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l'écartement des mâchoires et de la traction de la langue par l'un des moyens que nous avons indiqués. Malgré ces inconvénients, il ne nous paraît guère possible d'opérer sans chloroforme, lorsqu'il s'agit d'une tumeur située vers la base de la langue.

Quoi qu'il en soit, il faut pour la complète description du manuel opératoire considérer deux cas, suivant que la tumeur occupe la ligne médiane ou qu'elle siége sur les parties latérales de la langue.

I. La tumeur occupe la ligne médiane.

a. Si la tumeur occupe la ligne médiane près de la pointe, ou tout au moins, la moitié antérieure de la langue, l'opération est très-simple. Bien que nous n'ayons pas eu l'occasion de la pratiquer nous sommes persuadé qu'elle n'offre aucune difficulté.

Une seule aiguille est enfilée à la partie moyenne du fil et maintenue à angle droit entre les mors de la pince. On engage la pointe sur la partie latérale gauche et inférieure de la langue plus ou moins en arrière du frein et on la fait ressortir du côté droit, en un point symétrique. Après avoir dégagé complètement l'aiguille et l'avoir amenée hors de la bouche, entraînant avec elle les deux extrémités du fil, on coupe la partie moyenne de l'anse pour dégager l'aiguille. On a ainsi deux fils placés transversalement au-dessous de la langue, dans le mème trajet. On reconnaît par quelques tractions les extrémités correspondantes de chacun des fils et on procède à la fixation des anses en réunissant les deux extrémités de l'un des fils sur la partie moyenne de la face dorsale de la langue, en arrière de la tumeur, et les deux extrémités de l'autre fil, sur le frein luimême, au-dessous de la langue. On a ainsi, comme il est facile des'en rendre compte, établi deux anses, l'une horizontale, l'autre verticale, qui isolent complètement la partie antérieure de ialangue et assurent sa mortification.

b. Si la tumeur est située en arrière, vers la base de la langue, si, en un mot, l'on a à pratiquer l'amputation totale de la

dangue et non plus seulement l'amputation partielle de sa moitié antérieure, la manoeuvre n'est pas différente, elle est seulement plus difficile. L'aiguille enfilée de la même manière devra être conduite aussi loin que possible dans le sillon de la partie latérale gauche de la base, de manière à passer transversalement au-dessous de la langue, en se rapprochant plus ou moins des insertions à l'os hyoïde. Le dégagement de l'aiguille sur le côté opposé peut offrir quelques difficultés, mais on arrive cependant à ramener celle-ci complètement au dehors en saisissant, au besoin, sa pointe, dès qu'elle apparaît, avec les mors d'une pince à pansement. L'anse de caoutchouc coupée à sa partie moyenne, les deux fils sont serrés et assujettis, comme dans le cas précédent, l'un sur la face dorsale de la langue, au niveau de la base; l'autre au-dessous de la face inférieure et au niveau du frein. Les deux anses perpendiculaires l'une à l'autre étreignent dans ce cas tout l'organe. La seule difficulté est d'assujettir le noeud de l'anse sur la face dorsale, à cause de la profondeur à laquelle il faut agir. Peutêtre, le meilleur moyen serait-il d'employer, dans ce but, un tube de Galli, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'en faire usage.

II. La tumeur occupe les parties latérales de la langue.,

Dans ce cas qui est le plus ordinaire, pour ne pas sacrifier une trop grande partie de la langue, si la tumeur développée sur les parties latérales ne dépasse pas la ligne médiane, qu'elle soit plus ou moins rapprochée de la base ou de la pointe, il convient de procéder de la manière suivante :

Le fil de caoutchouc long de 60 cent. au moins est, d'avance, enfilé d'une aiguille à ses deux extrémités. La langue étant maintenue tirée hors de la bouche, la première aiguille est introduite du côté correspondant à la tumeur, en arrière de ses limites postérieures, et au-dessous des parties latérales. Sa pointe doit ressortir sur la face dorsale, au niveau de la ligne médiane et quelquefois même un peu au delà du côté opposé, suivant l'étendue de la tumeur. L'aiguille est dégagée et rame

née hors de la bouche; il vaut mieux attendre que la seconde soit passée, pour couper l'anse qui retient la première. Cette seconde aiguille est introduite sur les parties inférieure et latérales de la langue, en se rapprochantplus ou moins de la pointe, mais de manière qu'elle passe notablementen avant des limites antérieures de la tumeur.Sa pointe est dégagée sur la face dorsale comme celle de la première aiguille. Les deux aiguilles ayant été complètement dégagées par la section des anses qui les retenaient encore, il est facile de voir que l'on a ainsi, engagés en deux trajets transversaux différents, l'un antérieur, l'autre postérieur, trois segments de fil d'une certaine longueur, dont le moyen G, engagé par une de ses extrémités C, dans le trajet postérieur, passe par sa partie moyenne sur les parties inférieures et latérales de la langue et par son autre extrémité D, sort en avant, sur la face dorsale. Il y a en outre deux fils à extrémités libres, l'un en arrière l'autre en avant, passant dans les mêmes trajets et dirigés transversalement.

Si l'on noue deux à deux les extrémités de chacun de ces fils AB et EF, on aura une anse transversale postérieure et une anse transversale antérieure. Quant au fil moyen ses deux ex

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trémités libres CD étant réunies sur la face dorsale, il formera une anse antéro-postérieure dont le plein sera dans le sillon la

téral au-dessous de la langue. Le plan de cette anse se trouve, on le comprend, un peu oblique en bas et en dehors. Mais les trois anses isolent complètement la portion de la langue qui porte la tumeur.

Lorsqu'on a dégagé les aiguilles, on a quelquefois quelque peine à reconnaître les extrémités des fils qui se correspondent. On y arrive cependant par quelques tractions exercées alternativement sur chacune d'elles. Comme il importe beaucoup de confondre les extrémités au moment où on les assujettit, il est bon, lorsqu'on les a reconnues, de confier les deux extrémités du même fil à un aide différent.

ne pas

Peut-être en colorant d'avance en trois couleurs la partie moyenne et les extrémités du fil, serait-il possible d'éviter les tâtonnements. Mais l'essai que nous en avons fait, dans une de nos opérations, il est vrai, simplement avec de l'encre, ne nous a été à peu près d'aucune utilité.

Il reste à assujettir ensemble les deux extrémités correspondantes de chaque fil, en donnant à la partie moyenne de l'anse sa tension maximum.

Pour arriver à ce résultat, nous tirons simultanément sur les deux extrémités du fil, jusqu'à ce que nous sentions que l'extensibilité du caoutchouc approche de sa limite. Maintenant alors la tension à ce degré, nous entrecroisons les deux fils en leur faisant subir une rotation en sens inverse, comme si nous voulions commencer la torsion d'une suture métallique. Ce simple entrecroisement suffit pour fixer momentanément l'anse au degré de tension voulue. Un aide entoure alors le point d'entrecroisement des fils élastiques, avec un fil de chanvre ou de soie un peu fort qu'il arrête au moyen d'un double nœud ordinaire. Il n'est pas nécessaire de serrer très-fortement ce nœud de fil, car une constriction trop forte détermine quelquefois la rupture du fil de caoutchouc, et d'ailleurs, au moment, où l'on cesse de maintenir tendues ces deux extrémités du fil élastique, elles reprennent au-dessus du noeud un diamètre trois ou quatre fois plus considérable qui ne permet pas à ce dernier de glisser. Il ne reste qu'à couper avec des ciseaux, presque au ras, les deux fils, et l'anse se trouve solidement fixée et parfaitement tendue.

Phénomènes consécutifs. - Immédiatement après l'application de la dernière anse élastique, la tumeur étranglée et cessant de recevoir du sang prend une teinte violacée. Ce phénomène est commun aux différents modes de ligature.

Les anses élastiques commencent alors à se creuser un sillon autour de la masse isolée. Ce sillon s'ulcère et devient plus profond, les jours suivants et la section s'achève en général vers le dixième jour.

Une seule fois nous avons vu l'eschare se détacher au bout de sept jours. Dans un autre cas, par suite de l'application imparfaite des anses et de la persistance d'un petit pont de tissu sain, la tumeur ne se détacha pas spontanément et il fallut sectionner ce pédicule. Mais en suivant exactement la marche indiquée plus haut pour le passage des fils, cet inconvénient n'est pas à craindre.

Autour de la tumeur qui se transforme en eschare et ne tarde pas à présenter une teinte grise ou brunâtre, il est remarquable que les parties voisines de la langue ne subissent aucune tuméfaction. Nous avons seulement observé, mais non d'une façon constante, de l'œdème de la muqueuse du plancher buccal, et une fois un gonflement de toute la région sous-maxillaire accompagnée de tuméfaction des ganglions.

Le peu de réaction inflammatoire qui succède à l'application de la ligature explique l'absence de phénomènes généraux dans la plupart des cas. Deux opérés seulement ont présenté un peu d'élévation de température et un mouvement febrile momentané.

Mais ce qu'on observe toujours c'est la putridité des liquides buccaux. Il est, heureusement, assez possible de la combattre, à l'aide d'injections, si l'opéré lui-même ne prend pas le soin de se laver fréquemment la boucle dans la journée. Nous employons pour ces lavages et ces injections une solution saturée de chlorate de potasse, dont l'action est très-efficace pour faire disparaître l'odeur putride.

La douleur s'atténue en général assez rapidement après l'opération et ne persiste que pendant quelques heures. Un de nos opérés, cependant, a souffert de douleurs assez vives pen

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