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vicinaux les droits qui résultent de la situation des lieux et de la loi, et qu'ils peuvent les faire valoir, dans leur intérêt privé, contre tous autres particuliers, sans emprunter l'action de la commune ou agir contre celle-ci. Ils peuvent actionner de leur chef les auteurs du trouble, sans que ceuxci aient qualité pour leur opposer l'imprescriptibilité des chemins (Cass., 15 juin 1895).

1644. II. CHARGES DES RIVERAINS.-Ces charges consistent, d'une part, dans l'occupation temporaire de terrains, laquelle peut peser non seulement sur les riverains mais encore sur d'autres propriétaires voisins, d'autre part, dans diverses servitudes de voirie relatives aux alignements, aux autorisations de construire, à l'écoulement des eaux, aux plantations, à l'élagage, aux fossés, à leur curage.

1645. Occupation temporaire. Les extractions de matériaux, les dépôts ou enlèvements de terre, les occupations temporaires de terrains sont aujourd'hui régis par les dispositions de la loi du 29 décembre 1892 (V. supra, nos 1456 et suiv.).

« L'action en indemnité des propriétaires pour les terrains qui ont servi à la confection des chemins vicinaux, et pour extraction des matériaux, sera prescrite par le laps de deux ans » (L. 1836, art. 18).

Cette disposition s'applique aussi bien aux terrains occupés définitivement qu'à ceux qui sont occupés à titre temporaire. Le législateur présume que le propriétaire qui n'a pas réclamé pendant deux ans a voulu faire abandon de son terrain à la commune; mais elle ne s'applique pas aux réclamations qui ont pour objet les autres dommages pouvant résulter, pour les propriétés privées, de l'exécution des travaux relatifs aux chemins vicinaux (C. d'Et., 13 mars 1874).

Le point de départ de la prescription est la prise de possession, quand l'indemnité est due à raison d'un terrain occupé définitivement; mais lorsqu'il s'agit d'une occupation temporaire, la prescription doit courir du moment où cesse cette occupation (C. d'Et., 19 juillet 1871).

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1646.Alignement et permissions de voirie. - Lorsqu'il existe un plan d'alignement approuvé, l'alignement est donné par le préfet ou souspréfet pour les lignes de grande communication et d'intérêt commun, et par le maire pour les chemins vicinaux ordinaires.

En ce qui concerne les permissions de voirie, le préfet est seul compétent pour les chemins des deux premières catégories et le maire pour ceux de la troisième (C. d'Et., 1er avril 1898).

Nous nous bornerons à ces simples indications en remarquant, pour le détail, aux réglements préfectoraux de chaque département, lesquels contiennent des dispositions précises sur chacune des charges incombant aux riverains.

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1647. III. POLICE DE LA VOIRIE VICINALE. Les mêmes règlements déterminent les faits constituant des contraventions en matière de voirie vicinale. Ces faits sont, en général, tous ceux qui peuvent compromettre la conservation des chemins ou porter atteinte à la commodité du passage.

Les contraventions sont constatées par les agents-voyers et par tous autres agents ayant qualité pour verbaliser en matière de petite voirie.

Rappelons, en outre, que la loi du 30 mai 1851 sur le roulage s'applique aux chemins vicinaux de grande communication.

1648.Compétence. - Parmi les infractions aux lois et règlements concernant la voirie vicinale, les unes doivent être poursuivies devant les conseils de préfecture : ce sont les usurpations commises sur le sol des chemins; les autres sont de la compétence exclusive des tribunaux de simple police, sauf appel devant le tribunal de police correctionnelle, lorsque les jugements prononcent l'emprisonnement ou des amendes, et des réparations civiles excédant la somme de 5 francs (C. I, cr., art. 172).

Ce départ des compétences ne s'est pas fait sans difficulté. En vertu de la loi des 7-11 septembre 1790, les tribunaux judiciaires avaient d'abord seuls qualité pour réprimer les contraventions relatives à la vicinalité. La loi du 9 ventose an XIII concernant le mode de plantation au long des routes et chemins, donna aux conseils de préfecture le pouvoir de statuer sur les empiètements qui seraient commis par l'établissement de ces plantations (art. 8). Le Conseil d'État en tira la conséquence que les conseils de préfecture étaient désormais seuls compétents pour statuer sur toute usurpation d'un chemin vicinal; mais la Cour de cassation limitait cette compétence au seul cas prévu par la loi précitée. La question a été tranchée dans le sens de la jurisprudence du Conseil d'État (Confl., 21 mars 1850). Lorsque l'infraction entraîne une amende, c'est le tribunal de simple police qui doit la prononcer (C. d'Ét., 8 janv. 1886; Cass., 23 nov. 1883). En outre, il ne faut considérer comme usurpation relevant des tribunaux administratifs que la détention matérielle du sol avec intention de se l'approprier; sinon, l'occupation même prolongée ne constitue qu'un simple dépôt relevant du tribunal de police (C. d'Et., 23 janv. 1891).

1649.

SECTION III. Voirie rurale.

- I. LÉGISLATION. - Avant 1881, l'absence de textes concernant les chemins ruraux avait fait naître de grandes difficultés relativement aux caractères qu'il faut attribuer à cette catégorie de chemins. D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, ces chemins n'étaient protégés ni par l'imprescriptibilité, ni par les servitudes imposées aux fonds riverains en faveur des autres voies publiques. D'autre part, il n'existait aucune disposition législative concernant la création, l'entretien et la conservation de ces chemins. La loi du 20 août 1881, qui doit faire partie du nouveau Code rural, a comblé sur ce point une lacune importante de notre législation.

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1650. II. DEFINITION ET CONDITION LÉGALE DE CES CHEMINS. chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme chemins vicinaux »> (art. 1er).

Cette définition empêche de confondre les chemins ruraux, soit avec les autres voies publiques, soit avec les chemins d'exploitation, propriétés privées soumises au droit commun et à quelques règles spéciales.

L'affectation à l'usage du public consiste dans la faculté accordée ou laissée à chacun de s'en servir. Elle « peut s'établir notamment par la destination du chemin, jointe soit au fait d'une circulation générale et continue, soit à des actes réitérés de surveillance et de voirie de l'autorité municipale » (art. 2).

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<< Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé (art. 3).

1651. Reconnaissance des chemins ruraux. Le conseil municipal, sur la proposition du maire, détermine ceux des chemins ruraux qui devront être l'objet d'arrêtés de reconnaissance. Ces arrêtés sont pris par la commission départementale, sur la proposition du préfet, après enquête publique dans les formes prescrites par l'ordonnance du 23 août 1835 (no 1289) et sur l'avis du conseil municipal. Ils désignent d'après l'état des lieux, au moment de l'opération, la direction des chemins, leur longueur sur le territoire de la commune et leur largeur sur les différents points. Ils doivent être affichés dans la commune, et notifiés par voie administrative à chaque riverain, en ce qui concerne sa propriété. Un plan doit être annexé à l'état de reconnaissance. Les dispositions de l'article 88 de la loi du 10 août 1871, relatives au droit d'appel devant le conseil général et de recours devant le Conseil d'État (n° 834), sont applicables aux arrêtés de reconnaissance (art. 4).

1652. Effets de la reconnaissance. Ces effets sont importants, sans être cependant les mêmes que ceux qui sont indiqués par l'article 15 de la loi de 1836. Ainsi, l'arrêté n'attribue pas définitivement au chemin le sol compris dans les limites qu'il détermine; il vaut seulement prise de possession du chemin par la commune. Cette possession peut être contestée dans l'année qui suit la notification; mais, après l'expiration de ce délai, elle ne pourra être attaquée par une action au pétitoire (art. 5).

Un second effet de la reconnaissance, c'est de rendre les chemins qui en ont été l'objet imprescriptibles (art. 6). Les chemins ruraux non reconnus sont prescriptibles.

Enfin, la reconnaissance des chemins ruraux permet à la commune, non seulement de créer des ressources spéciales au profit de ces chemins, mais encore de poursuivre l'expropriation des terrains, comme en matière vicinale.

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1653. Jugement des contestations. - « Les contestations qui peuvent être élévées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux ordinaires » (art. 7). Les actions possessoires sont portées devant le juge de paix; les actions pétitoires sont portées devant les tribunaux civils de première instance. La propriété peut d'abord être prouvée par titres; à défaut de titres, ce sont des circonstances de fait et l'état des lieux qui

peuvent le plus souvent servir à déterminer la nature et l'étendue des droits des communes.

1654. Ouverture et redressement. « L'ouverture, le redressement, la fixation de la largeur et de la limite des chemins ruraux sont prononcés par la commission départementale, conformément aux dispositions des cinq derniers paragraphes de l'article 4.-A défaut du consentement des propriétaires, l'occupation des terrains nécessaires pour l'exécution des travaux d'ouverture, de redressement ou d'élargissement, ne peut avoir lieu que conformément aux dispositions de l'article 16 (§§ 2 et 3) de la loi du 21 mai 1836. Quand il y a lieu à l'occupation, soit de maisons, soit de cours ou jardins y attenant, soit de terrains clos de murs ou de haies vives, la déclaration d'utilité publique devra être prononcée par un décret, le Conseil d'État entendu, et l'expropriation sera poursuivie comme il est dit dans le paragraphe précédent. La commune ne pourra prendre possession des terrains expropriés avant le paiement de l'indemnité »> (art. 13).

Ces dispositions différent à certains égards de celles qui concernent les chemins vicinaux. A défaut d'entente amiable, même en cas de simple alignement, la commune ne devient propriétaire du sol incorporé au chemin qu'en l'expropriant, et elle ne peut en prendre possession qu'après paiement de l'indemnité, laquelle est fixée par le petit jury. D'autre part, un décret déclaratif d'utilité publique est nécessaire, non seulement lorsque le terrain est bâti ou clos de murs, mais encore quand il est clos en haies vives ou lorsque le sol comporte des cours et jardins même non clos. En outre, le décret doit être rendu en Conseil d'État.

1655. Occupation temporaire. Les règles relatives à l'extraction de matériaux, à l'occupation temporaire et à la prescription de l'action en indemnité sont presque textuellement empruntées à la législation sur les chemins vicinaux (nos 1644 et suiv.).

1656. Suppression. « Les arrêtés portant reconnaissance, ouverture ou redressement, peuvent être rapportés dans les formes prescrites par l'article 4 ci-dessus » (c'est-à-dire dans les mêmes formes que la reconnaissance). Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut en être autorisée par arrêté du préfet, rendu conformément à la délibération du conseil municipal, et après une enquête précédée de trois publications faites à quinze jours d'intervalle. L'aliénation n'est point autorisée, si, dans le délai de trois mois, les intéressés, formés en syndicat, consentent à se charger de l'entretien »>< (art. 16).

Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains peuvent exercer un droit de préemption. Le prix est réglé à l'amiable, ou fixé par experts (art. 17). Ici la loi est formelle; le droit de préemption ne peut être exercé que si la commune consent à l'aliénation (Cf. no 1630).

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1657. III. RESSOURCES. L'autorité municipale pourvoit à l'entretien des chemins ruraux reconnus dans la mesure des ressources dont elle peut disposer. En cas d'insuffisance des ressources ordinaires, les communes sont autorisées à pourvoir aux dépenses des chemins ruraux recon

nus à l'aide, soit d'une journée de prestations, soit de centimes extraordinaires en addition au principal des quatre contributions directes (art. 10, §§ 1 et 2). Lorsque l'imposition excède trois centimes, la délibération du conseil municipal est soumise à l'approbation de l'autorité supérieure (L. 5 avril 1884, art. 141 et suiv.).

Des subventions industrielles peuvent être réclamées pour dégradations aux chemins ruraux. L'article 11 de la loi de 1881 reproduit l'article 14 de la loi de 1836; on y a seulement supprimé le mot « commune » pour permettre aux syndicats de réclamer des subventions.

Les souscriptions volontaires sont acceptées par le maire, autorisées par le conseil municipal et rendues exécutoires par le préfet. Si elles consistent en journées de prestations, elles sont, après mises en demeure restées sans effet, converties en argent (art. 12).

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1658. IV. POLICE DE LA VOIRIE RURALE. - « L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux » (art. 9). Elle peut, en vertu de cette disposition et de l'article 94 de la loi du 5 avril 1884, faire des règlements de police concernant les chemins non reconnus et même les chemins reconnus, pour les objets non compris dans le règlement préfectoral.

Toutes les contraventions commises en matière de voirie rurale sont de la compétence des tribunaux judiciaires; il n'existe pas d'exception, comme en matière de voirie vicinale, pour les usurpations commises sur le sol des chemins ruraux. C'est encore une exception au principe d'après lequel le domaine public est placé sous la juridiction administrative (Cf. no 1619).

Le maire délivre les alignements individuels; mais il ne peut, sans excès de pouvoir, en l'absence de plan général d'alignement, délivrer au riverain d'un chemin régulièrement reconnu un alignement non conforme aux limites actuelles, bien que le chemin n'ait pas la largeur indiquée dans l'acte de reconnaissance (C. d'Ét., 15 fév. 1895).

1659. V. SYNDICATS. Lorsque l'ouverture, le redressement ou l'élargissement d'un chemin rural a été régulièrement autorisé par la commission départementale et que la commune n'exécute pas les travaux ou qu'elle cesse d'entretentr un chemin reconnu, il importe que les propriétaires auxquels ces chemins sont utiles puissent s'unir pour assurer l'exécution des travaux. La loi permet aux propriétaires intéressés de se constituer en syndicats. Les règles relatives à ces syndicats étant, pour la plupart, empruntées à la loi de 1865 sur les associations syndicales, il est inutile de donner le commentaire des articles 19 à 24 (V. supra, nos 1429 et suiv.).

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