Page images
PDF
EPUB

mesures qu'exigent les circonstances pour le maintien de la tranquillité intérieure et la sûreté de l'État, certaines autorisations, l'exercice des droits de tutelle sur les personnes morales, sont réglés par des décrets.

Lorsque le chef de l'Etat n'a pas reçu une délégation expresse du pouvoir législatif, et que néanmoins il soumet. son décret à la délibération du Conseil d'État, y a-t-il règlement d'administration publique? La doctrine qui tend à prévaloir ne voit là qu'un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique '.

Si le pouvoir judiciaire a le droit d'apprécier les règlements d'administration publique, au point de vue de la légalité, et de les interpréter, cette faculté lui est refusée en ce qui concerne les simples décrets. Le pouvoir administratif est le seul juge de la légalité de ses actes.

La Cour de cassation a déterminé l'interdiction faite aux tribunaux d'apprécier et d'interpréter les actes de l'administration, dans un arrêt du 13 mai 1824. S'il importe, dit-elle, de maintenir le principe fondamental de la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif, il n'est pas moins essentiel, dans l'intérêt de l'ordre public, de sainement entendre cette séparation. Il est interdit au pouvoir judiciaire d'exercer les fonctions administratives, de censurer les actes de l'administration, de les infirmer, les modifier, d'en arrêter ou d'en suspendre l'exécution; mais si un acte administratif attribue à quelqu'un la propriété d'un objet, les cours et tribunaux, juges exclusifs de toutes les questions qui dérivent du droit de propriété, doivent nécessairement prendre connaissance de cet acte, pour lui appliquer les principes de la législation commune, sous la seule condition de n'y point porter atteinte.

Ajoutons que les tribunaux sont, par exception, constitués juges de la légalité des actes de l'administration, en matière

1 Batbie, Introduction générale au Droit public, p. 75.

d'impôt et d'expropriation. Cette dérogation au principe de la séparation des pouvoirs est fondée sur le besoin de garanties qu'ont les citoyens dans ces importantes matières.

[ocr errors]

Voies de recours contre les actes du gouvernement. - Il y a deux voies de recours contre les actes du gouvernement la voie gracieuse et la voie contentieuse.

Par la voie gracieuse, on s'adresse au gouvernement luimême, pour qu'il réforme ses actes. Point de formes solennelles; point de déchéance; simple pétition.

Il y a lieu au recours gracieux toutes les fois qu'il n'y a pas de droit lésé, mais seulement un simple intérêt offensé. Mais si les droits sont violés, si les formes voulues n'ont pas été observées, il y a lieu à la voie contentieuse.

A la différence de la voie gracieuse, la voie contentieuse est soumise à des règles toutes spéciales.

Il existait encore, sous l'empire, deux autres modes de recours. L'un consistait dans l'exercice du droit de pétition auprès du Sénat pour inconstitutionnalité; l'autre était réglé par l'article 40 du décret du 22 juille: 1806. Lorsqu'une partie se croyait lésée dans ses droits ou sa propriété, par l'effet d'une décision du Conseil d'État rendue en matière non contentieuse, elle pouvait présenter requête à l'empereur pour, sur le rapport qui lui en était fait, être l'affaire renvoyée, s'il y avait lieu, soit à une section du Conseil d'État, soit à une commission.

CHAPITRE III.

LES GRANDS CORPS DE L'ÉTAT.

La Chambre des pairs. - La Chambre des députés. L'Assemblée nationale.Le Corps législatif. La Haute-Cour de justice.

Le Sénat.

La Chambre des pairs et la Chambre des députés, sous la monarchie, les Assemblées nationales (constituantes ou législatives) sous la république, le Sénat et le Corps législatif, sous l'empire, enfin la Haute-Cour de justice, ont quelquefois été désignés par le nom de grands corps de l'État.

La Chambre des pairs'. Institution d'origine an

[ocr errors]

Le mot pairs signifie égaux (pares). Selon la loi de la féodalité, tout proprié taire de fiefs ne pouvait être privé de ses droits que par le jugement de ses pairs, c'est-à-dire des propriétaires de fiefs qui dépendaient de la même seigneurie, et occupaient ainsi, comme vassaux du même suzerain, un pareil degré dans la hićrarchie féodale. La qualification de pair de France était réservée, au moins en théorie, aux grands feudataires qui relevaient nuement de la couronne. Les pairies primitives s'étant plus tard éteintes par des réunions à la couronne, il fallut bien conférer cette dignité à des seigneurs qui ne relevaient du roi qu'à cause de ses domaines. Ce furent d'abord des princes du sang, puis de simples gentilshommes(1551 à 1787); mais déjà la difficulté de réunir des seigneurs éloignés pour la plupart, et leur ignorance des formes de procédure qui avaient remplacé les combats judiciaires, avaient fait naître l'idée de fondre la cour des pairs dans le Parlement. Cette idée se réalisa à l'époque où le Parlement fut rendu sédentaire

glaise, la Chambre des pairs était un des trois pouvoirs de l'État. (Charte de 1830, art. 17.) Elle participait à la puissance législative (art. 20); elle était même une portion essentielle de cette puissance. (Art. 14, 20.) La proposition des lois appartenait à la Chambre des pairs, au roi et à la Chambre des députés. (Art. 15.) Toute loi devait être discutée et votée librement par la majorité de chacune des deux Chambres. (Art. 16.) La Chambre des pairs était convoquée par le roi en même temps que la Chambre des députés. La session de l'une commençait et finissait en même temps que celle de l'autre. (Art. 21.) La nomination des pairs appartenait au roi. Leur nombre était illimité; le roi pouvait en varier les dignités, les nommer à vie ou les rendre héréditaires, selon sa volonté. (Art. 23.) La Chambre des pairs était présidée par le chancelier de France, et, en son absence, par un pair nommé par le roi. (Art. 25.) Les séances de la Chambre des pairs étaient publiques. (Art. 27.) La Chambre connaissait des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'État, définis par la loi. (Art. 28.) Aucun pair ne pouvait être arrêté que de l'autorité

[ocr errors]

à Paris. Depuis cette époque, la Cour du Parlement, suffisamment garnie de pairs, put connaitre de toutes les difficultés relatives à la pairie. L'institution elle-même subit une importante modification vers la fin du xve siècle. Jusqu'alors les fonctions judiciaires avaient été considérées, dans les pairs, comme une conséquence de leur qualité de propriétaires d'un fief de premier ordre. Mais le principe que toute justice émane du roi ayant prévalu, on finit par distinguer les fonctions judiciaires du domaine féodal; depuis cette époque, les pairs furent considérés comme des officiers institués par le roi, avec cette seule différence entre eux et les autres conseillers au Parlement, que les institutions des premiers étaient collectives pour eux et leurs descendants, et celles des derniers individuelles. Dès lors, aussi, la pairie cessa d'exister. Les pairs ne furent plus que des espèces de juges héréditaires, ayant, en mémoire de leur ancienne puissance, le privilége d'être jugés par le Parlement garni d'au moins douze pairs, et de figurer à côté des rois dans la cérémonie de leur sacre. « On ne comprend donc pas, dit l'auteur du Commentaire sur la Charte constitutionnelle, comment

Louis XVIII a pu prétendre qu'il renouvelait une institution née du régime féodal et morte avec lui. C'est dans un autre ordre d'idées qu'il faut rechercher l'origine de la Chambre des pairs. » Cet ordre d'idées, ce sont les institutions anglaises et l'influence des idées de Montesquieu. Voir aussi Henrion de Pansey, Des pairs de France et de l'ancienne constitution française.

[ocr errors]

de la Chambre, et jugé que par elle en matière criminelle. (Art. 29.)

La législation de 1831 a supprimé l'hérédité de la pairie, en restreignant le choix du roi à certaines classes de fonctionnaires et de propriétaires. La Chambre des pairs ne représenta plus, dès lors, exclusivement, l'aristocratie de naissance.

La Chambre des députés. Comme le roi, comme la Chambre des pairs, elle participait à la puissance législative; la proposition des lois lui appartenait comme à la Chambre des pairs et au roi; mais toute loi d'impôt devait d'abord être votée par elle. (Art. 14 et 15, Charte de 1830.) Si une proposition de loi avait été rejetée par elle, elle ne pouvait être représentée dans la même session. (Art. 17.) Elle était composée de députés élus par les colléges électoraux, dont l'organisation était déterminée par les lois. (Art. 30.) Les députés étaient élus pour cinq ans. (Art. 31.) La Charte ne donnait à la Chambre des députés aucune part dans le pouvoir judiciaire, sauf le droit d'accuser les ministres. (Art. 47.)

L'Assemblée nationale. On donne ce nom à l'assemblée des représentants de la nation, sous le gouvernement républicain, dont le principe est que la souveraineté réside dans l'universalité des citoyens (Constitution du 4 novembre, 1848, art. 1er), et que tous les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, émanent du peuple. (Art. 18.) L'Assemblée est dite constituante, lorsqu'elle a reçu la délégation de la nation pour faire une constitution. Elle est dite législative, lorsqu'elle n'a été nommée que pour faire les lois secondaires. D'après la constitution de 1848, « le peuple français avait délégué le pouvoir législatif à une Assemblée unique. » (Art. 20.) L'Assemblée nationale était élue au suffrage direct et universel, pour trois ans, et devait se renouveler intégralement. (Art. 24, 31.) Elle était permanente. (Art. 32.) Le pouvoir exécutif lui était subordonné.

Le Sénat. Pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques, le Sénat, d'après la constitu

« PreviousContinue »