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renté éloignée. Elles ne supposent pas les mêmes éléments de fait, ne mettent point en jeu les mêmes nécessités sociales, ne correspondent pas aux mêmes objets. Elles doivent donc être résolues séparément, chacune d'elles pour les raisons qui lui sont propres.

Revenons maintenant à la question qui fait l'objet spécial de cette dernière partie de nos études, à l'effet international des droits acquis.

CHAPITRE XVIII

Principales applications de la théorie des droits

acquis.

298.

297. Ce qu'implique l'idée de respect des droits acquis. Définition des droits acquis. 299. Conséquences pratiques. 300. De l'exécution des jugements étrangers; force exécutoire. 301. Autorité de la chose jugée.

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302. Effet

303. Iden

que l'on doit reconnaitre aux jugements étrangers; pou-
voirs des juges à qui l'exequatur est demandé.
tité du droit acquis; compétence de la loi étrangère.
304. Applications; la lettre de change.
intellectuelle ; la propriété industrielle.

- 307. Droits des créanciers étrangers.

-

305. La propriété

306. La faillite. 308. Dessaisisse

ment du failli; son incapacité. 309. Simultanéité de fail

lites.

-

313. Question des 314. Sphère de com

315. Respect du droit

310. Concordat. — 311. La responsabilité délictuelle. 312. Extinction des droits acquis. titres au porteur perdus ou volés. pétence de la loi du 15 mai 1872. acquis jusqu'à son remplacement par un autre droit régulièrement acquis au point de vue international. Exemple tiré du divorce. 316. Exemple tiré des conflits de nationalité. — 317. Avantages de la théorie des droits acquis ; en quoi elle se sépare et se rapproche de la théorie des conflits. 318. Conclusion.

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297) Nous avons, dans le précédent chapitre, posé le principe du respect dù aux droits acquis et fixé les limites de son application. Il faut maintenant que nous sachions ce que suppose pratiquement l'application de ce principe et quelle contribution il apporte à la solution des problèmes du droit international privé.

Les droits régulièrement acquis doivent être respectés dans l'ordre international. Cette idée de respect implique chez les nations comprises dans la communauté internationale, avec l'obligation de ne rien faire de ce qui peut affaiblir ou annihiler un droit régulièrement acquis, le devoir de leur assurer, sur leur territoire, tout l'effet compatible avec les exigences de l'ordre public.

298) Cette obligation n'existera naturellement qu'en ce qui concerne les droits qui peuvent passer pour régulièrement acquis au point de vue international. Nous avons donc à rechercher d'abord ce que l'on doit entendre par droits régulièrement acquis. Nous avons vu précédemment que les droits en question peuvent avoir eu, suivant les circonstances, ou bien une origine purement nationale et intérieure ou bien une origine internationale. Le premier cas est le plus simple. Le droit sera régulier s'il a été acquis conformément aux lois du pays où il est né. La circonstance que le droit est tenu pour existant dans le pays de son origine, qu'aucun doute n'y a jamais été élevé quant à sa validité, formera le plus souvent une preuve sans réplique de l'accomplissement de cette condition. Il est possible cependant qu'un doute existe sur la régularité initiale de l'acte générateur du droit. Le plus sage serait alors de renvoyer la décision de ce point de droit aux magistrats du pays où l'acte a été fait. Mais cela n'a rien de nécessaire et, en fait, les lois de compétence ne permettront pas toujours ce renvoi. Le tribunal saisi devra alors apprécier la conformité de l'acte à la loi étrangère suivant ses propres lumières, comme il le fait en cas de conflit.

299) Tout cela paraît élémentaire et évident. Il y a cependant certaines conséquences pratiques intéressantes à tirer de ce premier point. Supposons un contrat usuraire fait en France, mais n'y ayant pas reçu son exécution. La demande en paiement des intérêts a lieu dans un pays où le taux de l'intérêt est libre. Devra-t-elle pour cela y être

accueillie? Non pas, le droit aux intérêts n'est pas un droit régulièrement acquis, car il a été établi au mépris d'une disposition prohibitive de la loi à laquelle il était soumis. C'est ce que, dans une étude précédente, nous avions appelé l'effet réflexe des lois d'ordre public. Il n'est rien autre que l'obligation réciproque des États de respecter les lois portées par eux dans l'accomplissement de leur fonction de législateurs. Toutes les lois d'ordre public peuvent donner lieu à de semblables applications.

La question se complique lorsqu'on aborde notre second cas. Le rapport de droit a eu, par hypothèse, dès l'origine, des attaches internationales. Il y a eu conflit. Pour que le droit né de ce rapport soit respectable, il faut que le conflit ait été résolu conformément aux règles du droit international privé, que la loi compétente ait été appliquée. On aperçoit sans peine la grave difficulté qui va se produire. Les règles adoptées pour la solution des conflits ne sont souvent pas les mêmes dans les deux pays intéressés à la question. La loi réputée compétente dans l'un de ces deux pays ne le sera plus dans l'autre où l'on jugera que le rapport de droit devait être régi par une loi différente.

A quel système devra se référer le juge saisi de la question de régularité du droit acquis connexe à la question d'exécution? Nous sommes ici en présence d'une question ayant un caractère international et faisant, par suite, partie du patrimoine commun aux nations. Chaque État a, quant à leur solution, des droits égaux, et on ne peut pas songer à imposer à un juge une solution autre que celle qu'approuve le législateur dont il dépend1. Il faudra donc que la loi observée ait été la loi compétente d'après le système suivi au lieu où l'exécution est demandée. Le juge devra-t-il se préoccuper, en outre, de la compétence de la loi observée d'après les idées reçues au lieu où l'acte a été

1 V. ce que nous avons dit (p. 80) touchant l'État définiteur des règles du droit international privé.

fait? La question est plus douteuse et l'on conçoit qu'à cet égard les avis puissent différer. Il nous paraît plus correct de ne point exiger cette seconde condition. Elle aurait l'inconvénient d'obliger le juge à consacrer indirectement un système de droit international privé qu'il réprouve, et cette conséquence est difficilement conciliable avec la parfaite égalité des États dans le ressort du droit international privé.

Il suivra de là qu'un droit considéré comme régulièrement acquis dans un pays pourra se voir refuser cette qualité dans un autre pays, qu'il aura ici ses effets et que là on lui déniera toute valeur. Si fàcheuse que soit cette conséquence, elle résulte trop évidemment de l'indépendance des États dans la définition de leurs obligations internationales pour pouvoir être écartée. Qu'en résultera-t-il ? Que la théorie des droits acquis aura ses principales applications dans les rapports de droit qui n'étaient pas internationaux dès l'origine, et aussi à l'occasion de ceux qui soulèvent des conflits susceptibles d'ètre tranchés par des règles généralement acceptées, comme les conflits se rapportant à la forme des actes ou à l'autonomie de la volonté.

300) C'est ici le lieu de dire quelque chose de l'importante théorie de l'exécution des jugements étrangers; elle présente avec la matière des droits acquis des rapports nombreux et étroits 1.

On distingue d'habitude dans un jugement trois effets :

1 L'effet des jugements étrangers en France a donné lieu à toute une littérature qu'il n'est point nécessaire de citer ici. On trouvera un grand nombre d'arrêts indiqués dans Vincent et Pénaud, Diction., au mot Jugement étranger. Citons quelques décisions plus récentes: Trib. Seine, 21 mai 1896, Cl. 96, p. 855; Monaco, 12 mars 1895, Cl. 96, p. 911; Aix, 5 juin 1895, Cl. 96, p. 613; Trib. Seine, 21 février 1896, Cl. 96, p. 626; id., 11 juillet 1895, Cl. 96, p. 356; id., 8 février 1898, Cl. 98, p. 736; id., 20 avril 1898, Cl. 98, p. 765; Cass., 14 janvier 1901, Cl. 1901, p. 149; cf. Douai, 19 mars 1900, Cl. 1902, p. 533. Nous nous bornons au texte à essayer de saisir l'esprit général de cette jurisprudence.

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