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VARSOVIE (VUE GÉNÉRALE PRISE DE FAUBOURG DE PRAGA).

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sovie portent leur numéro dans le dos, au-dessous du col. Un fait à noter, c'est qu'ici comme en Angleterre, un cocher pour « bien marquer» doit être gras, aussi les cochers de bonnes maisons se rembourrent par devant et par derrière avec une peau de mouton. Il existe aussi des voitures de place « drojki ». Les unes sont munies de capotes, tandis que les autres sont sans dossiers; aussi l'habitude estelle dans ces dernières, quand on est avec une dame de la prendre par la taille, pour prévenir une chute occasionnée par les soubresauts du véhicule rapidement

entrainé par un petit cheval orné de la << douga sorte de haut collier. De temps à autre on rencontre des troikas, voitures à trois chevaux; celui au centre trottant, tandis que ses acolytes, galopent, ce qui produit un curieux effet. Les villes russes étant généralement fort étendues et les gares se trouvant éloignées du centre, les voitures sont fort nombreuses. Il n'existe d'ordinaire pas de tarif et il faut discuter son prix avec le cocher, ce qui n'est pas sans ennui, surtout pour l'étranger. L'hiver, comme per

sonne n'ignore, les voitures disparaissent pour faire place aux traîneaux. Il ne faut pas perdre de vue à ce sujet que le climat en Russie est extrême, très froid pendant l'hiver long et rigoureux et parfois très chaud pendant l'été relativement court. Les saisons intermédiaires n'existent pour ainsi dire pas.

Malgré la rigueur du climat, l'hiver, on se défend du froid par des vêtements de fourrures et des bottes fourrées ou en feutre (portées surtout par le peuple), et on trouve dans les intérieurs une douce température, grâce aux doubles fenêtres et aux grands poêles. Le paysan par contre souffre dans son isba (cabane en bois), qui ne le défend qu'imparfaitement contre la bise glaciale qui souffle sur la solitude glacée de la steppe.

Chemin faisant on croise dans les rues des soldats plus ou moins propres à la longue capote grise, dont les lourdes bottes font résonner le pavé, des officiers portant le sabre avec baudrier et recouverts de ce grand manteau gris clair, traînant souvent jusqu'à terre. L'ordre est maintenu par des agents de police en tunique sombre avec culotte bleue, le sabre au côté et coiffés de la casquette. C'est du reste une coiffure fort pratique, abritant le visage et la nuque, et légère, surtout celle en toile blanche ou crème qui se porté l'été, et tient lieu de casque dans les pays chauds, comme au Turkestan.

Dans la ville, quelques monuments méritent plus ou moins la visite du touriste. C'est ainsi qu'il suffit de jeter un coup d'oeil sur les façades de l'Arsenal, de la Monnaie, de l'Hôtel de Ville avec son campanile et du grand Théâtre situé sur la même place. Par-ci par-là quelques places irrégulières de forme, des squares, que l'on affuble parfois du nom de parc, généralement assez mal entretenues. Au centre de la ville se dresse la façade du palais de Saxe avec sa colonnade, occupé par des administrations, précédé d'une grande place décorée d'un monument commémoratif en marbre noir, en forme d'obélisque. Derrière le château s'étend un jardin public de plusieurs hectares, lieu fréquenté, surtout aux heures de promenadc et de concert, avec un théâtre en bois pour la belle saison, et quelques cafés.

Parmi les églises (elles sont assez nombreuses, la majeure partie de la population étant catholique), la cathédrale St Jean, du XIIIe siècle, renferme quelques beaux tombeaux de héros polonais, un portrait en mosaïque de Poniatowsky, évêque, des stalles en bois sculpté rehaussé de dorures et une chaire à prêcher en pierre, d'un

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beau travail. Une église russe dresse dans le ciel ses cinq coupoles d'or; elle nous donne un avant-goût de ces pittoresques merveilles de l'art religieux grec.

Varsovie renferme nombre de vieux palais, dont les plus connus sont les palais Zamoyski et Krasinski, ce dernier abritant aujourd'hui le Sénat polonais.

En cours de promenade nous traversons une rue pavée en bois, qui contraste par son modernisme avec les ruelles infectes du quartier juif où grouille une population sordide.

Ce quartier si animé d'ordinaire devient morne et désert le jour du sabbat, (samedi). Toutes les boutiques sont fermées, avec leurs enseignes en caractères hébreux, pour un certain nombre, et dans les rues aux ruisseaux blanchis par la chaux pour les désinfecter, quelques rares juifs. Une grande synagogue donne idée de la place qu'ils tiennent dans la ville et de la fortune qu'ils accaparent. Elle présente l'aspect d'une basilique avec ses colonnes et ses bas-côtés avec tribunes. Au fond le Tabernacle fermé par des portes en cèdre du Liban renferme les Table's de la Loi (Pentateuque). Un volumineux livre de prières en hébreu sur parchemin est installé sur un curieux pupitre à ressorts.

Une visite au quartier neuf et fréquenté par la haute société de la ville est indispensable pour laisser une meilleure impression au volage touriste.

Longeant vers le sud la grande rue principale, qui oblique au nord pour descendre au pont Alexandre, on rencontre d'abord la place et l'église St-Alexandre-Neyski avec ses dôme et clochers, d'où part l'allée d'Ujazdow, belle avenue de tilleuls, avec voies à voitures et à cavaliers, sur laquelle s'élèvent de grandes constructions en briques à façades plâtrées; c'est du reste le mode de bâtir usité en Russie.

Des cafés avec de larges terrasses et des lieux de divertissements appellent le public les jours de fète.

Sur le côté s'étendent des jardins, comme le Jardin botanique, à la suite duquel est l'Observatoire; mais avant on laisse à gauche une église neuve aux dômes verts, tandis qu'à droite un camp dresse ses tentes blanches dans la verdure.

A l'extrémité de l'avenue s'élèvent les châteaux Belvédère et Lazienki, au milieu de beaux parcs accidentés, descendant vers la rivière. Le premier est une construction banale, mais le second offre quelque intérêt. Construit par Poniatowski, il a été parfois choisi par l'Empereur comme lieu de séjour. On y voit quelques jolis meubles, des tableaux, portraits et panneaux allégoriques, des statuettes et des bustes en marbre de l'École française, entre autres de Houdon, des statues comme dans la Salle ronde des rois de Pologne, une salle de bains décorée de hauts-reliefs, sujets de baignades et une grande salle aux armes des rois de Pologne. Ce château assez coquet extérieurement est à cheval sur une longue pièce d'eau, avec de jolies échappées sur le parc. Une curiosité fort originale, c'est le théâtre antique à gradins, séparé par l'eau, de l'orchestre et de la scène. à décor grec, situé dans une île. On y donne encore des représentations dans certaines circonstances. A l'extremité de la pièce d'eau, des sujets encadrent une statue équestre de Sobiesky.

La triste rencontre d'un enterrement, où le corbillard est remplacé par un cercueil pompeux porté sur un camion, donne une idée de certains usages locaux. Une distance de 1.115 verstes sépare Varsovie de St-Pétersbourg, et il ne faut pas moins de vingt-trois heures pour la franchir par les moyens les plus rapides. Si le trajet est long, la voie heureusement est bonne et les wagons spacieux. De plus le paysage, comme celui de toute la Russie du reste, est monotone, la région peu accidentée et boisée. On franchit plusieurs affluents de la Vistule. Grodno peut scul être cité comme station importante. Le long de la route on croise quelque rare train remorqué par une de ces locomotives, au gros tuyau évasé, rappelant les formes américaines, et munie de grosses lanternes. Elles sont chauffées au bois,

qui est si abondant et dont on voit des piles énormes le long de la voie. Dans le sud de l'Empire, les machines sont chauffées avec les résidus de pétrole.

Au matin, on aperçoit une grande ville de plus de 100,000 âmes, Vilna, ancienne capitale de la Lithuanie.

La contrée est légèrement mamelonnée et semée de bois de bouleaux et de sapins et souvent coupée de marais et de terrains tourbeux. Par-ci par-là quelque rare village montre ses pauvres maisons en bois; aux alentours des troupeaux errent en quête de nourriture.

Après Dunabourg sur la Duna, un buffet à Pskow nous permet de nous sustenter à la vapeur, vu la petite douzaine de minutes que le chemin de fer veut bien accorder aux voyageurs. La route se poursuit sans travaux d'art, à part quelques petites tranchées et quelques ponts en fer. Vers Zuga, les bois de maigres bouleaux se succèdent, mais on approche de la grande ville, créée par Pierre-le-Grand, et bientôt les toits rouges et verts de Gatchina se distinguent dans la verdure, encore peu avancée. C'était là le séjour favori d'Alexandre III. Le château comportant de nombreuses pièces, mais simple d'aspect, est un édifice sans intérêt au milieu d'un beau parc; malheureusement il était impossible de le visiter. Des villas et chalets indiquent le voisinage de la royale demeure.

Un peu de patience encore, ce n'est pas que nos compagnons de route en aient manqué, mais il en faut dans ces longs et fastidieux trajets, et voici les faubourgs de la grande capitale slave. Ce sont des usines aux longs bâtiments et aux hautes cheminées vomissant la fumée, de vastes constructions, des habitations modestes sur des rues encore peu bâties, tout en un mot qui dénote l'arrivée dans une de ces grandes agglomérations humaines.

Passant entre de longues files de wagons, le train va s'arrêter sous le hall d'une gare relativement peu importante, située loin du centre de la ville. Arrachés aux mains des commissionnaires, nous nous précipitons dans des voitures qui nous emportent rapidement à l'hôtel.

SAINT-PÉTERSBOURG.

La résidence de la Cour et la première ville de l'immense Empire, qui s'étend jusqu'à la mer de Behring et s'appuie au sud au grand plateau du centre de l'Asie, est une des belles et grandes capitales de l'Europe. Elle compte plus d'un million d'ames et s'étend large et spacieuse en partie sur des îles de la Neva et surtout sur la rive gauche du vaste fleuve qui l'enlace en une sorte de boucle. Sans entrer dans des détails, il est bon de rappeler l'importance commerciale et politique de Pétersbourg. La ville mesure environ dix à douze kilomètres carrés; elle n'est située qu'à une dizaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui s'explique par la proximité de cette dernière. Elle est donc un port important, militaire et commercial, et les navires remontent jusqu'au premier pont de bateaux; la Néva, en effet, qui mesure de 250 à 600 mètres de largeur sur une profondeur variant entre 3 et 16 mètres, est franchie par deux ponts fixes (Nicolas et Alexandre) et par plusieurs ponts de bateaux que l'on disloque pendant la débâcle des glaces. De nombreux ponts franchissent également les bras du fleuve dans l'intérieur de la ville.

Comme division administrative, la ville comporte 13 quartiers et 38 arrondissements de police. A ce sujet, il ne faut pas oublier que la première formalité à accomplir, c'est le dépôt de son passeport qui doit être visé et sur lequel on appose un timbre de prix variable, suivant les villes; les Russes eux-mêmes y sont soumis pour circuler dans l'Empire tout comme en Turquie. Le droit de séjour s'élève

même pour les négociants à plusieurs roubles. Enfin, les étrangers eux-mêmes sont tenus de faire viser leur passeport pour la sortie de Russie et de subir ainsi un contrôle qui n'est pas sans froisser les sentiments, surtout de ceux qui appartiennent au pays des libertés par excellence.

Au premier aspect de la ville, on est frappé de la largeur des voies, garnies généralement de faux trottoirs élevés. Elles sont parfois longues, comme la Prospect Nevski qui s'étend sur plus d'une lieue, avec une largeur de quarante mètres. Pavées de gros cailloux, certaines sont munies de sortes de chemins en bois ou asphalte, où l'on évite les cahots. Parmi les places publiques nombreuses, certaines sont fort spacieuses. Enfin quelques squares et parcs que nous visitons en parcourant la ville, lui donnent quelques notes de verdure qui manquent totalement sur ses voies sans arbres. C'est à la présence de ces derniers qu'est dû en grande partie le charme incontesté de nos boulevards parisiens.

Les maisons de dimensions variées sont souvent peintes en couleur d'un plus ou moins heureux effet. Les palais eux-mêmes sont ainsi badigeonnés. Dans les constructions modernes, certaines rappellent presque les énormes blocs américains par leurs proportions.

Les églises, on en compte trois ou quatre cents, rompent les alignements des rues et attirent le regard par la variété de leurs dômes, flèches ou clochers. Les boutiques sont souvent en contre-bas ou au ras du sol et l'obligation de descendre quelques marches est une défectueuse installation. Sur un certain nombre, des inscriptions sont en français et dans quelques-unes on se fait comprendre dans notre langue, soit que les négociants soient des compatriotes, soit qu'ils soient étrangers installés en Russie, soit encore qu'ils soient Russes.

Un usage qui s'explique peu, c'est celui de recueillir dans des baquets l'eau des toits. Par endroits sont placés de petits tonneaux verts munis de gobelets remplaçant nos fontaines Wallace. Mais si l'on a pensé à secourir ceux qui ont soif, on semble avoir oublié que notre pauvre nature humaine a diverses fonctions animales à remplir! Il en est ainsi du reste de toute la Russie et même de divers autres pays européens......... Faites excuse.....

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De nombreux omnibus et tramways avec impériales sillonnent la ville en tous sens, mais ce qui frappe c'est la quantité de voitures de place (drojki) qui circulent. On en compte en effet environ 25,000 à Pétersbourg. Le cocher russe ou izvostchik, dont il a déjà été parlé, est coiffe de ce petit chapeau à bords relevés que l'on connaît et de deux vêtements longs superposés. la touloupe et l'armiac ou pardessus. Il a la taille prise dans une ceinture généralement en étoffe brodée à fleurs de couleurs. La police des rues est faite par des agents proprement tenus et complaisants. Comme dans certaines autres grandes villes européennes, il existe une police à cheval dont le besoin se fait parfois sentir là où il y a une grande circulation de voitures.

Ce qui donne une note particulière à la ville, c'est la décoration spéciale et le pavoisement auquel beaucoup d'habitants et de boutiquiers surtout. prennent part à l'occasion des fêtes du couronnement.

L'électricité a fait son apparition il y a déjà plusieurs années, et certaines rues sont éclairées ainsi que les monuments publics et beaucoup de clubs, maisons particulières et magasins. L'installation du gaz est bien comprise.

Avant de parcourir la ville, il est bon de rappeler qu'au point de vue du climat, l'hiver est long et rigoureux et que l'on constate des températures très basses, tandis que l'été venant parfois brusquement est quelquefois très chaud; on a constaté des températures de + 35o.

Par sa situation en latitude élevée, le phénomène des longs jours d'été presque

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