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cette année même un bourgeon anticipé, et alors je le palisse aussitôt que possible dans la direction voulue, et j'en forme la suite du membre dévié sans trop m'inquiéter des reproches qu'on fait à ces sortes de productions, ou bien cet œil attendra l'année suivante pour se développer, et j'aurai soin encore, aussitôt que la jeune pousse s'y prêtera, de la maintenir exactement sur la ligne qu'elle doit couvrir (fig. 194). Dans l'un ou dans l'autre cas, j'ai donc les éléments nécessaires au prolongement interrompu. D'autre part, je n'ai point à faire, à une époque déterminée, le sacrifice toujours regrettable des produits de la végétation. Entin je reste maître, comme précédemment, de modérer la prédominance de la mère branche, que je puis arrêter, si je le juge convenable, pour laisser à la sous-mère le temps de creuser son lit à la sève. Pour les bifurcations suivantes, je continue d'appliquer le même procédé, en laissant toujours la serpette de côté.

Je passerai maintenant au résumé de mes idées et de ma pratique sur l'éducation du Pêcher. Je dis pratique, parce que la théorie n'a de valeur que par les faits, et que, après les faits, la question se trouve vidée.

PRINCIPE: Pliez l'arbre pendant qu'il est jeune; lorsqu'il sera grand, il ne sera plus temps.

PRATIQUE: 1o Arrêter la forme qu'on veut donner à l'arbre et l'indiquer sur le mur ou sur le treillage, soit avec des lignes d'une couleur quelconque, soit avec des baguettes de bois bien droites.

20 Au printemps qui suit la plantation, choisir, sur le sujet et de chaque côté, des yeux aussi opposés que possible, d'où doivent sortir les premiers éléments de la charpente. Si le sujet est pourvu de deux écussons ou d'un œil double ou triple sur le devant et à une hauteur convenable, le choix se trouve tout fait.

5o Aussitôt que le permettent les jeunes pousses provenant de ces yeux, leur donner tout de suite la direction indiquée pour les premières branches de la forme adoptée, cette direction fût-elle même horizontale; et, après un certain développement, relever les extrémités pour y favoriser l'accès de la sève; mais, sous aucun prétexte, ne laisser prendre à ces jeunes pousses un pli qu'il faudrait corriger plus tard, au risque de se trouver souvent en face de l'impossible, et toujours des périls les plus graves.

4o L'année suivante, s'il s'agit de la forme carrée ou de la palmette double, se bien garder de tailler les rameaux obtenus, afin de faire une bifurcation destinée à produire simultanément les

branches supérieures et inférieures; conserver, au contraire, soigneusement ces rameaux pour former seulement ces dernières, celles qui faiblissent toujours trop tôt, sauf à laisser, mais le moins possible, les extrémités sur un œil bien constitué si elles sont faibles.

5° Aussitôt que la végétation aura fait développer les yeux de ces rameaux, choisir sur le dessus ou sur le devant de chacun et

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Fig. 193. — Produit que la pratique ordinaire de la taille du Pêcher fournit en trois ans.

le plus près possible de son insertion, le bourgeon destiné à produire la mère branche, et, au moyen du pincement, le maintenir à l'état de coursonne durant toute la saison.

6o Au retour des opérations de la taille, laisser partir la mère branche sur l'œil le plus convenablement placé de la coursonne réservée, et appliquer aussitôt que possible la jeune pousse sur la ligne qui lui est assignée; mais, avant de prendre un parti, calcu

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ler si la première branche de la charpente qui va commencer sa troisième année est assez forte pour soutenir la lutte avec un membre à la vérité plus jeune de deux ans, mais aussi réunissant toutes les conditions pour attirer la sève. Dans le cas où celui-ci serait jugé devoir prendre une revanche trop large pour l'arrêt qu'il a subi, ajourner la lutte à l'année suivante; car ici il vaut mieux pécher par excès que par défaut de prudence.

7° Lorsque la mère branche, une fois partie, aura atteint le second point de bifurcation, se garder encore de la tailler, mais la faire dévier de sa direction pour lui faire prendre celle de la seconde sous-mère, dont elle doit remplir le rôle.

8o Choisir, pour la continuation de la branche déviée, l'œil placé sur ou devant la courbure qu'elle vient de subir, et, soit que cet œil se développe en bourgeon anticipé dès cette année, soit qu'il attende l'année suivante, maintenir la jeune pousse qui en proviendra exactement sur la ligne qu'elle doit couvrir. 9o Répéter le même procédé pour les bifurcations suivantes. C. A. DUPERRON,

Sous-directeur de la ferme-école de Pont-de-Veyle.

Culture de l'Artichaut comme plante annuelle.

Les classes laborieuses éprouvent des privations pénibles à supporter, quand certains produits de l'horticulture maraichère se trouvent hors de leur portée par l'élévation de leur prix : c'est ce qui est arrivé cette année pour les Artichauts. Ceux de première grosseur n'ont pas valu moins de 25 à 30 centimes la pièce; quand ils sont à ce prix, les personnes aisées et riches peuvent seules en acheter. Pour le reste de la population des villes, c'est comme s'il n'y en avait pas.

L'hiver dernier n'a point été d'une rigueur exceptionnelle; il ne s'est pas non plus terminé par ces retours de froids tardifs si redoutés des jardiniers; les Artichauts buttés et couverts de paille ou de feuilles sèches, comme à l'ordinaire, avaient assez bonne aspect au sortir de l'hivernage; puis, sans cause apparente, sans que les souches fussent, comme on a pu le croire un moment, attaquées par des larves d'insectes, les Artichauts ont en quelques semaines presque totalement disparu du sol. C'est ce que nous avons pu observer aux environs de Paris, surtout dans les cultures fort étendues des marais de Montreuil, près de Versailles.

Là, beaucoup de maraîchers ont à peine sauvé assez de vieilles plantes pour avoir la quantité d'œilletons nécessaire au renouvellement de leurs plantations. Dans l'Aisne, les grandes cultures d'Artichauts (Artichauts de Laon) n'ont pas moins souffert; les principaux centres de production n'ont presque rien expédié aux halles de Paris; le peu qu'on en a reçu a été enlevé à des prix exagérés; nous en avons vu vendre en gros à 20 francs le cent; ils n'étaient que de seconde grosseur : ceux qui les achetaient devaient les revendre en détail après les avoir fait cuire.

Des conjonctures pareilles se reproduisent périodiquement à des intervalles assez rapprochés; les cultivateurs d'Artichauts qui n'ont pas assez de ressources pécuniaires pour recommencer sur nouveaux frais, se trouvent en pareil cas ruinés sans remède, et, d'autre part, il y a là un besoin réel des populations urbaines qui n'est pas satisfait. On peut conseiller aux cultivateurs de multiplier les semis et d'élever, l'année prochaine, la plus grande quantité possible de plants de semis, dont ils peuvent espérer des sous-variétés plus rustiques et moins sujettes à disparaître à la suite de l'hivernage, que celles actuellement adoptées dans les cultures. Mais cette manière de résoudre la question ne peut promettre que des résultats éloignés; on doit, en attendant, tourner la difficulté par un procédé plus expéditif.

Tout le monde connaît l'habileté proverbiale des horticulteurs ou hortillons d'Amiens, désignés sous le même nom que leurs marais. Jamais les hortillons d'Amiens ne traitent la culture de l'Artichaut autrement que comme une culture annuelle qui tient périodiquement sa place dans les assolements réguliers, base de leur système de culture maraichère. Les œilletons d'Artichauts plantés de bonne heure au printemps, dès que les retours de gelées tardives sérieuses ne sont plus à craindre, sont très-largement fumés et régulièrement arrosés pendant toute la durée de leur végétation. Ainsi traités, ils montent tous, sans exception, et donnent une ample récolte. A l'entrée de l'hiver, tous les pieds d'Artichauts sont sacrifiés, à l'exception seulement du petit nombre dont on a besoin pour avoir, au printemps de l'année suivante, les œilletons nécessaires à la continuation de ce système de culture, en usage dans les marais d'Amiens de temps immėmorial. Aujourd'hui que, grâce au réseau de chemins de fer dont Paris est le centre, le rayon d'approvisionnement de la capitale a pris une extension indéfinie, il ne inanque pas de terrains à proximité

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