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II

L'auteur des Légendes militaires a sur ses illustres devanciers cet avantage qu'il porte l'épée, qu'il a vécu de la vie du soldat, partagé ses fatigues et ses dangers, et qu'il connaît le champ de bataille, non pour l'avoir visité le lendemain, comme Stendhal, ou après trente ans comme Balzac, mais pour y avoir versé son sang. On reconnaît sans peine, à chaque page de ses intéressants récits, que son cœur a battu sous l'uniforme, et que tous ces généreux sentiments, toutes ces nobles passions, l'amour du pays, le culte du drapeau, la fraternité du bivouac, l'honneur, le dévouement, le sacrifice, il ne les exprime si bien que parce qu'il les a tout d'abord ressentis et partagés. M. Fiévée, en un mot, est un vrai soldat, comme le fut Alfred de Vigny, l'éloquent auteur de Servitude et Grandeur militaires. La vie militaire ne fait cependant pas le fond des beaux récits du comte Alfred de Vigny, elle leur sert seuleinent de cadre, et c'est pour cela que je ne les ai pas rappelés tout à l'heure à côté des récits de Balzac, de Mérimée et de Stendhal. Il en est autrement des Légendes militaires, que justifient pleinement leur titre. J'ajoute que M. Fiévée, comme M. de Vigny, est un de ces soldats qui vérifient le mot de Cervantes : « Nunca la lanza emboto la pluma jamais la lance n'émoussa la plume. » Son style est vif, clair, alerte; il ne s'attarde pas en chemin et va droit au but; il a cette qualité si française, la netteté, dont Vauvenargues, qui eut l'honneur, lui aussi, de porter l'épée, disait la netteté est le vernis des maîtres. >>

Le premier volume des Légendes militaires nous reporte précisément à cette époque où le marquis de Vauvenargues était capitaine dans le régiment du roi. Auvergne et Piémont se passe au milieu du XVIIIe siècle; le récit qui ouvre le volume, Je suis du régiment de Champagne, se passe au commencement du XVII. Dans ces deux Légendes, M. Fiévée a tenu à honneur de remettre en lumière la vaillance, la belle humeur, l'entrain de ces beaux

régiments de l'ancienne France qui ont fait notre patrie et reculé nos frontières. Il a tenu à rappeler, ce que nous oublions trop facilement, hélas ! qu'avant 1789 nous avions de grands généraux et des soldats héroïques : il a cru, et il a eu raison, il a cru servir son pays en lui rappelant son glorieux passé. M. Fiévée est de ceux qui estiment que le respect de la tradition est une force, en même temps qu'il est un devoir. Aussi le lecteur trouvera-t-il dans ses Légendes tout à la fois profit et agrément. La moralité qui s'en dégage est la même que celle que je trouve dans un conte que M. Fiévée me pardonnera de rappeler ici, puisque aussi bien ce conte, pour vieux qu'il soit, est un chef-d'œuvre. Je veux parler d'Aladin ou la lampe merveilleuse.

Aladin et sa femme, la belle Badroulboudour, étaient parvenus au comble de la félicité; leur palais était magnifique et faisait envie à tous les princes étrangers. Certain magicien africain, ennemi d'Aladin et jaloux de son bonheur, se rend dans la ville où il habitait, achète une douzaine de lampes de cuivre toutes neuves, propres et bien polies, et se met à crier sous les fenêtres du palais : Qui veut changer de vieilles lampes pour des neuves? Aladin, qui était parti pour la chasse, avait laissé sur une corniche la lampe merveilleuse, source de son prestige et de ses succès; vieille lampe, d'ailleurs, pleine de rouille et passée de mode. Et à ce propos, l'auteur fait une réflexion bien sage: « On dira qu'Aladin aurait du enfermer la lampe. Cela est bien vrai, mais on a fait de semblables fautes de tout temps, on en fait encore aujourd'hui et l'on ne cessera d'en faire. Quoi qu'il en soit, une esclave aperçoit la lampe et l'apporte à sa maîtresse, la princesse Badroulboudour, qui l'échange aussitôt contre des lampes neuves, tout heureuse et toute fière de son marché.

Le lendemain matin le palais d'Aladin avait disparu.

Le jour où la France, dédaignant la tradition, parce qu'elle était trop vieille et couverte de poussière, l'a échangée contre une douzaine de révolutions toutes neuves, n'aurait-elle point, par hasard, commis la même faute que la princesse Badroulboudour?

III

Avec le Sergent d'Armagnac, qui remplit presque tout le second volume des Légendes, nous entrons dans la période révolutionnaire. Le récit s'ouvre à Nantes, au mois de septembre 1793, au moment où arrive l'avant-garde de l'armée de Mayence, et il se dénoue dans la même ville, au mois de décembre suivant, à l'époque des noyades de Carrier. Dans ce cadre terrible, M. Fiévée a placé une touchante histoire, à la fois dramatique et simple, telle qu'il en naissait chaque jour à cette époque tragique, qui semble appeler à la fois la plume de l'historien et le pinceau du romancier. Je n'analyserai pas le Sergent d'Armagnac, je dirai seulement que ces guerres de la Vendée, qui auront un jour leur Walter Scott, n'avaient pas inspiré encore un récit aussi émouvant et qui pourtant respecte plus fidèlement les grandes lignes et les petits détails de l'histoire. On voit que l'auteur a étudié les combats de la Vendée, non-seulement dans les livres, mais sur les lieux; je citerai en particulier le récit de la bataille de Torfou, si vivant et si exact, et qui a de plus le mérite de se rattacher étroitement à l'action.

Je ne saurais d'ailleurs mieux témoigner à l'auteur des Légendes mililaires l'estime que j'ai pour son talent et pour son livre qu'en lui signalant les quelques inexactitudes que j'y ai rencontrées et qui sont, comme on va le voir, en bien petit nombre et bien légères.

Au mois de septembre 1793, le général Biron n'avait pas encore porté sa tête sur l'échafaud. Il ne fut guillotiné que le 11 nivôse an II (31 décembre 1793).

Le général Rossignol n'était pas un ancien acteur. C'était un ancien garçon orfèvre.

A l'époque où les Mayençais arrivèrent à Nantes, il n'y avait pas, dans l'Ouest, trois armées républicaines, ayant chacune leur étatmajor particulier, armée des côtes de la Rochelle, armée des côtes de Brest, armée des Sables-d'Olonne. Il n'y en avait que deux l'armée des côtes de Brest, commandée par Canclaux, et

l'armée des côtes de la Rochelle, sous les ordres de Rossignol. L'armée des Sables-d'Olonne n'était qu'une des cinq divisions qui formaient l'armée des côtes de la Rochelle: la division de Saumur, commandée par Santerre ; celle d'Angers, commandée par Duhoux; celle de Niort, commandée par Chalbos; celle de Luçon, commandée par Tunck, et celle des Sables-d'Olonne, commandée par Mieszkouski 1.

Enfin, et pour en terminer avec ces très-petites chicanes, le château de Henri de la Rochejaquelein s'appelait la Durbellière et non la Durballière. Ce ne sont là, je le répète, que des taches légères et qui ne valaient d'être signalées que parce qu'elles se rencontrent dans une œuvre où la conscience est à la hauteur du talent.

Le Ressuscité, qui termine le second volume des Légendes militaires, est un épisode de la guerre d'Espagne et se passe en 1810. C'est, en quelques pages, un tableau dramatique et vivant des pas sions terribles qui étaient en présence et en lutte dans cette funeste guerre. Sans atteindre à l'intensité d'émotion que Balzac a si prodigieusement concentrée dans El Verdugo, M. Fiévée a tracé, dans El Resuscitado, une esquisse énergique et qui fait singulièrement honneur à son talent.

Que M. Fiévée continue donc ses Légendes militaires; encore quelques œuvres comme le Ressuscité et le Sergent d'Armagnac, el il aura ajouté une illustration nouvelle à un nom déjà justement célèbre.

Il est, en effet, si nous ne nous trompons, le fils de J. Fiévée, l'auteur de la Dot de Suzette, un chef-d'œuvre, - de Frédéric, de la Correspondance avec Bonaparte, premier consul et empereur, etc. M. Fiévée a reçu en dot de son père un style alerte et facile et le don si rare de conter et de plaire. Qu'il en reçoive ici nos sincères félicitations : ce n'est point là une dot à dédaigner la Dot de Suzette.

1 Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, II, 132.

EDMOND BIRÉ.

III

BUHEZ MABDEN

I

227. Goude da stat ha pompadou,
Guyscamant ha paramantou,
Ez duy an Anquou ez louen,
Pan troy en haf, da lazaff mic,
Maz duy da neuz da bout euzic
Ha tristidic da bizhuyquen.

228. Pan vezo da quic maru myc yen,
Ne deux car oar an douar certen,
Me dest, nac estren nep heny,
Na tut da ty, na da priet,

Na ve mar dispar ez carset,

En deurffe quet da guelet muy.

229. Yvez dan pret maz decedy,

Guen ez oar da chouc ne douguy
Nemet hep muy un coz lyen,
Pen heny ez vezy griet

Tiz mat, a lum, ha dastumet :

Tra en bet ne vezo quet quen.

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