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Le 17 mars 1782, on jouait une ode de Jean-Baptiste Rousseau, musique de Méhul. A la même époque avaient lieu également les débuts de Lesueur. Méhul publie ensuite trois sonates en 1783 et en 1784. Valadier, qui avait obtenu le troisième prix au concours de livrets d'opéras, choisit pour son musicien l'ancien élève du P. Hauser. Méhul en fit cette œuvre admirable qui s'appelle Euphrosine et Corradin. C'est dans cette pièce que se trouve le duo fameux, dont l'explosion, qui est à la fin, sembla ouvrir le crâne des spectateurs avec la voûte du théâtre. Dans cette pièce aussi, on trouve, bien avant Wagner, l'emploi du leit-motiv. Berlioz la considérait comme le chef-d'œuvre de Méhul. La première fois qu'il entendit ce passage:

Ingrat, j'ai soufflé dans ton âme!

il poussa un cri si aigu, que l'acteur Gavaudon, peu habitué à des manifestations aussi violentes d'admiration, sortit de la scène, courroucé.

Comme on le voit, Méhul parvint très jeune à la maîtrise de son art. Stratonice, Phrosine et Mélidor, la Caverne, la Chasse du jeune Henri, qui causa une émeute politique, et dont on ne laissa plus jouer que l'ouverture; Ariodant, tiré de Beaucoup de bruit pour rien, de Shakespeare; Adrien, longtemps interdit pour des motifs politiques, le placèrent au premier rang de l'école française. Méhul cherchait, en effet, à réagir contre l'école italienne, au grand mécontentement de Napoléon. Il prétendait remplacer les traits et les tours de force des puériles vocalises, par des couleurs mélodiques afférentes aux sentiments correspondants. En 1801, le compositeur mystifia l'empereur de belle façon. On représenta à l'Opéra une pièce, l'Irato, attribuée à un musicien de Naples. Napoléon applaudissait de toutes ses forces. A la fin du dernier acte seulement on nomma l'auteur véritable au grand désappointement de l'empereur.

Uthal, opéra fantastique tiré d'Ossian, obtint peu de succès; on jouait à la même époque les Bardes, de Lesueur, le protégé de Napoléon. Dans Uthal, pour peindre l'atmosphère nuageuse et la mélancolie des paysages d'Ossian, Méhul avait eu recours à une innovation originale. Il avait supprimé les violons, n'employant que les altos et les basses; ce qui faisait dire à Grétry :

« Je donnerais bien six francs pour entendre une chanterelle. »

Avec Joseph, chef-d'œuvre immortel, Méhul atteignit à son apogée. Qui n'a entendu la prière de Joseph, la scène des remords de ses frères, la magnifique prière des Hébreux. Qui ne connaît ces pages où l'inspiration biblique a dicté à l'auteur les accents les plus sublimes? O honte! Cette superbe partition n'eut à l'origine que treize représentations. Il a fallu qu'elle nous fût imposée par l'admiration de l'étranger, et surtout de l'Allemagne, où elle est encore au répertoire, pour que le public s'aperçût de ses beautés.

A la réorganisation de l'Institut, Méhul fut nommé membre de l'Académie des Beaux-Arts. Il avait été également choisi comme inspecteur de l'enseignement, dès la fondation du Conservatoire, où il fut ensuite professeur de composition. Il eut la joie de deviner Hérold, son élève favori.

Bien qu'il eût composé le Chant du départ, ce qui ne l'empêcha pas du reste d'écrire plus tard une cantate en l'honneur de Napoléon, Méhul fut assez souvent inquiété pendant la Révolution. Il jouait un jour à la chasse dans le parc du château de Gentilly, en compagnie de Florian, de Lacretelle, de Baraguay-d'Hilliers et de la famille Sénéchal, et les invités faisaient retentir les échos des sons d'un cornet à bouquin. Or c'était le jour de l'assassinat de Marat. Le peuple prit ces accents pour des clameurs d'allégresse et faillit faire un mauvais parti à la bande joyeuse.

Après Phrosine et Melidor, les Jacobins l'accusèrent aussi, dans leur fureur d'égalité, de prodiguer le luxe dans les costumes de ses acteurs. Il dut se ménager un protecteur au sein du Comité de Salut public, dans la personne de Barrère :

« Ne vous inquiétez pas de cela, lui dit Barrère; laissez votre opéra suivre sa destinée à travers les dénonciations. Vous ne gagneriez rien à le retirer; on se prévaudrait de ce fait contre vous. Et puis, ne sommes-nous pas tous au pied de la guillotine? Tous, à commencer par moi? »

Or, Barrère se faisait la barbe, il était en robe de chambre, le cou nu, et cette toilette de guillotine donnait à ses paroles un saisissant commentaire.

Méhul avait épousé, en 1795, Mlle Gastaldy, fille d'un médecin très gourmand, et qui a laissé un nom dans les annales gastronomiques.

Méhul était bienveillant, désintéressé, mélancolique et ennemi de l'intrigue. Il ne se laissa pas éblouir par le prestige de Bona

parte, qui avait voulu l'emmener en Égypte, et qui s'était heurté à un refus catégorique.

Pour le couronnement, Méhul composa pourtant une messe en la bémol, qui ne fut pas exécutée ni gravée. Elle fut copiée par M. l'abbé Neyrat, maître de chapelle à Lyon, qui l'entendit à Presbourg, et nous a conservé cette œuvre précieuse dont Rossini disait :

« Miracolosa, con cuore scritta.

le cœur. >>

Miraculeuse et écrite avec

Méhul mourut en 1817. Ses obsèques furent célébrées avec pompe dans l'église Saint-Vincent-de-Paul.

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C'est dans le paysage enchanteur de Pesaro, en pleine Romagne, que ce puissant enchanteur, Joachim Rossini, naquit le 29 février 1792. Son père était un pauvre joueur de cor, et sa mère une chanteuse ambulante.

Sa vraie famille fut donc la bohème des forains nomades si nombreux en Italie. C'est dans ce milieu pittoresque que Rossini chanta et joua d'instinct du violon avant même de savoir lire ses notes. Il avait une très belle voix de soprano, et, tout enfant, il gagnait quelques sous en chantant dans les églises.

D'un sans-souci dont il ne se corrigea du reste jamais, il donnait à son père de grandes inquiétudes.

Une fois, comme il avait refusé d'étudier sa leçon de musique, celui-ci le mit en apprentissage chez un forgeron. Pendant quelque s jours Joachim souffla la forge, mais ses petits amis venaient se moquer de lui, et il fut si humilié qu'il supplia son père de le reprendre. La nature suppléait du reste au travail, et Rossini avait des dispositions si extraordinaires, qu'à quatorze ans il était directeur d'un orchestre ambulant, et composait avec une surprenante facilité. Il fit en 1807 des études musicales au lycée de Bologne, dans la classe de Mattei. En 1808, il faisait jouer une symphonie et conduisait l'orchestre à l'exécution des Quatre Saisons et de la Création, de Haydn. Il a avoué plus tard qu'il avait appris l'harmonie en recopiant et en reconstituant, sur des parties séparées,

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