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Mardi 17 Septembre.

Sont semés d'obstacles sans nombre,
Et que tu rejettes dans l'ombre,
Rayon de l'immortel amour!

Dès le lendemain matin, nous continuons le cours de notre voyage à 8 heures, les voitures de la France pittoresque viennent nous prendre à l'Hôtel du Commerce pour nous conduire aux Grottes de Dargilan et les 24 kilomètres de distance sont rapidement parcourus.

On arrive en vue des Grottes qui sont à une certaine hauteur et qu'il faut atteindre en traversant la Jonte à sec et en faisant à pied une ascension assez pénible par la chaleur, le long d'un chemin en lacets jusqu'à l'ouverture de la grotte.

Cette grotte, qui peut soutenir la comparaison avec celles de Han et de Rochefort et qui est même plus vaste et plus grandiose qu'elles, n'a été découverte qu'en 1880 par un pâtre qui poursuivait un renard. M. Martel, dont le nom est très populaire dans toute cette région, qu'il a pour ainsi dire inventée ou découverte et qui est venu, il y a environ deux ans, faire une conférence à la Société de Géographie de Lille, qui ne l'a pas oublié, l'a visitée et décrite en détails avec le concours du guide Foulquier, que nous retrouvons parmi ceux qui nous conduisent, et les dispositions qui ont été prises suivant les sages conseils de M. Martel, au moyen de barres et de crampons de fer, suppriment véritablement le danger mais non la fatigue.

Dés l'entrée, l'on pénètre dans une salle longue de 120 m., large de 60 et haute de 35, on pénètre ensuite à gauche dans la salle de la Tortue qui conduit à la Petite Cascade et l'on arrive enfin à la salle de la Mosquée, qui est de beaucoup la plus belle de toutes celles que l'on admire.

Impossible de décrire toute la splendeur de ces merveilles de la nature et toutes les salles qui sont successivement parcourues: Salle de l'Église où, en frappant sur le roc, on imite le bruit des orgues et le Clocher, le Trou et les salles si nombreuses et si belles qui ont été visitées dans la seconde partie de la journée.

La visite de cette admirable grotte nous laisse à tous l'impression la plus vive et nous ne nous lassons pas d'admirer ces stalactites et ces stalagmites se présentant sous les formes les plus diverses et dont la lumière du magnésium fait ressortir la transparence

Cette visite de la grotte de Dargilan avait été agréablement interrompue vers le milieu par un excellent déjeuner à la ferme qui se trouve tout en haut de la colline, au-dessus des grottes elles-mêmes.

Nous rentrons le soir au Rozier-Peyreleau, nous nous y reposons à table et le même excursionniste donne lecture des vers suivants, composés dans la journée et qui résument l'excursion de Dargilan, en nous rappelant l'impression qu'elle nous a produite :

Le Rhône, aux sites si vantés,

Le Gard, pittoresque merveille,

Nous ont fait admirer les splendides cités
De Lyon, Nîmes et Marseille.

Puis le Tarn, à l'aspect sauvage,

A l'horizon fermé par le Causse géant
Nous avait tous charmés, en quittant ce rivage
Pour les Grottes de Dargilan.

De la voûte et du sol, sort une immense aiguille,
Cristal pétrifié, qui rayonne et scintille

Comme de gigantesques fleurs.

Nous les quittons trop tôt, ayant l'âme ravie

Et le brillant soleil nous ramène la vie

Avec sa joie et ses douleurs.

Mercredi 18 Septembre.

Le lendemain matin nous partons de Peyreleau à 6 heures et les mêmes voitures nous conduisent par le chemin parcouru la veille le long de la Jonte et de la Douze, au milieu de côteaux constamment variés et plantés de chênes, de hêtres et de sapins.

Admirant la variété des Causses qui présentent des formes si intéressantes et si pittoresques et notamment le Vase de Sèvres, rocher qui a véritablement l'aspect d'un vase gigantesque, nous arrivons à midi à Meyrueis, où nous nous arrêtons un instant pour admirer les points de vue que présentent les environs de cette belle petite commune, et nous nous rendons ensuite à Camprieux, où nous attend un déjeuner frugal et champêtre.

En suivant par un chemin un peu raide les pentes d'un bois en forme d'entonnoir, nous descendons à Bramabiau (Bœuf qui mugit), source curieuse ou plutôt cascade de 14 mètres de haut, formée par le ruisseau du Bonheur, qui a fini par se percer dans cette muraille un canal souterrain et qui en sort comme torrent, dans une gorge creusée par ses eaux.

Nous devons terminer cette journée à l'Observatoire de l'Aigoual et nous nous y dirigeons par une belle route très pittoresque et qui domine à gauche les belles prairies de la vallée du Bonheur.

On aperçoit bientôt le col et la maison forestière de la Serreyrède, d'où l'on contemple un admirable panorama entre les sources de l'Hérault, du Bonheur et de la Dourbie.

On traverse ensuite des bois et, par une suite de rampes, à moins que l'on ne veuille prendre la route plus courte réservée aux piétons, on arrive à l'Observatoireforestier de l'Aigoual, construit à une hauteur de 1,567 mètres dans une situation splendide.

Le directeur de l'Observatoire, M. Fabre, inspecteur des forêts, accompagné de M. Dombre, garde général, nous font les honneurs de l'Observatoire avec une large et cordiale hospitalité.

Un excellent souper est servi dans une barraque établie par les soins du Club alpin français, et M. Fabre a eu la gracieuseté de faire disposer pour les 25 personnes qui composent notre société, des lits improvisés pour les dames et pour les personnes âgées, et un bon lit de paille fraîche pour les jeunes gens.

Nous profitons avec plaisir et reconnaissance de ce souper bien servi, ainsi que des lits où nous trouvons le repos, mais avant tout nous mettons à profit la conversation instructive et attrayante de notre hôte éminent.

Jeudi 19 Septembre. De très grand matin le réveil est donné, car il faut avant 5 heures se trouver sur la terrasse de l'Observatoire pour assister au magnifique spectacle d'un lever de soleil sur l'Aigoual.

Nous nous engageons dans l'escalier intérieur d'une grosse tour ronde construite à l'angle de l'Observatoire et nous nous réunissons tous sur la plate-forme qui domine le sommet de l'Aigoual.

Le soleil n'a pas encore paru et par une heureuse fortune, il doit se lever derrière le mont Ventoux qui se trouve à l'Est de l'Observatoire, mais déjà, grâce aux rayons du soleil qui viennent par les côtés ou au-dessus de la montagne éclairer le paysage, un demi-jour se produit et permet d'apprécier toute la beauté du spectacle qui est sous nos yeux.

Le soleil dépasse graduellement le sommet de la montagne, il se dégage lentement et nous voyons enfin comme un globe de feu qui s'élève au-dessus des montagnes les plus hautes et vient éclairer tout ce pays si pittoresque.

Le spectacle est grandiose et rien n'en peut rendre la beauté saisissante; toutes les cimes se découvrent et l'on aperçoit toutes les dentelures des monts, les vallées qui se trouvent de divers côtés, les chemins et les bois, ainsi que les rivières qui prennent leur source dans la montagne, ligne de partage des eaux, qui se déversent d'un côté vers l'Océan et de l'autre vers la Méditerranée.

Rien ne peut dépasser la splendeur du panorama qui est devant nous au Nord, les Causses sont dominées par les monts Lozère et de la Margeride; à l'Est, on voit les montagnes du Vivarais, le Ventoux et les montagnes des Alpes; au Sud, au-delà des montagnes, la plaine du Languedoc; puis au-delà, la côte dentelée de la Méditerranée, le tout dominé vers l'Ouest par la masse du Canigou.

Ce spectacle inoubliable excite toute notre admiration et nous ne pouvons nous lasser de le contempler.

Nous comprenons, en admirant ces sites, combien a dû être vive et acharnée la défense des Camisards et la lutte des Dragons de Villars, au milieu de ces montagnes dont les cîmes émergent de tous côtés et servaient de signal aux troupes de Jean Cavalier et de Roland, qui portait le nom de Roi de l'Aigoual.

Mais nous revenons à l'Observatoire de l'Aigoual qui, grâce à l'obligeance de son Directeur, nous réservait d'autres plaisirs encore et conduits par M. Fabre, nous visitons dans tous ses détails l'Observatoire et les appareils scientifiques dont il se compose, appareils qui permettent d'apprécier le temps et les phénomènes atmos. phériques et de transmettre le résultat de ces constatations à Paris où tout se centralise, car M. Fabre veut bien vous dire, avec une modestie digne de son mérite, que, quant à lui, il sait à peine le temps qu'il fait et sait encore moins le temps qu'il fera, c'est de Paris qu'il attend le mot d'ordre et c'est Paris qui seul peut utilement le renseigner.

A la suite de cette visite, M. Fabre veut bien nous éclairer sur le double but qu'il poursuit donner à son Observatoire, qui est bien son œuvre, dont le projet remonte à 1871, toute l'importance scientifique qu'il comporte; et dans le domaine forestier, reboiser la montagne, non seulement pour la beauté du point de vue et pour l'utilité même des plantations, mais pour la sécurité du pays, car il nous explique que les plantations ont pour résultat de régulariser la pente des eaux et d'en empêcher la descente trop rapide, et il ajoute qu'il y a peu d'années, une subvention de quelques mille francs était marchandée et refusée et peu de temps après, une inondation, que ces plantations pouvaient prévenir ou rendre moins désastreuse, produisait plus de 8,000,000 de dégâts.

Ces entretiens pleins d'enseignements utiles, amènent tout naturellement M. Robin, Directeur de notre excursion, à présenter à M. Fabre nos remerciements chaleureux pour sa gracieuse hospitalité et à le prier, avec la plus vive instance, de venir prochainement à Lille faire une conférence à la Société de Géographie, et notre demande est tellement pressante et unanime que nous en obtenons la promesse qui, nous l'espérons, sera prochainement réalisée.

Mais il faut dire adieu à l'Aigoual et à ses aimables habitants, nous serrons encore une fois la main de M. Fabre, ainsi que celle de son digne collaborateur,

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