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sur ma jambe senestre près la cheville du pied, sans toutes fois en avoir laissé de poursuivre mon chemin. Comme aussi au delà de Milan, au bourg de Pipigeton, passant vers Rome, tombay d'une chambre, de plus de dix pieds de haut, dont j'eus quelques playes sanglantes en la teste, et le costé foulé, dont je m'en reguaris par la grâce de Dieu et de sa benoiste mère, et sans en avoir aussi laissé de marcher avec mes compagnons. Chose non moins prodigieuse que miraculeuse advenue (sans doute) par le secours et ayde que j'avais journellement réclamé en mes prières, vers ladite Dame, et Madame Saincte Anne. »

Pierre Le Monnier resta deux jours à Notre-Dame-de-Liesse « pour faire ses dévotions, ouïr la messe, se reposer et copier la Ballade oraison escrite au costé dextre d'un autel. »

La « Ballade à Nostre Dame de Liesse» termine le récit.

Ce livre est très curieux et peut être très utile. C'est le voyage d'un archéologue et surtout d'un épigraphiste du XVIIe siècle. Le Monnier donne, sur un certain nombre d'œuvres d'art en partie disparues, des renseignements précieux. Il a copié avec soin toutes les inscriptions qui lui ont paru intéressantes et qu'il a trouvées en France, en Italie, en Allemagne, sur les tableaux, statues et monuments; peu de livres de l'époque pourraient les fournir.

Il est à regretter, dit J. Houdoy, pour les curieux, que le livre de Le Monnier soit devenu si rare, et il serait très intéressant de le voir rééditer avec des notes sur les objets d'art qu'il a mentionnés (1). »

Nous avons écrit cette notice sans autre prétention que de rappeler un voyageur dont l'existence n'était connue que des collectionneurs d'impressions lilloises et de quelques archéologues érudits qui ont trouvé dans ce modeste volume des renseignements sur des monuments disparus ou oubliés.

(1) J. HOUDOY. Les Imprimeurs lillois, p. 205.

LES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LILLE

EN 1895.

Visite à l'Institut Pasteur de Lille (1).

12, 14 et 16 Novembre 1895.

On se rappelle le grand élan d'enthousiasme qui s'empara de toute la France, lors de la découverte du sérum antidiphtérique par M. le Docteur Roux: des souscriptions s'ouvrirent partout, et notre région, si généreuse quand il s'agit de bonnes œuvres, put réunir en quelques mois la jolie somme de 250,000 francs.

En janvier dernier fut créé à Lille un Institut dont M. PASTEUR, le grand savant qui vient de s'éteindre au milieu des regrets universels, accepta le patronage. L'Institut Pasteur, auquel la municipalité de Lille et le comité de souscription s'adressèrent pour demander que l'un des élèves du maître fut désigné pour diriger le nouveau laboratoire, proposa M. le Docteur CALMETTE qui, sur la demande de notre Président, a bien voulu faire les honneurs de son établissement à notre Société, les 12, 14 et 16 novembre.

L'Institut Pasteur de Lille n'a pas été créé uniquement dans le but de produire et répandre à profusion le sérum antidiphtérique; selon les idées de son directeur, il a deux grandes missions à remplir:

L'une humanitaire : Distribuer largement à tous les grands remèdes contre les maladies microbiennes, les sérums antidiphtérique, antistreptococcique, antitétanique, le vaccin jennérien. Traiter la rage après morsure. Aider les médecins par des diagnostics bactériologiques précis. Rechercher, soit dans les eaux, soit dans les poussières de l'air, les microbes des maladies infectieuses et prévenir ainsi les épidémies.

L'autre économique: On sait combien sont nombreuses dans notre région les industries dans lesquelles les fermentations jouent un rôle considérable, la fabrication de la bière, des alcools, du vinaigre, de la céruse, du sucre, le tannage des peaux, etc. L'application des méthodes pastoriennes a déjà rendu bien des services,

(1) Sur la demande de M. Fernaux-Defrance, M. le D' Calmette avait consenti à faire visiter son laboratoire de l'Institut Pasteur à une trentaine de Membres de notre Société.

Mais le nombre des inscriptions pour cette visite ayant bientôt dépassé 100, M. le D' Calmette, pour donner satisfaction à tous et aussi afin que chacun pût bien entendre ses explications et voir convenablement ses divers appareils, voulut bien, avec sa grande amabilité, recevoir tous nos collegues inscrits, en trois fois, les 12, 14 et 16 Novembre.

mais il reste beaucoup à faire pour perfectionner et généraliser ces méthodes et obtenir ainsi, soit un meilleur rendement, soit un travail plus parfait. Les agriculteurs ont déjà reconnu les bienfaits des vaccinations contre la fièvre charbonneuse des bêtes à cornes et contre le rouget des porcs. De plus, ils peuvent, par l'emploi de la tuberculine, déceler ceux de leurs animaux atteints de tuberculose latente, et par l'emploi de la malléine les chevaux morveux, afin d'isoler ces animaux et d'éviter la contagion dans leurs étables. L'Institut Pasteur de Lille procure aux vétérinaires tous ces vaccins. M. DANYSZ vient d'appliquer en grand le moyen de détruire par une maladie infectieuse inoffensive pour l'homme et les animaux domestiques, les rongeurs qui causent tant de ravages sur les récoltes. L'Institut fournit ces virus à toute demande.

Voici pour le présent. Mais le rôle des infiniment petits est si vaste que l'Institut, lorsqu'il sera installé dans son local définitif, ouvrira ses portes aux travailleurs qui voudront bien collaborer à ses recherches. Les travaux qui en sortiront alors récompenseront la municipalité lilloise de son initiative et des sacrifices qu'elle s'est imposés, et les souscripteurs si nombreux se féliciteront d'avoir aidé à une pareille tâche.

L'Institut occupe provisoirement au 1er étage de la Halle aux Sucres l'ancien laboratoire de M. BERTRAND, professeur de botanique à la Faculté des Sciences. Il se compose de deux parties: l'une, comprend les laboratoires du directeur et des préparateurs; l'autre, la verrerie, les grands appareils et la salle des animaux inoculés.

Après avoir traversé l'antichambre on se trouve dans la salle des microscopes. C'est là que se font les diagnostics des maladies: diphtérie par les fausses membranes, tuberculose par les crachats, charbon dans le sang des animaux, bacille typhique dans les eaux, etc. C'est là aussi que se font les examens de levures et de ferments industriels, et la recherche des ferments de maladies. Sur le côté un autoclave, appareil servant à stériliser. C'est une petite marmite à vapeur dans laquelle on place les objets que l'on veut rendre purs de tout microbe. Ceci est la base des remarquables travaux qui amenerent M. PASTEUR à détruire la théorie de la genération spontanée. Ce grand savant a montré que tous les liquides, même les plus altérables, tels que le lait, l'urine, le bouillon, etc., portés à une température de 112° pouvaient se conserver indéfiniment, pourvu qu'ils fussent dans une atmosphère d'air pur (1); et que toutes les fermentations étaient dues à l'introduction de microbes amenés par l'air. Aussi, voici des ballons simplement bouchés d'un tampon de coton, ils contiennent du bouillon qui a été fait il y a un mois, il est resté très clair et nous pourrions ainsi le conserver des années sans qu'aucune altération se produise.

Nous passons dans la salle suivante, cabinet de M. le D' CALMETTE et salle de collections.

Voici notre provision de sérum antidiphtérique. Quelques mots sur sa préparation intéresseront certainement. Le bacille de la diphtérie n'est pas, comme certains autres microbes, toxique par lui-même; il est toxique par le poison qu'il secrete, poison qui, répandu dans l'organisme, causait trop souvent la mort avant la découverte de M. Roux. Si on cultive ce bacille dans un bouillon nutritif, on obtient

(1) On obtient facilement cet air pur en bouchant les récipients avec du coton. L'air se débarrasse ainsi, avant de pénétrer dans le flacon, de toutes les poussières et germes organisés qu'il charrie sans

cesse.

après filtration une substance très dangereuse appelée toxine diphterique. Cette toxine injectée même à la dose de 1/10 de centimètre cube, tue le cobaye en 30 heures. Cette dose, qui tue sûrement le cobaye, n'amène qu'une légère fièvre chez le cheval; et, si on injecte à ce même cheval des doses espacées et toujours croissantes de toxine, on arrive au bout de trois mois à lui faire supporter des quantités énormes, 250 et 300 centimètres cubes. Ce cheval est alors immunisé et son sérum (partie liquide du sang débarrassée du caillot) a la propriété curieuse de détruire l'effet de la toxine. Ainsi, si on injecte à deux cobayes 1/10 de centimètre cube de toxine, puis à l'un seulement, soit avant, soit après, la 500,000ème partie de son poids en sérum, le cobaye traité par le sérum résiste, l'autre meurt en 30 heures. Le sérum, qui est curatif comme on le voit et dont tout le monde connaît les bons effets, n'est nullement nuisible comme certains l'ont dit, et peut ètre impunément injecté, même préventivement, aux enfants.

Le sérum est distribué gratuitement directement aux médecins pour Lille, et à toutes les communes des départements du Nord et du Pas-de-Calais sur la demande des maires. Chaque flacon est muni d'une instruction rappelant aux médecins les conditions de son emploi. L'Institut met aussi à la disposition des médecins, des boîtes contenant des tubes de sérum de bœuf (ce sérum est coagulé par une température de 65o). Un peu de mucus de la gorge de l'enfant atteint d'angine douteuse est porté sur le sérum coagulé, et, après un séjour de 12 à 18 heures à 38°, s'il y a de la diphtérie, les bacilles ont pullulé de telle sorte qu'il est facile de les déceler par l'examen microscopique, même s'ils étaient peu nombreux dans la gorge de l'enfant. Le médecin sait alors s'il a affaire ou non à la diphtérie et peut pratiquer, tout au début de la maladie, l'injection s'il y a lieu.

A côté se trouve la collection de venins de quelques serpents de toutes les parties du monde. Ceci est le domaine particulier de M. CALMETTE, qui a fait autrefois, à l'Institut Pasteur de Paris et à Saïgon, un important travail sur cette question. Après avoir étudié les substances capables de neutraliser l'action de ces redoutables poisons, M. CALMETTE est parvenu, en appliquant les méthodes d'immunisation par injection de doses croissantes de venin, à obtenir un sérum capable de détruire l'action de ces venins. Ce sérum injecté peu de temps après la morsure du serpent sauve sûrement la personne mordue. L'Institut en envoie partout où ces redoutables reptiles font de si nombreuses victimes, comme dans l'Inde, où il meurt de ce fait plus de 22,000 personnes par an, d'après les statistiques officielles anglaises.

A côté sont les bouillons les plus variés, bouillon simple, glycérinė, gélatinė, phéniqué, lactosé, etc., qui servent à cultiver toutes variétés de microbes.

Voici maintenant la collection de levures pures. Chaque espèce est conservée dans de petits ballons de verre couverts d'un bouchon creux formé simplement d'un tampon de coton. La levure reste dans la bière qu'elle a produite; mais cette conservation n'étant pas de longue durée, on est obligé de temps en temps de porter une parcelle de levure dans un ballon identique contenant du moùt de bière stérile qui fermentera. Ceci du reste s'applique à tous les microbes, et c'est une grande préoccupation d'entretenir la vitalité chez tous. Nous voyons ensuite les moùts les plus variés servant à cultiver les levures et les ferments, le tout stérile et bouché simplement par du coton, comme nous le disions plus haut.

Puis les instruments de physique, les produits chimiques, de la verrerie, la bibliothèque, et nous voici dans la troisième salle. Cette salle sert aux manipulations chimiques, contrôle et étude des fermentations.

Nous arrivons dans la salle des ensemencements et des autopsies. Voici les moelles qui servent au traitement de la rage. Notre excellent collègue M. le doc

teur DELÉARDE, que M. Calmette a chargé de ce service, a déjà traité à ce jour près de 100 personnes mordues depuis le 10 février. Le traitement dure de 18 à 22 jours, suivant le siège de la morsure. Il consiste à injecter sous la peau, au niveau de l'ombilic, une émulsion de moelle de lapin mort de rage, et dont la virulence a été modifiée par un procédé spécial. On sait que le virus rabique se localise dans la moelle et dans le cerveau. Si on inocule à un lapin un fragment de cerveau d'un chien mort de rage, ce lapin meurt de cette maladie suivant un temps qui peut varier de trois semaines à trois mois. Si, avec le cerveau de ce lapin on communique la rage à un autre lapin, et ainsi de suite, on arrive à avoir une maladie de plus en plus virulente, si virulente mème que le lapin est pris de rage le neuvième jour et meurt du onzième au douzième. A ces lapins morts de rage fire comme on l'appelle, on enlève la moelle épinière qu'on suspend dans un flacon sec contenant de la potasse pour absorber l'humidité. La moelle se dessèche graduellement et en mème temps perd peu à peu sa virulence; si bien qu'après 14 jours, elle peut être inoculée sans amener de maladie. Elle a de plus la propriété de permettre l'inoculation d'une moelle plus virulente. Ainsi, pour le traitement d'une personne mordue, on inocule une moelle de 14 jours, le premier jour, puis le deuxième une moelle de 13, et ainsi de suite on arrive à inoculer sans danger une moelle de 3 jours qui, si on n'avait pas subi l'action des moelles précédentes, donnerait la rage en 9 jours. On rend ainsi l'organisme apte à supporter l'action du virus inoculé accidentellement par le chien mordeur, virus qui, comme nous le disions, a une action beaucoup plus lente que celle du virus de traitement. Les moelles sont gardées à leur degré d'atténuation dans la glycérine pure stérile, et nous permettent de pouvoir traiter un grand nombre de mordus à la fois.

A côté sont conservés sur les milieux de culture appropriés tous les microbes connus le bacille de la tuberculose, le streptocoque de l'érésypèle, les bacilles de la diphtérie, du charbon, de la fièvre typhoïde, les microbes de la peste humaine, de la peste bovine, du choléra, du choléra des poules, et bien d'autres encore dangereux et inoffensifs. Dans l'autre coin, se trouve l'armoire aux instruments de chirurgie: ils servent aux autopsies des animaux utilisés pour les expériences. Nous entrons dans la chambre des étuves. Ce sont de grandes armoires maintenues par le gaz à une température constante. Une de celles-ci sert pour la culture des levures et des fermonts industriels; la voisine renferme les tubes de culture pour le diagnostic de la diphtérie et d'autres tubes et ballons ensemencés de microbes divers. A côté est l'étuve dans laquelle se font les cultures pour la production de la toxine diphtérique. Un appareil à photographies microscopiques occupe le fond de la salle. Mais fermons les portes et, l'écran baissé, M. CALMETTE nous montre considérablement agrandis, comme on pense, les principaux microbes; le charbon, la tuberculose, la morve, le streptocoque, le staphylocoque, le tétanos, les levures, l'actinomyces, les ferments, enfin la vue du futur Institut d'après le plan dressé par M. MONGY. L'Institut, dont les travaux sont entrepris depuis quelque temps, s'élèvera Boulevard Louis XIV, en face de la Gendarmerie.

Traversons maintenant la passerelle et remarquons sur le palier les cages contenant les lapins, témoins de la rage. Il est demandé à chaque personne mordue, d'apporter la tête du chien mordeur dont la rage a été constatée par un vétérinaire ou un médecin. Un fragment du cerveau est inoculé à un lapin; si ce dernier meurt de rage, c'est une preuve de la maladie du chien mordeur. Mais, comme la durée d'incubation de la rage est très variable, nous l'avons déjà dit, les personnes mordues doivent se faire traiter au plus tôt sans attendre le résultat de l'inoculation au lapin.

Voici la verrerie, tubes, verres, ballons, récipients de toutes formes et de toutes

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