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sa loi personnelle ? 2° de même, sachant que les lois qui poursuivent la réalisation d'une idée de garantie sociale. ou d'ordre public sont territoriales, quelle loi fonctionnera dans chaque cas de cette espèce comme loi territoriale, soumettant à son empire tous les rapports qui se forment, se modifient ou se dénouent sur son territoire ?

Occupons-nous pour le moment de la seule détermination du statut personnel. Une observation de terminologie est tout d'abord nécessaire. Lorsque l'on se pose une question engageant la définition des mots de statut personnel, on a pour premier devoir de bien la préciser, et la chose est ici d'autant plus nécessaire que cette même expression est prise suivant les cas dans trois sens différents. On appelle statut personnel l'ensemble des lois qui suivent la personne ou lois extraterritoriales. On dira en ce sens que les lois sur l'état et la capacité de la personne rentrent dans le statut personnel, tandis que le régime de la propriété immobilière fait partie du statut réel. Cette acception est la plus générale qui puisse être donnée à l'une et à l'autre de ces expressions.

Puis vient un second aspect qui est ici le nôtre. Le statut personnel sera, dans cet autre sens, la loi qui régit une personne déterminée dans les matières soumises à la règle internationale de l'extraterritorialité. On dit en ce sens que la loi française constitue le statut personnel du français aux termes de l'art. 3, § 3, du code civil. On pourrait dire dans le même sens que la loi de la situation est le statut réel de l'immeuble, mais on ne le dit pas par cette bonne raison que, d'après la doctrine traditionnelle, la loi de la situation des biens était la seule loi dont la compétence fût reconnue en matière réelle. On savait ce dont il s'agissait lorsqu'on parlait de loi territoriale et il était dès lors inutile de créer une autre expression que celle-là. Nous verrons, au contraire, que de nos jours la loi compétente en matière territoriale est plus difficile encore à déterminer qu'en matière extraterritoriale.

Enfin, dans un troisième sens fort usité autrefois, mais

que la marche des idées a dépouillé d'une grande part de sa valeur, on désignait sous le nom de statut personnel les lois ayant la personne pour objet. A une époque où l'on pensait qu'une loi ne peut être personnelle (ou extraterritoriale) quant à son effet, qu'à la condition de l'être quant à son objet, il était fort important de déterminer quelles lois ont la personne pour objet. Dans la théorie des statuts, ce troisième sens l'emportait encore sur les deux autres. Il en est autrement aujourd'hui. Certes, s'il est un point sur lequel l'antique théorie paraît définitivement ruinée, c'est bien celui-ci. Toutes les lois sans exception s'adressent aux personnes, et prétendre prendre pour base de la distinction ce caractère qu'une loi a pour objet la personne est entreprendre une œuvre condamnée par avance à l'insuccès. Cette signification ne mérite donc plus de nous occuper.

En cherchant bien on trouverait encore que l'expression statut personnel a été employée dans un quatrième sens. Il en sera dit quelque chose au sujet des droits acquis.

Quelle est, au milieu de ces acceptions diverses, celle qui mérite d'ètre maintenue? A notre avis c'est la seconde. Un statut personnel est, en suivant le sens des mots, une loi qui s'applique à une personne, la régit et l'accompagne partout. C'est une loi et ce n'est pas un certain ordre de rapports, un certain nombre de matières de droit. L'emploi de ce mot dans ce dernier sens est donc abusif et ici l'abus a consisté dans une ellipse un peu hardie. On dit statut personnel pour éviter la formule plus longue de matières régies par le statut personnel ou l'expression quelque peu barbare de rapports extraterritoriaux. Il n'est pas moins vrai que le sens véritable du mot est tel que nous venons de l'indiquer; celui qu'il revêt dans la question que nous allons maintenant étudier.

143) Comment donc va se déterminer le statut personnel? La question est des plus délicates, mais elle n'est devenue telle que récemment. L'ancien droit ne connut

que vers la fin de sa carrière certains doutes sur ce point. Traditionnellement le statut personnel était pour chacun la loi de son domicile et l'on entendait par ce mot la loi du domicile actuel, de celui qu'avait la personne au moment où elle accomplissait l'acte juridique. C'était la loi du domicile actuel qui régissait la personne dans le petit nombre des matières de droit soustraites à l'influence de la loi du territoire. On a assigné deux causes à cette règle coutumière. Certains ont voulu y voir une dernière suite de l'assujettissement féodal de l'homme à la terre. Leur opinion se concilie mal avec la faculté qui était incontestablement reconnue à l'individu de changer de domicile, au moment où la théorie des statuts était dans sa fleur. Plus sensément d'autres la rapportent à cette circonstance qu'à l'époque où les diverses provinces d'un mème État étaient régies par des lois différentes, il était impossible d'appliquer à l'homme, considéré en tant que personne agissante et indépendamment de ses biens, une autre loi que celle de son domicile. Ceux-ci ont sans doute raison. Lorsqu'on a recherché quelle loi pouvait être considérée comme plus particulièrement relative à une personne donnée, la loi du domicile s'est présentée tout d'abord et, comme cette idée n'avait rien de déraisonnable, elle a persisté.

Au XVIIe siècle, il est vrai, quelques auteurs jugèrent que la coutume d'un domicile susceptible de changer au gré de l'intéressé n'avait pas toute la fixité que l'on doit désirer dans une loi destinée à accompagner perpétuellement la personne. Ils songèrent alors à appliquer à certaines matières rentrant dans la capacité générale la loi du domicile d'origine1 qui possède, elle, toute la fixité possible, mais qui a

1 C'est la distinction proposée par Froland (Mémoires sur les statuts, t. I, ch. vii, n° XIV) et approuvée ensuite par Bouhier (Observations, t. I, ch. XXII, n. 6 et suiv.) que l'adhésion de Boullenois paraît avoir entraînée (Dissertations, 2° question). Ce sont des considérations pratiques très variées, du reste, qui ont porté ces illustres jurisconsultes à répudier sur ce point la doctrine de d'Argentré. La principale est tirée des graves inconvénients qui se produiraient, si une personne devenait successive

le grand tort de n'être que le souvenir d'un fait, lorsque l'individu a changé de domicile. Cette innovation a été passagère elle ne paraît avoir laissé aucune trace dans les législations qui continuent encore à rattacher au domicile la notion de statut personnel. Actuellement c'est entre la nationalité et le domicile que la controverse s'agite. La doctrine et la pratique sont divisées sur ce point, mais de part et d'autre on peut observer une tendance à reconnaître la compétence de la loi nationale et à limiter celle de la loi domiciliaire aux seuls cas où la première ne saurait être appliquée.

On sait comment cette question se traite d'habitude. On compare les avantages et les inconvénients que peut présenter l'application de l'une ou l'autre des deux lois en présence et, suivant les résultats de cette enquête, on se décide tantôt pour la loi nationale tantôt pour la loi du domicile.

Les partisans du domicile ont pour eux l'autorité toujours considérable de la tradition, autorité moins grande ici qu'ailleurs pourtant, car à l'époque où il n'existait nulle part de droit privé national l'adoption de la loi du domicile était presque obligatoire et, en tout cas, ne pouvait pas

ment majeure et mineure, capable et incapable, par un simple changement de domicile. Boullenois est particulièrement fécond sur ce point. Il lui paraît qu'une doctrine sage ne doit pas priver une personne du bénéfice d'une loi faite en considération des qualités et des défauts propres au peuple dont elle fait partie et aussi que l'état des personnes ne saurait être vacillant, qu'il doit dépendre d'une loi fixe et invariable. Le même auteur, dans une explication qu'il donne (p. 48) d'une opinion de Desmasures, montre clairement la liaison existant entre son système et celui qui devait plus tard aboutir à la reconnaissance de la compétence de la loi nationale. Il est à noter que par domicile d'origine on n'entend pas le lieu où la personne est née, mais ce que Froland (Mémoires, p. 1581) appelle le lieu de la naissance non accidentelle et qui parait être, d'après Boullenois et la glose, le lieu de naissance du père (v. cep. l'opinion de Tronçon, dans Boullenois, loc. cit., p. 54). Cette définition de l'origine nous paraît meilleure que celle donnée de nos jours en matière d'annexion où l'on entend par origine le lieu de naissance de l'enfant.

être interprétée comme une marque de préférence donnée à cette loi sur la loi nationale. Ils argumentent également de ce qu'il est fort naturel de soumettre la personne à la loi du lieu dont elle a fait le centre de ses intérêts, de ses affections, de son activité. On n'observe pas, lorsque l'on fait cet argument, qu'en le supposant même prépondérant, il est vrai du domicile réel et non pas du domicile légal. Or, au point de vue qui nous occupe, on a rarement fait une différence entre ces deux sortes de domicile 1.

A cela les partisans de la nationalité répondent qu'une loi destinée à s'appliquer d'une façon continue à la personne doit être avant tout une loi stable et que, précisément, le domicile n'offre aucune stabilité. La nationalité, elle, n'est pas non plus immuable, mais elle a sans doute une fixité bien plus grande 2. Il est relativement difficile de changer de nationalité, et cette seule raison mérite de recommander le parti auquel ils s'attachent. Leur principale raison n'est pas encore là. Elle réside dans les considérations que faisait valoir Mancini à l'appui de son fameux système. Les lois nationales sont faites pour les personnes de la nationalité. Elles s'inspirent de leur caractère, de leurs habitudes, des conditions de leur existence. Ces raisons ne sont peut-être pas telles, que l'on puisse affirmer avec Mancini que les lois sont par nature extraterritoriales, mais elles sont assez fortes pour faire décider que dans le domaine de l'extraterritorialité la loi compétente est la loi nationale.

1 Il est à remarquer cependant que dans la matière des changements de nationalité résultant de l'annexion, la pratique montre une tendance à tenir compte exclusivement du domicile réel, même pour les personnes qui, étant soumises à la puissance d'autrui, ont leur domicile chez leur représentant.

2 La loi nationale elle-même n'a pas la rigidité absolue que possédait dans l'ancien droit la loi du domicile d'origine, mais pratiquement il semble bien qu'il y a un moindre mal à souffrir les changements d'état résultant des changements de nationalité qu'à soumettre une personne à la loi d'un pays avec lequel elle n'a conservé aucun lien.

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