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l'année entière est de 17° environ. La vigueur du citronnier, dit le docteur Constantin James, est le meilleur criterium de la température d'un pays. Aussi la principale industrie des habitants de Menton consiste dans la culture des citronniers (40 millions de citrons par an), et des oliviers. On sait que l'olivier mentonais est le roi de toute la zone méditéranéenne.

Tout le monde connaît cette légende qui explique les avantages dont jouit Menton:

« Lorsque Adam et Eve furent chassés du paradis, ils perdirent complètement la > tête, et honteux de leur faute ils s'éloignèrent sans songer à rien emporter de > toutes les merveilles dont ils allaient être privés pour toujours.

» Eve, moins repentante qu'Adam, jetait de côté et d'autre, en se sauvant, un » regard d'envie. Quand elle arriva près de la porte de sortie, elle cueillit un citron. » Si l'on doit ajouter foi à la légende, elle le cacha dans son tablier! Dès qu'elle >> eut franchi le seuil du paradis, elle s'écria: « Ce fruit, je le donnerai au plus beau pays que je verrai sur la terre ». Après avoir erré longtemps, Adam et Eve > arrivèrent à Menton. A la vue de cette contrée fortunée, Eve lança sur une » terrasse voisine le fruit divin. « Va, dit-elle, prospère et multiplie, fais un paradis » de ce pays ».

Une tradition toute moderne témoigne aussi de la fertilité de ce sol privilégié : « Un étranger rend visite à un Mentonais. Avant d'entrer, il pique sa canne dans › la terre. En sortant, il l'oublie. Quelques jours après il vient la rechercher. » Grande est sa stupéfaction! Sa canne était déjà un petit arbre couvert de jeunes > rameaux et de feuilles ! »

Pendant le déjeuner un voyageur propose d'aller jusqu'à Vintimille et de fouler ainsi le sol italien. Nous acceptons. Le chemin de fer franchit le torrent de St-Louis, limite de la France et de l'italie. Notre temps bien court en Italie se passe, non à visiter la ville, mais à donner des nouvelles aux parents et amis. Nous nous sommes attablés à la terrasse d'un café et de l'Italie nous avons écrit aux chers absents. Une compagnie de bersaglieri passe devant le café, musique en tête et marchant d'un pas allégre.

Nous quittons Vintimille à 2 h. 55′ et nous descendons à Monaco à 3 h. 30′. L'objectif de l'arrêt dans la capitale de la principauté est la visite du palais. Aussi, nous nous empressons de nous y rendre. Notre directeur s'adresse au suisse, homme de forte carrure et revêtu d'un riche uniforme, pour visiter le chateau: Impossible, répond le suisse, Leurs Altesses sont au palais et personne ne peut y pénétrer ». M. Jusniaux insiste et le prie de présenter au prince la carte de la Société de Géographie de Lille. Par une faveur exeptionnelle on nous permet d'entrer. Le suisse change d'uniforme, revêt un costume ressemblant à celui d'académicien et nous guide à travers les appartements. A retenir le grand salon de réception, dit salle Grimaldi, le salon d'York, la chambre d'York. Nous parcourons rapidement les splendides jardins et nous faisons remettre au prince une lettre de remerciement.

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A la sortie du palais nous avons la chance de voir la princesse qui rentre de sa promenade en landau. Les soldats présentent les armes. Le clairon sonne. Tout notre groupe salue et Son Altesse répond par un aimable sourire. Le prince régnant, Albert Ier a épousé en 1889 la veuve du duc de Richelieu, fille de Michel Heine, un des rois de la finance et un des apôtres de la charité; son nom se trouve mêlé à toutes les oeuvres de bienfaisance. Le mariage religieux a eu lieu à Paris dans la salle du Trône de la Nonciature. Ajoutons aussi que le prince de Monaco est un érudit, un océanographe distingué et qu'il a pour secrétaire le baron

de Guerne, membre de notre Société, bien connu à Lille, où il fit plusieurs conférences.

De Monaco à Montecarlo il n'y a qu'un pas, mais on y monte par une pente assez forte d'où l'on jouit d'une vue admirable. Une promenade à travers les jardins nous sert d'apéritif avant le dîner. A table la phrase suivante court les plats: «< Combien risquez-vous au casino ». Il est de fait qu'être à Montecarlo et ne pas jouer, c'est presque une antithèse. Nous gravissons donc les escaliers du magnifique casino où les marbres, la mosaïque et les fresques se rencontrent à profusion. Nous pénétrons avec une carte d'admission dans les salles de jeux et nous sommes attirés immédiatement vers les tables de roulettes et de trente-etquarante. Que dire de cette danse effrénée et fièvreuse de l'or? Je ne puis raconter ici les impressions que tout étranger doit ressentir quand il s'engouffre pour la première fois dans ces salles, témoin de tant de débâcles et de ruines. A mes oreilles tintent encore ces phrases fatales débitées du même ton imperturbable par les croupiers : « Messieurs, faites vos jeux. Le jeu est fait. Rien ne va plus ». Et cela de midi à minuit. Je vois encore la mine renfrognée et crispée des décavés.... Nous sortons du casino à 10 h. 15′! Rendez-vous à la gare de Montecarlo à 10 h. 40'! Nous arrivons à Nice à 11 heures en supputant nos gains et pertes.

Vendredi 21. A 8 heures du matin, départ définitif de Nice pour Cannes. Nous débarquons dans la « ville des villas » à 10 heures, par une pluie froide et un vent qui souffle en rafales. Nous ne voyons pas Cannes sous son joli aspect, et son climat, ce jour là, n'est pas bien doux. C'est sous un parapluie, dont la compagnie nous est bien monotone, que nous parcourons le pays. Nous arpentons le boulevard de la Croisette, qui rappelle un peu la promenade des Anglais à Nice. En face de nous sont les îles de Lérins, l'île Ste-Marguerite où furent enfermés le légendaire Masque de fer et le maréchal Bazaine, l'île St-Honorat où l'on visite l'ancien monastère de Lérins. Dans nos pérégrinations, nous voyons un hôpital maritime que J. Dollfus a généreusement fondé pour les enfants scrofulenx du Nord.

Cannes offre aux baigneurs une plage doucement inclinée vers la mer. Cette plage, où la colonie anglaise est très nombreuse, est formée de sable de nature porphyrique.

Nous quittons cette ville où de tous côtés sur la teinte sombre des palmiers et des eucalyptus blanchissent de jolies villas. Nous prenons le train à 11h. 30′, pour descendre à St-Raphaël à 12 h. 30′.

Toujours de la pluie et du vent. Rien de mieux à faire que de nous réfugier dans un café en face de la mer.

St-Raphaël, autrefois bourgade de pêcheurs et découvert par l'auteur des « Guèpes », est surtout fréquenté par les artistes et les gens de lettres. Ce qui constitue la caractéristique de cette station, dit le docteur Serrand, c'est sa situation au milieu d'une région forestière d'arbres à essence résineuse et aromatique, d'une superficie d'environ six mille hectares.

Un peu désappointés et contrariés par le mauvais temps, nous regagnons la gare pour prendre le chemin de fer du littoral de la Compagnie du Sud de la France qui va nous débarquer à Hyères dans la soirée. La pluie battante fouette les vitres et le paysage est plutôt sombre. La voie ferrée court le long du rivage en contournant les plages ou franchissant les falaises escarpées de granit ou de porphyre. Le coup d'oeil serait superbe, si le soleil daignait nous gratifier de ses rayons. Comme compensation à son absence, nous jouissons d'un tableau grandiose.

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