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il a commenté avec une poignante émotion patriotique les lamentations de Jérémie. Rédemption, Mors et Vita, sont des œuvres d'un penseur et d'un croyant.

Le nombre de ses mélodies est incalculable; beaucoup furent composées sur des paroles anglaises, car il s'était établi de l'autre côté du détroit, à Tavistock, de 1870 à 1874, au grand chagrin de ses amis et de ses admirateurs.

En 1882, Gounod s'honora en adressant au Sénat une lettre pour réclamer le maintien du budget des maîtrises, qui avaient rendu à l'art religieux tant de services.

Comme Mozart, sa dernière œuvre est un Requiem; il est mort subitement (1893), dans sa villa de Montretout, en le faisant entendre à sa famille et à ses intimes. Musicien, philosophe, érudit, Gounod demeurera comme un des grands hommes que nous pouvons, sans désavantage, opposer à nos rivaux. On lui a reproché une certaine mièvrerie, l'affadissement de certains procédés qui lui étaient chers disons plutôt que ses imitateurs, car nul style n'est encore plus imité que le sien, injustes souvent à l'égard du maître. M. Reyer, personnelle et si contraire à celle de Gounod, bon sens «Tout le monde fait de la musique de Gounod, mais c'est encore celle de Gounod que je préfère. »

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nous ont rendus

d'une nature si a pu écrire avec

Les funérailles de Gounod furent célébrées aux frais de l'État avec une pompe officielle extraordinaire. Il était membre de l'Institut et grand-officier de la Légion d'honneur.

AMBROISE THOMAS

Celui dont le nom fut si longtemps associé au nom de Gounod dans la faveur du public, Ambroise Thomas, l'auteur de Mignon, le vieillard infatigable, ne devait pas survivre beaucoup à son illustre ami.

Ambroise Thomas était né à Metz, en 1811. Il commença, dit-on, l'étude du solfège à l'âge de quatre ans, et celle du piano et du violon vers l'âge de sept ans.

Cherubini l'admit au Conservatoire en 1828. Élève de Zimmermann, de Dourlen, de Lesueur, de Kalkbrenner et de Barbereau, il obtint le grand prix de Rome en 1832.

De la ville éternelle il rapporta une Messe de Requiem, un quintette et un quatuor. Puis, doué d'une fécondité extraordinaire, Ambroise Thomas écrivit une multitude de pièces pour le théâtre, où il a remporté ses succès les plus durables. On n'attend pas ici l'énumération fort longue de ses œuvres, démodées pour la plupart aujourd'hui. Le Caid, le Songe d'une nuit d'été, le Carnaval de

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Venise, Hamlet, et surtout Mignon, suffiraient à assurer la gloire du continuateur immédiat des Boieldieu et des Auber. Jusqu'à l'âge le plus avancé, Ambroise Thomas a conservé sa puissance de travail et la lucidité de son talent. La Tempête (1892), ballet tiré de Shakespeare, fut sa dernière œuvre pour le théâtre.

Il a écrit un Hommage à Boieldieu, une Messe solennelle (1857), une Marche religieuse (1865), des motets, des mélodies et une

quantité de chœurs orphéoniques, par lesquels, dit M. Lavignac, << il a contribué puissamment à élever le niveau intellectuel des

masses. >>

En vrai fils du pays de Jeanne d'Arc, le Lorrain Ambroise Thomas fit vaillamment son devoir en 1870. On le vit, malgré son âge, monter la garde avec la croix de commandeur de la Légion d'honneur sur sa vareuse de garde national. >>

Admis à l'Institut en 1851, professeur au Conservatoire, il succéda à Auber comme directeur de cet établissement. La plupart des jeunes musiciens contemporains ont été formés par son enseignement Théodore Dubois, Bourgault-Ducoudray, Massenet, Sieg, Lefébure, Salvayre, pour ne parler que des plus connus.

La longue carrière d'Ambroise Thomas a épuisé la série des honneurs.

Le 16 mai 1894, il a assisté à la millième représentation de Mignon, et dans cette journée d'apothéose M. le président de la République l'élevait à la dignité de grand'croix de la Légion d'honneur, dignité accordée pour la première fois à un musicien. Quelques mois après, le roi d'Italie lui envoyait le grand cordon des saints Maurice et Lazare. Ambroise Thomas est mort en 1895, en emportant, malgré une rudesse apparente, l'affection de tous ses élèves.

X

L'OPÉRETTE: OFFENBACH

Nous parlons à regret dans ce livre, où nous avons eu à inscrire tant de noms purs et sacrés par le prestige de l'art et des luttes soutenues pour l'idéal, d'un genre qui a exercé tant de ravages dans les mœurs, empoisonné le goût public et avili tant de compositeurs. La vogue de l'opérette a été trop considérable, pour que nous la passions sous silence; mais ses succès de mauvais aloi n'ont pas eu de lendemain, et les musiciens avides d'une renommée durable apprendront peut-être, par le mépris où sont tombés les auteurs d'oeuvres ineptes si applaudies, que c'est pour l'artiste le suicide de la gloire lorsqu'il se laisse entraîner à chercher la fortune en flattant les goûts malsains du public.

Offenbach a été le héros des beaux jours de l'Empire; où sont maintenant les admirateurs d'Offenbach? La province la plus arriérée ne sourit plus de ses parodies délirantes; si un théâtre, à court de pièces, monte parfois à la hâte une reprise d'Orphée aux enfers ou de la Belle Hélène, qu'est la réussite de ces œuvres surannées, réussite due pour une bonne partie à la situation considérable occupée encore actuellement par les auteurs des livrets, qu'est cette réussite auprès de l'enthousiasme de jadis?

Il n'est donc pas téméraire d'avancer que l'opérette, telle du moins que l'a conçue ce bouffon d'Offenbach, est en grave danger; en tout cas, les musiciens ont tous fait justice du prétendu talent de l'amuseur officiel des Tuileries.

Offenbach naquit à Cologne en 1821. Son père était membre du clergé israélite de cette ville. Élève du Conservatoire, Jacques Offenbach fut ensuite violoniste à l'Opéra-Comique, où il se fit déjà remarquer par son penchant à la bouffonnerie. Ses quatrevingt-trois francs d'appointements mensuels étaient souvent inférieurs au montant de ses amendes. C'est ainsi qu'avec un de ses collègues, il s'amusait à exécuter une partition en jouant chacun une note à tour de rôle. Il ne manquait pourtant point d'aptitudes pour la composition, car Halévy écrivait à son père :

« Je vois quelquefois messieurs vos fils, ils viennent me demander des conseils que j'ai le plus grand plaisir à leur donner. J'espère que vous serez content d'eux; le jeune, tout particulièrement, me paraît destiné à de véritables succès dans la carrière de la composition, et je m'estimerai heureux de pouvoir y coopérer en l'encourageant et en le secondant dans ses études et dans ses tra

vaux. >>

Offenbach fut bientôt recherché dans les salons pour sa malice et ses bons tours. Il jouait du piano avec un doigt, chantait sans voix mais avec esprit. Arsène Houssaye le nomma chef d'orchestre au Théâtre-Français, aux appointements de six mille francs par an. Mais Offenbach, qui brûlait de faire jouer tout ce qui lui passait par la tête, s'improvisa directeur de théâtre. Il fonda les BouffesParisiens. Les Deux Aveugles établirent sa réputation. La société parisienne suit le mouvement de la cour, on fête le spirituel fantaisiste; les Bouffes font des tournées en province, à l'étranger. A Twickenham, dans leur propriété d'Orléans-House, la reine Amélie et le duc d'Aumale veulent entendre l'inépuisable répertoire des opérettes qui font courir tout Paris. Bref, rien n'a manqué à l'auteur des Contes d'Offmann, ni la fortune ni les honneurs; rien..., si ce n'est un succès à l'Opéra-Comique. Chaque fois que le maëstro de la Symphonie de la basse-cour a voulu s'élever dans un genre plus sérieux, il a complètement échoué. Naturalisé français, Offenbach, qui était devenu le roi des boulevardiers, avait, malgré son existence fiévreuse, de solides qualités comme homme privé. On cite de lui des traits de bienfaisance qui lui font le plus grand honneur. Un prêtre de l'église de SaintLouis-d'Antin vint s'asseoir à son chevet et entendre ses dernières paroles, et ses obsèques furent célébrées à la Madeleine (1880). Déjà, de son vivant, J. Janin qualifiait ses œuvres de « musique

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