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chacun pour leur part à l'allongement du membre dans ce dernier cas.

Un humérus long, un radius plus long encore, un fémur court, un tibia plus court encore, voilà en somme les caractères simiens, l'inverse donnant des caractères d'autant plus humains.

Le pied et la main ne peuvent guère être mesurés que sur le vivant; il y a trop de déchet par le desséchement des surfaces articulaires qui s'y succédent et trop d'arbitraire dans la façon de les monter pour qu'on puisse procéder sur le squelette. Ces mesures manquent, et, faute de mieux, nous reproduirons les suivantes, prises sur le squelette par M. Humphry, et rapportées à la taille.

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Peut-on aller au delà dans ces comparaisons et dire quel anthropoïde se rapproche le plus de l'homme? La lutte n'est possible qu'entre le gorille et le chimpanzé; partout l'orang occupe le rang le plus éloigné, sauf pour le cas exceptionnel du tibia dans notre liste, que détruisent d'ailleurs les deux cas inverses de M. Humphry. Le gorille a son membre supérieur dans son entier, son radius et sa main plus humains, tandis que le chimpanzé a l'humérus et le tibia seulement plus voisins de ceux de l'homme. En ne considérant que les deux segments supérieurs, chacun est privilégié à sa façon, le gorille par son avant-bras plus court, le chimpanzé par son bras plus court. La longueur absolue du membre supérieur et de la main domine, croyons-nous, ces considérations. Nous conclurions donc en faveur du gorille. Mais, par un autre caractère non compris dans les mensurations, la plus grande obliquité du

fémur, la plus grande ouverture que fait son col avec la diaphyse et la gracilité relative de l'os entier, le chimpanzé a l'avantage.

Une conclusion non discutable, c'est que les proportions du squelette sont très-différentes d'un genre d'anthropoïde à l'autre, quoiqu'il y ait beaucoup de commun dans leur type général. Nous disons plus, elles different dans les espèces d'un même genre, ce dont il faudra tenir compte lorsque, poursuivant ces études, on aura plus de sujets à sa disposition. Il en est donc sous ce rapport des anthropoïdes en général comme des hommes en général, ainsi que nous le verrons plus tard.

MUSCLES.

CHAPITRE IV

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ORGANES GÉNI

ORGANES DES SENS.- VISCÈRES. - LARYNX. TAUX.- SYSTÈME NERVEUX. — CERVEAU, SA STRUCTURE, SES CIRCONVOLUTIONS, SON POIDS. -ORGANES RUDIMENTAIRES ET ANOMALIES REVERSIVES.

L'étude des muscles succède logiquement à celle du squelette. Leur disposition est subordonnée dans toute la série des mammifères à la configuration de celui-ci et aux modifications que subissent les fonctions du mouvement. Nulle part dans l'organisme la grande loi physiologique que « l'usage fait l'organe », soit en l'atrophiant dans les parties qui ne servent pas, soit en l'hypertrophiant dans le cas contraire, ne trouve une démonstration plus palpable. Cependant le type varie peu, ce sont les mêmes muscles, mais ici un faisceau charnu se renforce ou se réduit à un vestige, là une portion s'isole, se subdivise, et ses insertions se font un peu plus près ou un peu plus loin. Les muscles des singes sont tellement identiques à ceux

de l'homme que jusqu'au quinzième siècle leur description remplaçait absolument cette dernière. C'est à André Vésale qu'est échu l'honneur de démontrer le premier que les dissections de Galien n'ont jamais porté que sur des singes. Chez les anthropoïdes la ressemblance est encore plus parfaite.

Nous nous bornerons à citer quelques-unes des différences que l'on découvre au-dessous de l'homme. Le muscle peaucier, qui est si développé chez la plupart des mammifères, où il fait froncer la peau, ainsi que chez les singes ordinaires, se concentre à la région cervicale chez les anthropoïdes, où il a les proportions à peu près de celui de l'homme.

L'ensemble des muscles cervicaux, dont le développement chez les quadrupèdes et les singes inférieurs est en rapport avec la nécessité de maintenir la tête redressée dans leur attitude horizontale, n'a plus chez les anthropoïdes et l'homme qu'une importance proportionnée à leur attitude oblique chez les premiers et verticale chez le second.

Le muscle acromio-trachélien de Cuvier, qui se rencontre chez beaucoup de mammifères, et notamment de singes ordinaires, manque chez l'homme, ainsi que chez le gorille et le chimpanzé. Il paraît n'ètre d'ailleurs qu'une dépendance du releveur de l'omoplate, que l'homme possède aussi.

Le muscle grand droit de l'abdomen, qui a le plus ordinairement quatre intersections aponevrotiques chez les mammifères (Cuvier) et sept par exemple chez le cynocéphale, n'en a que cinq à la fois chez l'homme, le chimpanzé et le gorille.

On a dit que les anthropoïdes ont de plus que l'homme un long abducteur du gros orteil, mais ce n'est qu'un faisceau du jambier antérieur; qu'ils ont un court extenseur du gros orteil et un pédieux à trois tendons au lieu des quatre de l'homme, mais c'est le même fait mal interprété; le pédieux des singes est en réalité l'image de celui, si bizarre, de l'homme;

que le

chimpanzé noir n'a pas d'extenseur propre de l'index; deux autres chimpanzés du laboratoire de M. Broca le possèdent.

Entre l'homme et les anthropoïdes il y a cependant des différences, mais légères. La disposition et les insertions du petit pectoral sont variables dans ces deux groupes et dans les singes qui viennent au-dessous, mais ces variations s'accusent moins entre les deux premiers qu'entre les anthropoïdes et les singes suivants. Le muscle court fléchisseur du pouce, si puissant chez l'homme, est atrophié et fusionné avec le faisceau du fléchisseur profond des doigts qui se rend à l'index chez les anthropoïdes. C'est un tendon de ce dernier qui chez le gorille va s'insérer au pouce et présider à son mouvement de flexion. Le même tendon est fourni chez l'orang et le gibbon par l'adducteur du pouce.

En place de l'extenseur propre de l'index et de l'extenseur propre du cinquième doigt, l'orang et les singes ordinaires n'ont qu'un muscle à quatre tendons destinés aux quatre derniers doigts, l'extenseur commun habituel des doigts demeurant du reste hors de cause dans les deux cas.

Au pied, les différences sont encore moins grandes. Le gros orteil, dont le prétendu mouvement d'opposition a été la base de tout un système erroné, se meut avec les mêmes muscles que chez l'homme; toutefois, par suite de son insertion plus latérale sur le métatarsien, il se trouve que le muscle long péronier latéral concourt accidentellement à sa flexion.

L'adducteur transverse du gros orteil, à l'état rudimentaire chez l'homme, est bien développé chez les singes. Les fléchisseurs des orteils diffèrent aussi un peu chez l'homme et les anthropoïdes, mais de façon que les mouvements gagnent en force et étendue chez ces derniers ce qu'ils perdent en indépendance et précision. Enfin, chez l'orang, le long fléchisseur du gros orteil fait entièrement défaut.

La seule particularité musculaire par laquelle l'anthropoïde s'écarte réellement de l'homme pour se rapprocher des singes suivants est l'existence au bras d'un faisceau dit accessoire du long dorsal, qui n'existe pas chez l'homme, et qui s'insère supérieurement au tendon du long dorsal et inférieurement à l'épitrochlée. Encore s'observe-t-il à l'état de vestiges sur quelques nègres.

Deux traits relevant du système musculaire ont été donnés comme spécialement distinctifs de l'homme et des animaux, en particulier des singes. C'est la saillie des fesses et des mollets inhérente au développement là des muscles fessiers, ici du triceps sural, la vigueur du tendon d'Achille étant la conséquence du dernier cas. Le fait est exact et résulte de l'attitude bipède; les muscles fessiers surtout ont pour objet de maintenir la cuisse étendue sur le bassin. Mais sous ces deux rapports le gorille, dont les muscles ont été moulés directement et trans.formés en carton-pâte par le procédé Auzoux, est certes plus favorisé que certains nègres.

Du reste, tous les traits de détail ou plus importants qui semblent particuliers à l'anthropoïde se retrouvent de temps à autre chez l'homme et plus spécialement dans la race nègre. M. Chudzinski, préparateur au laboratoire d'anthropologie de l'Ecole des hautes études, a déjà publié sur ce point deux mémoires excellents (1).

Passons aux organes des sens et aux viscères.

Aux premiers se rattache l'enveloppe cutanée qui délimite le corps, le protége contre les agents extérieurs, et est le siége de la fonction du tact.

L'un des caractères qui distinguent la classe des mammifères

(1) Contribution à l'anatomie du nègre et Nouvelles Observations sur le système musculaire du nègre, par T. Chudzinski, in Revue d'anthropologie, t. II et III.

ANTHROPOLOGIE.

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