Page images
PDF
EPUB

pas que les Gaulois aient saisi l'occasion de témoigner leur admiration et leur reconnaissance pour le prince qui, au début de sa carrière politique, s'était fait l'avocat de leurs intérêts devant le Sénat, en prononçant le célèbre discours que nous connaissons par le double témoignage de Tacite et de la Table Claudienne de Lyon.

No IV.

SUR GUILLAUME DE MACHAUT ET LA PRISE D'ALEXANDRIE,

PAR M. DE MAS LATRIE.

M. de Mas Latrie, en s'appuyant sur des documents nouvellement retrouvés aux Archives nationales, prouve qu'il y eut, dès le XIVe siècle, en France, deux familles de Machaut ou Machault, l'une noble et déjà parvenue aux grands offices de la couronne dès le xur siècle, l'autre non noble, mais probablement originaire du village de Machaut.

Guillaume de Machaut, l'auteur de nombreuses poésies, appartenait à cette dernière famille, dont quelques membres furent anoblis à la fin du xive siècle.

le

Si Guillaume de Machaut, le célèbre et populaire écrivain du moyen âge, est le même, comme tout l'annonce, que valet de la chambre du roi Philippe le Bel, il n'a pu naître, comme on l'a dit, en 1300, puisqu'en l'année 1308 le roi lui donnait un fief situé dans la Beauce, pour le récompenser de services déjà anciens.

Le mémoire et la communication de M. de Mas Latrie ont pour objet principal l'examen de la Prise d'Alexandrie, grande composition historique de Guillaume de Machaut, qui est une sorte de chronique générale du règne de Pierre Ier de Lusignan roi de Chypre. La partie la plus considérable de l'œuvre est le récit de l'expédition d'Alexandrie en 1365, avec les annexes antérieures et postérieures qui se rattachent à ce grand fait

[ocr errors]

militaire, en réalité la dernière croisade. Machaut en a reçu la narration d'un témoin oculaire, Jean de Reims, écuyer de Champagne. Tous les monuments originaux connus justifient l'exactitude de son récit. La fin de la chronique, concernant le soulèvement des barons de Chypre et l'assassinat du roi Pierre de Lusignan, est moins satisfaisante. Machaut a appris ces faits de Gautier de Conflans, autre écuyer passé en Chypre à l'occasion des guerres du roi Pierre, et qui prétend avoir vu de ses yeux la scène du meurtre. Mais les témoignages les plus graves et les plus nombreux contredisent ses assertions. Gautier de Conflans ne paraît avoir été qu'un écho peu fidèle des bruits et des rumeurs populaires. Il n'a rien vu personnellement du drame intime qui se passa au palais de Nicosie dans la nuit du 17 janvier 1369. L'autorité considérable des chroniques de Machera, Strambaldi et Amadi tend à établir péremptoirement, et contre le récit de Gautier de Conflans, que les frères du roi, le prince d'Antioche et le connétable du royaume, Jean et Jacques de Lusignan, furent étrangers nonseulement à la perpétration, mais à la pensée même du

meurtre.

No V.

NOTICE SUR LE PÈRE PACIAUDI, THÉATIN ITALIEN QUI FUT MEMBRE ASSOCIÉ ÉTRANGER DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS, ET CORRESPONDANT DU COMTE DE CAYLUS, PAR M. CH. NISARD.

Il y a plus de cent ans, c'est-à-dire en 1757, l'Académie des inscriptions nommait son correspondant étranger, en remplacement de l'Italien Gori, un autre Italien qu'elle nommait douze ans après membre associé, en remplacement de l'abbé Venuti. Cet autre Italien était le Père Paciaudi, théatin. De 1757 à 1765, ce Père entretint avec le comte de Caylus une correspondance suivie. Ses lettres ont été publiées en 1802 par Sérieys; elles sont à la fois savantes, spirituelles et rem

plies d'anecdotes sur les personnages et les livres de son temps. en Italie comme en France, et enfin d'une lecture faite pour charmer tous les amis de la littérature érudite, des arts et des antiquités. Ce qui ressort de cette correspondance, c'est surtout la part considérable que le Père a prise aux cinq derniers volumes du Recueil d'antiquités du comte, et dont, malgré les aveux de Caylus, on était loin de connaître toute l'étendue. Mais cela apparaît avec la dernière évidence dans les lettres du comte auxquelles répondent et donnent lieu tour à tour celles de son ami. On y voit Caylus dans tout le feu de la composition de ce recueil fait à bâtons rompus et au fur et à mesure des arrivages de matériaux. Les demandes d'antiquités et d'explications qu'il adresse à Paciaudi, et qui se succèdent et se poussent comme un flot pousse l'autre ; la lassitude dont il se plaint, le découragement où il tombe, après avoir dit de chaque volume publié que c'est bien le dernier; l'espérance à laquelle il renaît après de nouveaux envois de Paciaudi, accompagnés de nouvelles explications; enfin la joie qu'il ressent, lorsque son sixième volume est sorti de dessous la presse, et qu'il entrevoit la possibilité, en présence des matériaux qui lui restent encore, d'en faire un septième : voilà le fond de ces lettres écrites à la diable, et d'autant plus abandonnées qu'il ne vient jamais à la pensée de l'auteur qu'elles puissent tomber un jour sous les yeux du public. Mêlez à ces épanchements qui tiennent moins de l'amitié que de la profession, mêlez, dis-je, et à très-forte dose, les nouvelles recueillies par Caylus aux diners de Mme Geoffrin, où il assistait régulièrement tous les lundis, des anecdotes sur les gens de lettres et les philosophes qui faisaient alors le plus de bruit; des jugements sur leur personne et sur leurs écrits, pleins de liberté et d'audace; une manière de considérer les jésuites et les moyens mis en œuvre pour arriver à leur suppression, qui ne cède guère en violence aux attaques à force

ouverte dont ils étaient alors l'objet; une crédulité à l'égard de certains faits, si absurdes qu'ils fussent, qui leur étaient imputés, à rendre invraisemblable le scepticisme qui fut toute sa religion jusqu'à la fin de sa vie; enfin une animosité contre les dignitaires de l'Église, principalement les évêques, qui se traduit en paroles tantôt burlesques, tantôt cyniques, dont on ne peut ne pas rire d'abord, mais dont on regrette et condamne aussitôt après l'indécence et la dureté.

Paolo-Maria Paciaudi, fils d'un médecin de la cour de Turin, naquit en cette ville le 23 novembre 1710. Il fit ses premières études à Turin, chez les jésuites, et les fit excellentes. Il est à croire qu'il en demeura reconnaissant à ses maîtres; il ne put toutefois aller jusqu'à les aimer. Il devint en effet leur ennemi et le fut toute sa vie. Sorti des jésuites, il entra à l'université de Turin, et, son cours terminé, il alla à Venise où il prit l'habit de théatin. Il avait alors dix-huit ans. Il fit sa philosophie à Bologne et sa théologie à Gênes où il professa bientôt après lui-même la science qu'il avait apprise à Bologne. Il se livra ensuite à la prédication, et pendant dix ans il y eut beaucoup de succès. Il composa dans cet intervalle des oraisons funèbres, des panégyriques de saints, et quelques écrits sur les antiquités profanes et religieuses. Son premier ouvrage sur ce dernier sujet fut un petit traité des antiquités de Ripatransona '. Vinrent ensuite une dissertation sur une statuette en bronze de Mercure 2; une autre sur l'usage des bains chez les chrétiens 3, réimprimée huit ans après avec des corrections et des augmentations considérables; une autre sur un bas-relief funéraire ; un commentaire sur le port de l'ombelle chez les anciens 5; un autre sur une statue trouvée

2

1 Dans les Miscellanea di varie operette; Venise, 1740, t. VI, p. 73 et suiv. Dissertazione sopra una statuetta de Mercurio; Naples, 1747, in-4°.

3 De sacris christianorum balneis; Venise, 1750, in-4°.

4 Diatribe qua graeci anaglyphi interpretatio traditur; Rome, 1751, in-4°. 5 ExiadioCópnμa, sive de umbellæ gestatione; Rome, in-4°.

à Bénévent, et qui représentait un mesureur de blé1; enfin un gros traité sur le culte de saint Jean-Baptiste 2.

[ocr errors]

Paciaudi était à Rome lorsqu'il publia les quatre derniers de ces écrits. Il y avait été appelé par ses supérieurs et nommé successivement procureur général et consulteur de son ordre. Il était de plus historiographe de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. et jouissait, tant à cause de ces titres divers que de son mérite personnel, d'une faveur particulière auprès du pape Benoît XIV. En 1755, l'abbé Barthélemy étant à Rome, Paciaudi se rencontra avec lui chez l'ambassadeur de France, le comte de Stainville, depuis duc de Choiseul. Ils s'y fièrent de la plus étroite amitié. L'abbé mit le théatin en relation avec le comte de Caylus, et c'est à cette circonstance que nous devons la correspondance dont il a été parlé ci-dessus, et qui fut si utile à Caylus. L'objet principal en est, de la part du comte, des demandes d'antiquités pour en former son recueil; de la part du religieux, des demandes d'écrits de toute sorte concernant les jésuites. Elle s'ouvrit par l'envoi que Paciaudi fit à Caylus, en 1756, d'un traité sur la cubistique chez les anciens3, et ne prit toutefois son essor qu'en 1758, pour se continuer ensuite sans interruption jusqu'en septembre 1765, très-peu de jours avant la mort de Caylus. On a déjà dit que les lettres de Paciaudi avaient été publiées; celles de Caylus sont à la veille de l'être.

Paciaudi poursuivait ses études sur les antiquités. L'année 1756 vit encore paraître son commentaire sur un puits sacré découvert dans le Bolonnais, et l'année suivante ses remarques philologiques sur les médailles de Marc-Antoine le triumvir5. C'est un des plus intéressants de ses écrits, un de

1 De Beneventano Cereris augustæ mensore Èśńynois; Rome, 1753, in-4°. 2 De cultu sancti Joannis Baptistæ; Rome, 1755, in-4°.

3 De athletarum xvbio7noe; Rome, 1765, in-4°.

Puteus sacer agri Bononiensis; Rome, 1756, in-4°.

5 Ad nummos consulares Marci Antonii triumviri animadversiones; Rome, 1757 in-4°.

« PreviousContinue »