Breton, Mgr Laborde, ne tardera pas à nous quitter: vendredi prochain, 24 août, fête de saint Barthélemi, apôtre, il sera sacré dans l'église Saint-Similien. Le prélat consécrateur sera Mgr Richard, archevêque de Larisse, coadjuteur du cardinal-archevêque de Paris. Mgr Colet, archevêque de Tours, métropolitain, présidera la cérémonie; Mgr Hugonin, évêque de Bayeux, et Mgr Thomas, évêque de la Rochelle, assisteront le prélat consécrateur. Mgr Coullié, coadjuteur de Mgr l'évêque d'Orléans, Mgr de Lespinay, protonotaire apostolique, et le R. P. Eugène, abbé de la Trappe de Meilleraye, seront aussi présents à cette imposante cérémonie.

Le nouvel évêque de Blois a placé dans ses armes les hermines de Bretagne et l'image de la Vierge Mère, Notre-Dame de Miséricorde, avec cette inscription: Sub tuum præsidium, Mater Misericordiæ. Sous votre prosection, Mère de Miséricorde.

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