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malgré l'œdème, ne se laisse pas déprimer sous le doigt. La pression y est douloureuse..

Cette induration se poursuit sur la partie postérieure des cuisses dans leurs deux tiers inférieurs.

Des marbrures brunâtres, violacées, qui ne s'effacent point par la pression, sont disséminées sur la face postérieure des jambes, en plus grand nombre à gauche. Quelques-unes, plus espacées et moins étendues se rencontrent sur la face postérieure des cuisses. Les unes d'aspect exactement ecchymotique sont régulières, diffuses; d'autres sont réticulées, ramifiées et semblent dessiner les veinules sous-jacentes. Çà et là, sur la face antérieure de la jambe gauche sont semées des taches brunâtres, de la grandeur d'un grain de chènevis et légèrement saillantes. D'autres plus nombreuses et beaucoup plus petites, semblables à une piqûre de puce, acuminées, portent un poil implanté à leur centre. Le gonflement s'arrête aux malléoles, la face dorsale des pieds n'est pas intéressée.

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Léger mouvement fébrile 37°,5 à 38°,4 80 à 100 pulsations = 25 à 30 respirations.

20 mars. Mieux général. Les jambes commencent à désenfler; l'épiderme, moins lisse, se plisse et se fendille pour suivre la rétraction des parties profondes.

Les suffusions ecchymotiques s'effacent en commençant par la face externe de la jambe gauche. Au pourtour des taches, il sé fait un liséré jaune verdâtre qui gagne vers le centre à mesure qu'il disparaît à la périphérie. Quelques-unes des plaques ont presque totalement disparu, et n'apparaissent plus que comme de petites taches jaunâtres.

Les gencives sont lisses, moins saignantes, les bourgeons charnus ont en partie disparu.

Le pouls est plus large, plus fort, les battements cardiaques sont redevenus sensibles à la palpation. Les bruits à l'auscultation sont plus nets. Le souffle carotidien a disparu. Les muqueuses se colorent, il n'y a plus ni céphalalgie, ni vertiges. L'appétit est bon, les digestions régulières.

10 avril. L'amélioration continue à faire de rapides progrès. Les suffusions sanguines des jambes, après s'être transformées

en taches jaunâtres se sont progressivement effacées. Le gonflement de la jambe droite a notablement diminué; il est plus prononcé encore dans la jambe gauche. La peau est redevenue douce et mobile, mais les parties profondes sont le siége d'une induration presque ligneuse.

Une pression un peu forte est douloureuse.

Au niveau des taches pointillées développées autour d'un poil, il se détache un petit disque épidermique, qui emporte à son centre la petite concrétion brunâtre. Généralement le poil la suit dans sa chute.

L'anémie très-prononcée à l'entrée du malade a rapidement cédé; de 2 millions environ, les globules sanguins ont monté jusqu'à 5 millions, chiffre à peu près normal. On peut sur le tableau ci-joint suivre leur ascension progressive, ainsi que l'augmentation parallèle de la quantité d'urée rendue en 24 heures et de la densité de l'urine. Les mouvements respiratoires de 25 à 30 se sont abaissés à 16 ou 18. Le pouls de 100 à 115 est venu à 75, 80. Les muqueuses se sont colorées, la céphalalgie a disparu avec les éblouissements et les vertiges, et le malade a récupéré à peu près entièrement ses forces.

Les citrons et la limonade tartrique ont été les seuls moyens antiscorbutiques employés.

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Le tableau qui précède donne une idée assez exacte de la

maladie pour qu'il puisse à la rigueur se passer de commentaire. Il permet de suivre parallèlement l'évolution ou plutôt l'involution des symptômes que fournit l'examen du malade et celle des phénomènes plus intimes que révèle l'analyse.

REVUE CLINIQUE.

Revue clinique chirurgicale.

HOPITAL SAINT-LOUIS

SERVICE DE M. DUPLAY.

Hypertrophie de la prostate. Rétention d'urine. Ulcération et perforation de la vessie. Abcès sous-péritonéal extrêmement étendu avec décollement remontant jusqu'au diaphragme.

Le malade, âgé de 65 ans, est entré dans le service le 15 mars 1877. Depuis sept ou huit ans, il éprouvait quelques diffiultés à uriner, les besoins étaient fréquents, le jet d'urine moins volumineux et moins énergique; cependant il n'y avait jamais eu de rétention complète, lorsque deux jours avant l'entrée à l'hôpital, et après un léger excès alcoolique, la miction devint absolument impossible. Après avoir attendu quarante-huit heures sans pouvoir uriner et sans qu'aucune tentative de cathétérisme ait été faite, le malade se décide à entrer à l'hôpital. L'interne du service constate une hypertrophie considérable de la prostate, introduit sans aucune difficulté une sonde d'argent dans la vessie, et évacue environ un litre d'urine mélangée d'une très-petite quantité de sang.

Le lendemain, on trouve la région hypogastrique uniformément gonflée, tendue, rénitente, mate à la percussion, très-douleureuse à la pression même superficielle. On attribue ce gonflement à une distension extrême de la vessie. Le cathétérisme pratiqué sur-le-champ donne issue à un demi-litre d'urine non sanguinolente, et malgré l'évacuation de la vessie, la région hypogastrique reste tendue, mate et douloureuse. Une sonde molle de caoutchouc vulcanisé est laissée à demeure. (Injection d'eau tiède dans la vessie, purgatif.)

17 mars. Le gonflement de la région hypogastrique est beaucoup plus accusé que la veille; il occupe à proprement parler toute la région sous-ombilicale et s'étend aux fosses iliaques. Il existe même une légère teinte rosée de la peau et les veines sous-cutanées se dessinent. Douleur plus vive à la pression.

Etat général grave, facies pâle, altéré. Pouls mou, dépressible, à

96. Température, 39. Soif vive, langue sèche, inappétence, pas de vomissements. Quatre garde-robes sous l'influence du purgatif de la veille. La sonde fonctionne régulièrement. Le toucher rectal ne dénote rien de particulier; prostate volumineuse, non douloureuse à la pression.

Le malade de nouveau interrogé sur les circonstances qui ont précédé la rétention d'urine affirme très-catégoriquement qu'il n'a reçu aucun coup sur l'abdomen, qu'il avait seulement bu plus que d'ordinaire, qu'il n'était pas ivre.

Les jours suivants l'état s'aggrave de plus en plus. Quoique la sonde fonctionne très-régulièrement le gonflement de la région sousombilicale persiste au même degré et avec les mêmes caractères; cependant on constate bientôt dans les parties qui sont le siége de ce gonflement, au lieu de la matité qui existait primitivement, une sonorité exagérée et même un bruit hydroaérique très-net.

Le malade va s'affaiblissant de plus en plus; il survient bientôt une dyspnée extrême, et on constate la présence d'un bruit de souffle au niveau de la fosse sous-épineuse avec matité du côté gauche; enfin, la mort arrive le 24 mars.

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- Autopsie. La paroi abdominale est divisée par deux incisions, l'une verticale partant de l'appendice xiphoïde jusqu'à la symphyse pubienne, l'autre horizontale passant à deux travers de doigt audessous de l'ombilic. Par ces deux incisions on pénètre dans une vaste cavité, occupant toute la région hypogastrique, contenant des gaz infects et une petite quantité d'un liquide brunâtre, foncé. Cette cavité, à parois anfractueuses, est limitée en avant par les muscles abdominaux en partie détruits et réduits à un putrilage noirâtre, gangréneux; en arrière et en haut par une membrane épaisse, de couleur brunâtre, grisâtre par places, recouverte d'un pus épais et adhérent, présentant une surface inégale, ramollie. Cette membrane, qui isole complètement la collection purulente des intestins et de la cavité péritonéale absolument saine, paraît être constituée par le péritoine lui-même séparé des muscles abdominaux. Le fond de cette vaste collection répond à la vessie, et en insufflant celle-ci par l'urèthre, on s'assure immédiatement de l'existence d'une perforation établissant une communication entre la cavité anormale et la vessie.

Un examen plus complet fait bientôt découvrir que la collection purulente hypogastrique présente des prolongements considérables le long des parois postérieure et latérale de l'abdomen. En arrière et à gauche, le péritoine est décollé depuis la fosse iliaque jusqu'au diaphragme et transversalement depuis la colonne vertébrale jusqu'au niveau du flanc gauche. La collection purulente a fusé sous le rein gauche, dont la face antérieure est saine. Au niveau des insertions

costales du diaphragme, le muscle présente en plusieurs points la même altération gangréneuse qui existait au niveau des muscles de la région abdominale antérieure; le tissu musculaire est noirâtre, ramolli au point de se déchirer sous le moindre effort, et sans que l'on puisse nettement constater le siége d'une perforation, on peut admettre qu'elle existait, car la plèvre du côté gauche renfermait une certaine quantité du même liquide brunâtre, gangréneux, qui formait la collection hypogastrique.

Du côté droit, même décollement du péritoine, remontant le long de la fosse iliaque, passant au-dessous du cæcum, du rein droit, et arrivant jusqu'au voisinage du diaphragme, mais sans l'atteindre. De ce côté, le même liquide brunâtre a fusé en petite quantité par le canal inguinal et commençait à s'infiltrer le long du cordon spermatique.

Nous avons noté la perforation du diaphragme du côté gauche ou du moins le ramollissement gangréneux de ce muscle, qui a donné lieu à un épanchement de la plèvre gauche, constitué par un liquide brunâtre, gangréneux. La plèvre de ce côté ne présente pas de fausses membranes, elle est seulement fortement injectée. Le poumon est sain, revenu sur lui-même. La plèvre droite est saine, sauf quelques adhérences très-anciennes au sommet. Poumon droit légèrement emphysémateux.

Foie congestionné, normal.

Rate, petite, atrophiée, non diffluente.

Reins, un peu volumineux, anémiés. Pas de pus.

Vessie et urethre. L'urèthre fendu sur sa face supérieure jusqu'â la vessie, ne présente aucune lésion. La prostate est volumineuse; les lobes latéraux hypertrophiés, sont durs, fibreux; la pression fait sourdre par les orifices des glandes un liquide muco-purulent. Il n'y a pas la moindre suppuration du tissu prostatique. La vessie offre les lésions habituelles de la cystite chronique. Les parois ont près d'un centimètre d'épaisseur. La surface interne est tomenteuse, inégale, parcourue par des plis saillants, vivement injectée, présentant par places une couleur ardoisée, et recouverte çà et là de concrétions brunâtres, adhérentes.

Enfin, en haut et à droite se trouve une perforation large comme une pièce de cinquante centimes, assez régulièrement arrondie, à bords d'un gris jaunâtre, amincis, et ulcérés du côté de la muqueuse. Cette perforation communiquait avec la cavité anormale développée à la région hypogastrique.

Les perforations de la vessie sont peu communes, et à ce titre seul l'observation qui précède offre un réel intérêt. Le mécanisme de cette perforation est ici peu facile à saisir. L'existence des signes du phlegmon hypogastrique, au moment même de l'entrée du malade à

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