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devait paralyser toute poursuite; mais si la Haute-Cour était compétente à raison de la nature des faits répressibles, le chef de l'État ne la convoquant pas, les tribunaux de droit commun devaient être saisis.

La Haute-Cour se composait de deux chambres, l'une d'accusation, l'autre de jugement, formées avec des membres de la Cour de cassation, désignés annuellement pour chacune par décret impérial, au nombre de cinq juges, plus deux suppléants; d'un haut jury de trente-six membres pris parmi les conseillers généraux des départements.

La chambre d'accusation procédait conformément au code d'instruction criminelle. Si le fait incriminé ne rentrait pas dans la compétence de la Haute-Cour, la chambre renvoyait devant le tribunal compétent, et sa décision était attributive de juridiction, car, la Haute-Cour étant le tribunal le plus élevé, il n'y avait aucun moyen de faire réformer l'arrêt de renvoi. Les ministres ne pouvant être décrétés d'accusation. que par le Sénat, il n'y avait pas lieu à mettre la chambre d'accusation en mouvement, lorsqu'il s'agissait de ces hauts fonctionnaires.

La Haute-Cour ne pouvait appliquer que les peines prononcées par les lois. L'assistance des jurés n'était pas nécessaire lorsque les dignitaires étaient poursuivis pour délits correctionnels. C'était la chambre de jugement qui était chargée de prononcer. Dans ce cas, le premier président de la Cour de cassation et les présidents de chambre se réunissaient à la chambre de jugement, sous la présidence du premier président.

La compétence de la Haute-Cour, à raison de la dignité, cessait lorsque les dignitaires avaient commis des crimes ou délits militaires.

Un décret du 4 novembre 1870 a aboli la Haute-Cour de justice.

CHAPITRE IV.

LE CONSEIL D'ÉTAT, ORGANE GÉNÉRAL DE L'ADMINISTRATION,

Historique.

Composition du Conseil d'État, d'après la législation de 1852. —

Service extraordinaire.

Organisation intérieure.

Règles de nomination.
- Haute police administrative, Distribution des affaires.

- Sections admi

nistratives. Assemblée générale. — Intervention du gouvernement dans les matières religieuses. Enregistrement des bulles. Appel comme d'abus. — Procédure de l'appel comme d'abus. - Sanction de l'abus. - Autorisation de

congrégations religieuses. Naturalisation. Prises maritimes. - Autorisations de poursuivre. torisé. Recours contre les décisions du Conseil.

Changements de nom.
Procédure pour être au-

Historique. Le Conseil d'État est à la fois l'organe le plus élevé de l'administration consultative et le tribunal de l'administration.

Il est né au XIIIe siècle par l'institution des enquesteurs créés par Louis IX pour écouter les plaintes formées contre les vicomtes, prévôts et baillis, réformer les abus et ne rendre compte qu'au prince. Dès cette époque, le roi réunissait auprès de lui des conseillers dont il prenait les avis. Philippe le Bel, par l'ordonnance de 1302, reconnut à ses sujets le droit de se pourvoir au Conseil d'Etat contre les erreurs ou ambiguïtés des arrêts du Parlement.

Les ordonnances de 1319 et 1320, sous Philippe le Long,

donnèrent au Conseil du roi le caractère d'une institution fixe. Ce conseil devait s'assembler une fois par mois, pour délibérer sur toutes grâces et requêtes 1.

Le roi Jean exclut du Conseil du roi les officiers du Parlement 2. Le Conseil fut alors associé à la puissance législative et à la haute administration royale. Son avis devait être demandé pour la collation de tous priviléges, avec force de loi dans le royaume. Un édit de 1497, renouvelé en 1657 et 1673, donna au Conseil du roi une organisation nouvelle en le partageant en deux conseils : le Conseil d'Etat, ou Conseil d'en haut, chargé de l'administration intérieure et extérieure de l'État; et le Grand Conseil, ou Conseil privé, conseil des parties, juge administratif des affaires contentieuses entre particuliers, relatives à l'exécution des ordonnances; juge d'appel des jugements rendus par les intendants de provinces; juge de cassation pour les arrêts des parlements qui contrevenaient aux ordonnances et coutumes.

La Révolution de 1789 supprima le Conseil d'État, dont ne s'occupèrent point les constitutions de 1791, 1793 et 1795. Mais des débris du Grand Conseil, la loi du 1er décembre 1799 avait créé le Tribunal de cassation.

C'était au Consulat qu'était réservée la fondation du nouveau Conseil d'État. L'article 52 de la constitution de l'an VIII et le règlement du 5 nivôse, organisèrent l'institution nouvelle et fixèrent dans l'origine ses attributions. D'après cet article 52, le Conseil d'État, sous la direction des consuls, était chargé de rédiger les projets de loi, les règlements d'administration publique, et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative.

Les sénatus-consultes du 16 thermidor an X et du 28 floréal an XII complétèrent l'organisation.

Basé sur la constitution de l'an VIII et sur ces deux sénatusconsultes, le Conseil d'État était, en outre, chargé d'interpréter

1 Voir Pasquier, Recherches, liv. II. ch. vi.

2 Guillard, Histoire du Conseil, p. 35.

et développer le sens des lois, en donnant son avis sur les questions que devaient lui renvoyer les consuls, de se prononcer sur les affaires de haute police administrative, sur les conflits entre l'administration et les tribunaux, sur les affaires contentieuses et sur les décisions de la comptabilité nationale et du conseil des prises.

C'était parmi les membres du Conseil d'Etat que devaient toujours être pris les orateurs chargés de porter la parole au nom du gouvernement devant le Corps législatif. Les ministres avaient rang, séance et voix délibérative au conseil, ce qui rendait donc le Conseil d'État réellement supérieur aux ministres, puisqu'ils étaient obligés dès lors de se soumettre, dans la délibération, au vœu de la majorité. Il en résultait aussi que la responsabilité ministérielle était à peu près sans application.

La charte de 1814 proclama cette responsabilité comme principe fondamental du nouvel ordre constitutionnel, et affranchit ainsi les ministres de la suprématie du Conseil d'État'. Quant à ce Conseil, la Restauration et la monarchie de Juillet, le réduisirent au rôle de simple auxiliaire du pouvoir exécutif, avec charge de tutelle administrative sur les communes et les établissements publics, et conservèrent sa juridiction. supérieure en matière administrative contentieuse.

La constitution du 4 novembre 1848 fit beaucoup pour le Conseil d'État elle lui accorda des attributions législatives et administratives. Corps investi d'un pouvoir purement consultatif, mais susceptible d'être chargé par l'Assemblée nationale de faire seul certains règlements et d'exercer un droit de contrôle sur les administrations, il a reçu, de plus, de la loi organique du 3 mars 1849, les attributions et le caractère de tribunal administratif 2.

'Macarel, Tribunaux administratifs, p. 397; discours de M. de Serre à la Chambre des députés, en 1819.

2 Revue de législation, 1849, p. 78, rapport de M. Vivien sur la loi du Conseil d'État.

Empruntant à la constitution de l'an VIII les bases d'une constitution nouvelle, le prince Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française, a créé un Conseil d'État, qui se trouvait ainsi qualifié dans les documents publics servant de base à son institution : « Véritable conseil du gouvernement, premier rouage de la nouvelle administration de la France, réunion d'hommes pratiques élaborant des projets de lois dans des commissions spéciales, les discutant à huis clos sans ostentation oratoire, en assemblée générale, et les présentant ensuite à l'acceptation du Corps législatif. » L'établissement de l'empire n'a point modifié cette organisation'.

Le titre 1er du décret des 5-16 février 1867 portant règlement des rapports du Sénat et du Corps législatif avec l'empereur et le Conseil d'État, et établissant les conditions organiques de leurs travaux, ordonnait que les projets de lois et de sénatus-consultes, et les règlements d'administration publique préparés par les différents départements ministériels, fussent soumis à l'empereur, qui les remettait directement ou les faisait adresser, par le ministre d'État, au ministre présidant le Conseil d'État. (Art. 1or.) Les ordres du jour des séances du Conseil d'État devaient être envoyés à l'avance au ministre d'Etat, et le président du Conseil d'État prenait les mesures nécessaires pour que ce ministre fut toujours avisé en temps utile de tout ce qui concernait l'examen ou la discussion des projets de lois, des sénatus-consultes et des règlements d'administration publique envoyés à l'élaboration du Conseil. (Art. 2.) Voir, du reste, le décret des 3-7 février 1861.

D'après le sénatus-consulte du 8 septembre 1869, aucun amendement ne ponvait être mis en délibération s'il n'avait été envoyé à la commission parlementaire chargée d'examiner le projet de loi et communiqué au gouvernement. Lorsque le gouvernement et la commission n'étaient pas d'accord, le Conseil d'État devait donner son avis et le Corps législatif prononçait. (Art. 8.)

La participation du Conseil d'État à la confection des lois a été réglée, dans les derniers temps du second empire, par le décret des 29 mai-9 juin 1870. Les projets de lois et les règlements d'administration publique préparés par les différents départements ministériels devaient être, par les ordres de l'empereur, adressés par le ministre compétent au ministre présidant le Conseil d'État. Les ministres pouvaient toutefois, dans les cas d'urgence, adresser directement leurs projets de lois au Sénat ou au Corps législatif. (Art. 1er.) Après avoir été élaborés au Conseil d'État, les projets de lois devaient être remis au ministre compétent par le ministre présidant le Conseil d'État, qui y joignait les noms des commissaires proposés par lui pour en soutenir la discussion devant le Sénat et devant le Corps Jégislatif. (Art. 2.) Un décret de l'empereur ordonnait la présentation du projet de loi au Sénat ou au Corps législatif, et nommait les conseillers d'État ou les commissaires du gouvernement chargés d'en soutenir la discussion, conjointement avec les ministres. (Art. 3.) Dans toute délibération du Sénat ou du Corps légis

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