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cre Dacier qu'il ne suffit pas toujours d'apporter dans cette capitale du zèle et des talents; qu'il faut encore y être servi par les circonstances, avantage qui lui manqua pour lors. Il ne se rebuta cependant point; et, plus heureux à un second voyage, il fut présenté au duc de Montausier, qui, charmé d'ajouter un savant de plus à la liste des interprètes dauphins, le chargea de travailler sur Pomponius Festus. C'était mettre son érudition à une épreuve délicate peu d'auteurs, en effet, réclamaient aussi puissamment que celui-ci la sagacité d'un commentateur habile (voy. FESTUS). Cet ouvrage, imprimé d'abord à Paris en 1681, in-4o, le fut ensuite à Amsterdam, en 1699, in-4°, et cette édition est la plus recherchée, parce que l'on y a fait entrer les notes entières des éditeurs précédents, et de nouveaux fragments de Festus. Peu de temps après la publication de ce premier ouvrage, qui annonça Dacier d'une manière si avantageuse, il épousa l'ancienne compagne de ses études, mademoiselle Lefèvre, et cette alliance, si heureuse sous tous les rapports, puisque tous les genres de convenances s'y trouvaient réunis, ne fit que ranimer encore son zèle pour l'étude. Il donna successivement 1° les OEuvres d'Horace, en latin et en français, avec des remarques historiques et critiques, Paris, 10 vol. in-12, 1681-1689 (voy. SanaDON). Il ne faut chercher dans cette traduction, ni la grâce, ni l'élégance d'Horace; mais il y a beaucoup à profiter dans les notes; et l'érudition que le commentateur y prodigue, dirigée avec plus de goût et de sagesse, peut conduire à des résultats précieux pour l'intelligence de l'auteur. 2o Réflexions morales de l'empereur Marc-Antonin, avec des remarques et la vie de ce prince, 2 vol. in-12, Paris, 1690; 3o la Poétique d'Aristote, traduite en français avec des remarques sur tout l'ouvrage, 1 vol. in-4° et in-12, Paris, 1692. Quelques savants ont regardé cette traduction comme le chef-d'œuvre de Dacier; du moins n'a-t-elle pas été surpassée par celle de l'abbé Batteux, et la préface surtout est excellente. 4° OEdipe et l'Electre de Sophocle, avec des remarques, 1 vol. in-12, Paris, 1692. L'objet principal de cette traduction était de confirmer, par des exemples, la justesse des principes et l'utilité des règles exposées dans la Poétique. 5° Vies des hommes illustres de Plutarque, trad. en français avec des remarques, t. 1, Paris, 1694, in4°. Cet essai, qui ne contient que cinq Vies, avait pour but d'interroger l'opinion publique, avant de conduire plus loin une entreprise aussi longue et aussi difficile. 6° Les OEuvres d'Hippocrate, traduites en français avec des remarques, et conférées sur les manuscrits de la bibliothèque du roi, 2 vol. in-12, Paris, 1697. Ce volume ne comprend que le traité De aere, aquis et locis, le Jusjurandum, et deux opuscules apocryphes. 7° Les OEuvres de Platon, traduites en français, etc. (c'est-à-dire quelques dialogues choisis, avec la Vie de Platon et Pexposition des principaux dogmes de sa philosophie), 2 vol. in-12, Paris, 1699. 8° La Vie de Pytha

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gore, ses symboles, ses vers dorés; la Vie d'Hiéroclès, et son Commentaire sur les vers dorés, Paris, in-12, 1706. On fut redevable de cet ouvrage au règlement de 1701, qui obligeait chaque membre de l'Académie des inscriptions à entreprendre quelque ouvrage conforme au genre de ses études. 9o Le Manuel d'Epictète, avec cinq traités de Simplicius, traduits en français avec des remarques, 2 vol., Paris, 1715. 10° Vies des hommes illustres de Plutarque, etc., 8 vol. in-4o, Paris, 1721; et 9 vol. in-8°, Amsterdam, 1723, réimprimées depuis. Ce fut par ce grand travail que Dacier termina une carrière si laborieusement remplie. Inconsolable de la perte de son épouse, morte en 1720, il ne fit plus que languir les deux années qu'il lui survécut, et la suivit enfin, au moment où il flattait sa douleur de l'illusion d'avoir retrouvé une autre Lefèvre dans mademoiselle de Launay depuis madame de Stael. Il mourut le 18 septembre 1722, âgé de 71 ans, d'un ulcère à la gorge, qui l'inquiétait si peu, que la veille même il était encore à l'Académie. Ses notes sur Quinte-Curce sont en manuscrit à la Bibliothèque nationale. A-D-R.

DACIER (ANNE-LEFEVRE), épouse du précédent, naquit à Saumur en 1651. Son père, le célèbre Tannegui-Lefèvre, ne songeait point à faire de sa fille une savante; le hasard lui révéla ses rares dispositions. Présente un jour à la leçon qu'il donnait à son jeune frère, elle s'occupait à broder, et ne paraissait que prêter peu d'attention à ce qui se passait autour d'elle; mais, s'apercevant que l'écolier répondait fort mal aux questions du professeur, elle lui suggéra, en travaillant, les réponses qu'il devait faire. Surpris et charmé en même temps de cette découverte, Lefèvre partagea dès lors ses soins entre son fils et sa fille, et bientôt l'écolière fit, sous un maître aussi habile, des progrès qui l'étonnèrent lui-même. En peu de temps elle sut assez de latin pour entendre Phèdre et Térence : elle passa alors à l'étude du grec, et fut bientôt capable de lire Anacréon, Callimaque, Homère et les tragiques. Un nouveau motif d'émulation vint seconder ses dispositions et son goût pour l'étude des lettres anciennes. Son père lui donna le jeune Dacier pour émule et pour' compagnon de ses travaux; et cette liaison, formée d'abord par la conformité des goûts et des études, devint ensuite une alliance respectable, cimentée par l'estime et la tendresse mutuelles. Après la mort de son père, arrivée en 1672, mademoiselle Lefèvre vint à Paris, déjà précédée d'une réputation qu'elle justifia bientôt par son édition de Callimaque. Averti de son mérite par le bruit public, le duc de Montausier lui fit proposer de travailler à quelques-uns des auteurs latins destinés à l'éducation du dauphin; mais elle refusa d'abord cette tâche honorable comme trop supérieure à ses forces. De nouvelles instances triomphèrent de sa modestie, et elle se chargea avec succès d'interpréter et de commenter Aurelius Victor, Florus, Dictys de Crète, et Darès le Phrygien. Ce fut au milieu de ces doc

dicus et le Rudens, comédies de Plaute, traduites en français, avec des remarques et un examen selon les règles du théâtre, Paris, 3 vol. in-12, 1683; 8° le Plutus et les Nuées d'Aristophane, traduits en français, avec des remarques et un examen de chaque pièce selon les règles du théâtre, Paris, 1 vol. in-12, 1684. C'est la première traduction française que l'on ait hasardée de ce fameux comique. 9° Les Comédies de Térence, traduites en français avec des remarques, 3 vol. in-12, Paris, 1688; Amsterdam, 1691; Zittau, 1705; Rotterdam, 1717, 3 vol in-8°, avec des figures à chaque acte, empruntées des anciens manuscrits, et qui représentent les masques et l'action de chaque personnage; 10° deux Vies des hommes illustres de Plutarque, traduites en français : elles font partie de la traduction complète des Vies de ce célèbre biographe, entreprise d'abord par M. et madame Dacier, mais dont M. Dacier resta seul chargé; 11° l'Iliade d'Homère, traduite en français avec des remarques, Paris, 1699, 4 vol. in-12; ibid., 1711, 1720, etc.; 12o Des causes de la corruption du goût, Paris, 1714, 1 vol. in-12; Amsterdam, 1715, in-8°. Cet ouvrage est entièrement dirigé contre La Mothe, qui, dans la préface de son abrégé en vers français de l'Iliade, s'était permis de juger un peu sévèrement le prince des poëtes. Le zèle de la bonne cause entraîna madame Dacier au delà des bornes que le goût et la politesse prescrivent à ces sortes de discussions; son adversaire lui répondit avec autant d'esprit que d'agrément; ce qui fit dire que madame Dacier avait écrit et combattu en savant, et La Mothe, avec les grâces et la facilité d'une femme d'esprit. 13° Homère défendu contre l'apologie du R. P. Hardouin, Paris, 1 vol. in-12, 1716; Amsterdam, 1717. C'est un nouveau factum en faveur d'Homère, contre l'apologie prétendue du P. Hardouin, qui, était aux yeux de madame Dacier, la plus grande injure que le prince des poëtes cût jamais reçue. 14° L'Odyssée d'Ho

tes travaux, au commencement de 1683, qu'elle | épousa M. Dacier. Quelques biographes ont prétendu qu'elle avait précédemment contracté un premier engagement avec un libraire de Saumur, qu'ils nomment Jean Lesnier; mais ils ne donnent rien de positif sur la durée de cet engagement et sur les causes qui le rompirent. Monsieur et madame Dacier, nés tous deux protestants, renoncèrent solennellement à leur religion en 1685, et plusieurs mois avant qu'il fût question de la révocation de l'édit de Nantes. Pour donner à cette action le moins d'éclat possible, et détourner d'eux jusqu'au moindre soupçon que des vues d'ambition ou de fortune entrassent pour quelque chose dans ce changement, ils se retirèrent à Castres, patrie de M. Dacier. Il fallut un ordre du roi pour les rappeler à Paris, et les rendre à leurs travaux littéraires. Le soin le plus important de madame Dacier fut alors de se livrer tout entière à l'éducation de deux filles, et particulièrement d'un fils, qui répondit si bien aux soins de l'institutrice, qu'à dix ans il lui dérobait furtivement les auteurs grecs dont elle lui interdisait la lecture, comme encore trop difficile pour lui. Ce jeune prodige mourut à peine àgé de 11 ans. L'aînée des filles se fit religieuse à l'abbaye de Longchamp, et la seconde mourut à 18 ans. On ne peut lire sans attendrissement les regrets que sa mère a consacrés à sa mémoire dans la préface de son Iliade. Quand M. Dacier épousa mademoiselle Lefèvre, on dit assez plaisamment que c'était le mariage du grec et du latin. Cette alliance fut heureuse, et surtout féconde en productions utiles; car, indépendamment des ouvrages auxquels elle travailla en commun avec son mari, et parmi lesquels il faut distinguer les Réflexions de l'empereur Marc-Antonin, nons avons de madame Dacier: 1° Callimachi hymni, epigrammata et fragmenta, græce et latine ; nec non ejusdem poematium de coma Berenices, a Catullo tersum, edente cum notis et indice, Anna Tana-mère, traduite en français avec des remarques, quilli Fabri filia, Paris, in-4o, 1674. La préface et les notes de madame Dacier ont été réimprimées ensuite dans l'édition de Grævius, Utrecht, 1697, et plus récemment dans celle de Spanheim; 2o L. A. Flori historia romana ad usum delph., Paris, in-4o, 1674; Oxford, in-8°, 1692; Venise, in-4o, 1714; 3° Dictys Cretensis et Dares Phrygius, ad us. delph., Paris, in-4°, 1684; 4° Sexti Aurelii Victoris historiæ romanæ compendium, cum interpreta- | tione et notis, ad usum delph., Paris, in-4o, 1681; 5o les Poésies d'Anacréon et de Sapho, traduites du grec en français avec des remarques, Paris, 1681, in-12. Despréaux a dit de cette traduction qu'elle devait faire tomber la plume des mains à tous ceux qui entreprendraient de traduire ces poésies en vers. Elle fut réimprimée in-8° à Amsterdam, en 1716, avec les notes latines de Tanneguy-Lefèvre, et la traduction en vers français de Lafosse. 6o Eutropii historiæ romanæ breviarium, etc., cum notis et emendationibus, ad us. delph., Paris, in-4°, 1683; Oxford, in-8°, 1696; 7° l'Amphytrion, l'Epi

Amsterdam, 1708, 1717; Paris, 1716, 1746, 3 ou 4 vol. in-12. L'Iliade et l'Odyssée réunies, ont été réimprimées en 8 volumes, Paris, 1756. Malgré des titres si nombreux et si bien fondés, à la célébrité; malgré les hommages flatteurs qu'ils lui attiraient de toutes parts, madame Dacier ne sortit jamais des bornes de la modestie; et si elle parut s'oublier un moment, en mettant trop de chaleur dans la défense de son poëte chéri, c'est un excès de zèle bien pardonnable en faveur d'une cause qui alors avait grand besoin d'appui. On doit lui savoir gré du courage qu'elle montra dans cette circonstance; et il ne fallait rien moins qu'une semblable réarrêter l'invasion des barbares. Ce fut le signal de cette guerre célèbre où Boileau prit une part si active, et dont il contribua surtout à déterminer le succès. Aussi ce grand critique, cet admirateur si éclairé des anciens, faisait-il de madame Dacier un cas particulier : il la plaçait, dans son estime, infiniment au-dessus de son mari. «< Dans « leurs productions d'esprit, faites en commun, di

sistance pour

« sait-il, c'est elle qui est le père. » Bien loin de se prévaloir des avantages que ses connaissances lui donnaient sur les autres, madame Dacier évitait les conversations savantes, et ses amis même avaient de la peine à l'engager dans les discussions littéraires. Ceux qui ne la connaissaient pas, ne voyaient en elle qu'une femme ordinaire et qui gardait soigneusement les bienséances de son sexe. On cite d'elle plusieurs traits de modestie. Un seigneur allemand, très-instruit, la priait un jour de s'inscrire sur le livret où il recueillait les noms des personnages célèbres qu'il rencontrait dans ses voyages. Elle opposa une longue résistance, et, vaincue enfin par les instances réitérées du jeune voyageur, elle écrivit son nom, avec un vers de Sophocle, dont le sens est que « le silence est l'ornement des fem«mes. » Souvent pressée de publier les remarques qu'elle avait faites sur quelques parties de l'Écriture sainte, elle répondait « qu'il convenait aux « femmes de lire et de méditer l'Écriture, mais « de garder sur ces matières le silence que leur « recommande St. Paul. » L'Académie des Ricovrati de Padoue, lui donna en 1684 une place dans son sein, et la survivance de son époux à la place de bibliothécaire du roi qui lui avait été accordée ; distinction glorieuse, dont sa mort, arrivée le 17 août 1720, l'empêcha de jouir. Elle était âgée de 69 ans, et avait passé dans les souffrances les deux dernières années de sa vie. (voy. CHARLEVAL.) L'on a reproché à ce couple célèbre, de porter jusqu'au fanatisme le respect dû aux anciens; et, il faut en convenir, le culte que leur avaient voué monsieur et madame Dacier n'était point exempt de superstition. Mais cet excès, qui d'ailleurs a son côté estimable, ne peut altérer en rien la reconnaissance que doivent tous les bons esprits aux travaux réunis de ces deux savants, et aux services qu'ils ont rendus aux lettres françaises, en les enrichissant, avec une si constante persévérance, de tant d'ouvrages précieux. On a fait beaucoup mieux depuis, sans doute; mais ils n'en ont pas moins la gloire d'avoir ouvert et exploité les premiers cette mine si riche et si féconde des trésors de l'antiquité. A-D-R.

DACIER (BON-JOSEPH), secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et membre de l'Académie française, naquit le 1er avril 1742 à Valogne en Normandie. Destiné par ses parents à l'état ecclésiastique, après avoir fait ses humanités au collége de sa ville natale, il vint à Paris, où il entra boursier au collége d'Harcourt, et joignit l'étude de la théologie à celle des lettres. Ses dispositions précoces l'ayant fait connaître des frères La Curne (voy. SAINTE-PALAYE), ils l'admirent au nombre des jeunes gens studieux dont ils s'aidaient dans leurs recherches et pour le classement des nombreux matériaux qu'ils avaient réunis, tant sur l'ancienne langue française que sur l'histoire de France. Dacier dut aux frères La Curne d'être en rapport avec Foncemagne, qui, devenu son protecteur le plus zélé, lui fit partager les exercices du

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duc de Chartres (1) dont il était le sous-gouverneur, et l'introduisit dans les sociétés les plus distinguées où il puisa cette fleur de politesse dont il resta toute sa vie un modèle accompli, mais en même temps aussi ce goût des plaisirs et de la dissipation qui l'empêcha d'attacher, comme il en était capable, son nom à des ouvrages de quelque étendue. Foncemagne, veuf et ayant eu le malheur de perdre son fils unique, concentra de plus en plus son affection sur Dacier; il lui permit de renoncer à l'état ecclésiastique et le dédommagea des avantages que cet état aurait pu lui procurer. En 1772 Dacier publia la traduction des Histoires diverses d'Elien, que Formey avait déjà traduites en 1764 (voy. ELIEN); et l'estime qu'elle obtint dès le moment de sa publication lui prouva qu'il avait eu raison de ne pas se laisser effrayer par la concurrence du traducteur de Berlin. Ce travail, qui fait autant d'honneur à son goût qu'à son érudition, n'aurait cependant pas stiffi pour lui ouvrir les portes de l'Académie des inscriptions, si Foncemagne eût eu moins de crédit dans cette compagnie. Il y fut admis en 1772; et deux ans après il succéda dans la place de garde des chartes à Lebrun, le traducteur de l'Iliade et de la Jérusalem délivrée (voy. LEBRUN). Depuis son admission à l'Académie, il se livrait aux recherches historiques, et pour se délasser, il traduisit la Cyropédie de Xénophon, qu'il fit paraître en 1777. A cette époque, Dacier s'occupait déjà de préparer une nouvelle édition des Chroniques de Froissard; et l'on ne saurait trop regretter que les circonstances ne lui aient pas permis d'achever une tâche que personne n'était capable de mieux remplir. Le secrétaire perpétuel de l'Académie, Dupuy (voy. ce nom), ayant donné sa démission en 1782, Dacier fut choisi pour le remplacer. Comprenant toute l'importance de ses nouvelles fonctions, il s'y dévoua tout entier, et n'eut plus dans ses travaux d'autre but que la gloire et les intérêts de l'Académie, avec laquelle il s'était pour ainsi dire identifié. C'est à ses constantes démarches qu'elle fut redevable de l'augmentation du nombre des pensionnaires et du fonds des jetons; de la création d'une classe d'académiciens libres; de l'établissement d'un comité, chargé de dépouiller les nombreux manuscrits de la bibliothèque du roi, et d'en publier des notices ou des extraits (2); et, enfin d'un nouveau règlement qui, sans rien altérer dans l'essentiel de la constitution primitive de l'Académie, était plus en rapport avec les changements arrivés dans les mœurs depuis Louis XIV. Plusieurs mémoires lus dans des séances publiques, et où l'élégance du style était jointe à l'étendue et à l'exactitude des recherches, ajoutaient presque chaque année à la considération dont jouissait Dacier. En 1784 il fut pourvu de la charge d'historiographe des ordres réunis de St-Lazare, de Jérusalem et du Mont-Carmel, dont Mon

(4) Père du roi Louis-Philippe.

(2) Il a déjà paru de cette collection 12 volumes in-".

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tration de ce magnifique établissement, il concourut beaucoup à l'enrichir par des nouvelles acquisitions. Nommé membre du tribunat en 1802, il y fit plusieurs rapports sur des lois de finances, et ne cessa de faire partie de ce corps qu'à sa suppression. Ayant été consulté par le premier consul sur les changements qu'il se proposait d'apporter à l'organisation de l'Institut, Dacier contribua beaucoup au rétablissement de l'Académie des inscriptions sous le titre de classe d'histoire et de littérature ancienne (1803). Le vœu unanime de ses col

sieur (depuis Louis XVIII) était alors grand maître. Trop éclairé pour ne pas sentir la nécessité des réfomes, il adopta les principes d'une révolution qui promettait la suppression des abus et l'accroissement du bonheur public; mais il était loin de prévoir tous les excès et les malheurs qui devaient être la suite et l'inévitable conséquence de pareilles réformes faites d'une manière aussi brusque et aussi absolue. Elu membre du corps municipal de Paris en 1790, Dacier fut chargé des travaux nécessaires pour établir dans cette grande ville le nouveau système des contributions directes; et illègues lui rendit aussitôt la place de secrétaire s'acquitta d'une tâche si contraire à ses goûts et à ses habitudes de manière à mériter le suffrage des personnes les plus éclairées. L'infortuné Louis XVI, qui connaissait les véritables sentiments de Dacier et qui l'avait appelé quelquefois près de lui dans des moments de crise, lui offrit le portefeuille des finances; mais il le refusa, prétextant son incapacité pour les affaires. D'après la marche des événements, Dacier, redontant une catastrophe prochaine, ne se trouvait déjà que trop en évidence; et, s'il l'eût pu, depuis longtemps il se serait démis de ses modestes emplois pour retourner à ses occupations littéraires. La déplorable journée du 10 août 1792 le trouva siégeant à l'hôtel de ville; et l'on peut présumer qu'il eut été la victime de son attachement aux principes monarchiques, si son confrère Dussaulx (voy. ce nom), ne se fût empressé de le soustraire au danger. Dès qu'il fut remis de cette première alarme, il reprit ses habitudes de travail, et revint même aux Chroniques de Froissard, qu'il n'avait jamais entièrement perdues de vue, et dont les premières feuilles étaient déjà sorties des presses de l'imprimerie nationale. La suppression des Académies, prononcée en 1793, le força d'ajourner à des temps meilleurs une édition qui lui avait coûté tant de soins et de recherches; mais ce qu'il y eut de plus fàcheux c'est qu'une grande partie de ses matériaux, déposée au secrétariat de l'Académie des belles-lettres, fut dispersée et perdue pour la France, comme pour lui (1). Dacier se tint caché dans le voisinage de Paris, tant que dura l'odieux régime de la terreur. Plus tard il accepta le titre de conservateur des monuments des arts dans le district de Gonesse; et quelque temps après la place de commissaire du Directoire exécutif pour le canton de Louvres, place qui lui fournit des occasions assez fréquentes de rendre service aux victimes de nos troubles civils. A la création de l'institut en 1795, il fut nominé membre de la classe des sciences morales et politiques. En 1800 il remplaça Legrand d'Aussy au département des manuscrits de la Bibliothèque du roi ; pendant vingt ans qu'il resta chargé de l'adminis

(4) Dacier a lui-même rendu compte des pertes qu'il avait éprouvées à cette occasion dans son Rapport sur le progrès des sciences historiques depuis 1789. Independamment de la plus grande partie de son travail, on lui enleva les manuscrits dont il s'etait servi pour corriger le texte de Froissart, entre autres celui de la bibliothèque de Besançon, qu'il regardait comme un des plus précieux, et qui se trouve maintenant en Russie.

perpétuel qu'il avait remplie d'une manière si distinguée jusqu'à la suppression de cette compagnie. En restituant son ancienne dénomination à l'Academie, la restauration ne changea d'ailleurs rien à la position de Dacier. Ainsi, malgré la suspension assez longue qu'il éprouva dans l'exercice de ses fonctions, on peut le regarder comme ayant joui constamment depuis 1782 jusqu'à sa mort de la confiance et de l'estime de ses confrères. Obligeant par caractère, il l'était particulièrement à l'égard des jeunes gens qui montraient des dispositions réelles pour les lettres. Il les dirigeait luimême dans leurs études, encourageait leurs efforts, et jouissait de leurs succès plus que des sieus propres, auxquels on peut lui reprocher d'avoir été trop indifférent (1). Il concourut, dans le même temps, par ses conseils, et quelquefois plus activement encore, à la rédaction de grands ouvrages, parmi lesquels, imitant la retenue de son éloquent panégyriste (M. le baron Silvestre de Sacy), on ne citera que l'Iconographie grecque de Visconti. Une maladie grave qu'il éprouva, dans les premiers mois de 1822, et qui fit craindre pour ses jours, fournit à ses confrères l'occasion de manifester leurs sentiments, en célébrant (le 23 avril) sa convalescence et sa cinquantaine académique par une fête littéraire, la première de ce genre en France. La même année Dacier remplaça le duc de Richelieu à l'Académie française ; et le discours qu'il prononça pour sa réception (28 novembre) prouva que l'age ne lui avait rien fait perdre de ses brillantes facultés. Désormais il lui était impossible de revenir à l'édition de Froissart; mais, tout ce qu'il avait pu sauver de ses travaux sur cet historien, il le remit à un jeune littérateur, M. Buchon, qui préparait un recueil des Chroniques françaises; et si l'édition de Froissart de 1824 ne remplit pas tout ce qu'on avait droit d'attendre de Dacier, elle offre du moins un texte souvent épuré pour la critique et plus digue de confiance que celui des éditions précédentes. Dacier, créé membre de la Légion d'honneur en 1804, reçut le grade d'officier après la restauration; en 1816 il fut nommé chevalier de St-Michel; et le roi Charles X, à l'occasion de son sacre, lui conféra le titre de baron.

(4) Parmi les élèves de Dacier qui lui font le plus d'honneur, on doit distinguer Abel Rémusat et St-Martin, tous deux enlevés à la fleur de l'âge par le terrible fléau qui désola Paris en 1852 (voy. leurs noms.)

t. 39.

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sous la direction duquel il acquit des connaissances
assez variées. En 1778 il suivit les cours de l'uni-
versité et compléta son éducation relativement aux
langues classiques, à la littérature, à l'histoire. Il
fit dans toutes ces branches des progrès remar-
quables. Ne leur donnant pourtant que la place
qui leur convenait, d'après la carrière à laquelle
il se destinait, c'est surtout aux cours de médecine
qu'il voua son attention et son temps. Reçu bache-
lier en médecine (1777) et docteur en philosophie
(1779), il plut tellement à Reichel par son aptitude
et ses connaissances, que ce praticien renommé le
choisit pour son second. Dès lors la route de Dæhne
devenait facile. Tant que vécut Reichel, c'est-à-dire
cinq ans encore, Dæhne resta près de lui; et après
sa mort il conserva toute sa clientèle. Son renom
appuyé sur une science véritable ne fit que s'ac-
croître; sa fortune s'augmenta dans la même pro-
portion. Aussi aimait-il à répéter: Dat Galenus
opes. En revanche, il écrivit peu ; il n'en avait pas
le temps, et probablement il trouvait que nul ma-
nuscrit n'est aussi bien payé qu'une ordonnance.
Peu de médecins pourtant écrivaient mieux que
ne le faisait Dæhne, soit en allemand, soit en latin;
et, quant au fond des choses, peu de médecins aussi
possèdent plus de faits positifs et plus de sagacité
à les grouper et à en tirer des conséquence. Dæhne
est mort le 27 mars 1830. Nous citerons de lui :
1° De Aquis Lipsiensibus (31 mai 1783), thèse fort
remarquable sous le rapport de la topographie
médicale. 2o Divers articles dans la continuation
par Reichel des Commentarii de rebus in scientia
naturali et medicina gestis de Ludwig (entre autres
De aromatum usu nimio nervis noxio, de medici-
na Homeri, de consensu partium fluidaram et so-
lidarum corporis humani per exempla illustra—
to).

Quoique d'un tempérament délicat, il était parve- | prentissage chez l'habile pharmacien Gallisch (1768), nu à un âge très-avancé sans connaître les infirmités de la vieillesse. Il mourut à Paris le 4 février 1833, dans sa 91° année, laissant un fils et deux filles, l'une veuve du général Cherin, et, en secondes noces, de Ramond, membre de l'Institut, et l'autre, mariée à M. Laffite. Indépendamment des deux traductions déjà citées, on doit à Dacier des mémoires, disséminés dans le Recueil de l'Académie des inscriptions de 1776 à 1808, et qui peuvent donner une idée de l'étendue et de la variété de ses connaissances: Supplément au Traité de Henri Estienne sur la conformité du langage français avec le grec, t. 38. Recherches historiques sur l'établissement et l'extinction de l'ordre de l'Etoile, Notice d'une pièce historique qui fournit quelques détails sur Robert d'Artois, t. 40. men de l'histoire de la matrone d'Ephèse, et des différentes imitations qu'elle a produites, t. 41. Notice d'un manuscrit grec de la Bibliothèque du roi, intitulé: SYNTIPAS, ibid. - Mémoire sur la vie et les chroniques de Monstrelet, t. 43 (1). Questions historiques: A qui doit-on attribuer la gloire de la résolution qui sauva Paris pendant la prison du roi Jean? ibid. (voy. JEAN), Essai de traductions de quelques épigrammes de l'Anthologie grecque, avec des remarques, t. 47. Recherches sur l'usage observé en France quand les rois ont acquis des fiefs dans la mouvance de leurs sujets, t. 50. Dacier a rédigé la partie historique des six derniers volumes de l'ancienne collection des Mémoires de l'Académie et des neuf premiers de la nouvelle série. Il a prononcé les éloges des académiciens morts, depuis celui de Danville en 1783, jusqu'à celui de Barbié du Bocage en 1826, au nombre de cent cinquante, parmi lesquels on distingue ceux de Séguier l'antiquaire, de l'abbé Brotier, de Klopstock, de Dupuis, l'auteur de l'Origine des cultes, dont il réfute l'absurde système en rendant justice à sa profonde érudition, de Heyne; de Larcher, de La Porte du Theil, de Choiseul-Gouffier, de D Clément, de Visconti, de Boissy-d'Anglas, de D. Brial, etc. Enfin Dacier est l'auteur du Rapport sur les progrès de l'histoire et de la littérature ancienne depuis 1789 jusqu'à 1808, Paris, 1810, in-4° et in-8°, travail demandé par le gouvernement aux différentes classes de l'Institut, et qui devait servir de base à la distribution des prix décennaux. L'éloge de Dacier a été prononcé à l'Académie française par M. Tissot, son successeur, et à l'Académie des inscriptions par M. Silvestre de Sacy. W-s.

DACOSTA. Voyez ACOSTA.
DADIN Voyez HAUTE-SERRE.

DEHNE (JEAN-THEOPHILE), médecin, né le 5 octobre 1755 à Leipzig, où son père était mécanicien bydraulique, fut mis de bonne heure en ap

(4) C'est d'après ce curieux mémoire que M. Quérard avance, dans la France littéraire, que Dacier s'est longtemps occupé d'une édition de Monstrelet; mais il a confondu Monstrelet avec Froissart, dont il ne parle pas.

P-OT.

DAEHNERT (JEAN-CHARLES), professeur de philosophie et de droit à l'université de Greifswald, naquit à Stralsund en 1719, et mourut le 3 juillet 1785. Il a publié, en latin et en allemand, un grand nombre d'ouvrages, dont on trouve la liste dans le Dictionnaire de Meusel : 1o Réflexions critiques sur les traductions allemandes, Greifswald, 1743, in-8°; 2° Notices littéraires poméraniennes, ibid., in-8°, ouvrage périodique, commencé en 1743, et fini en 1746; 3° Notices critiques sur quelques ouvrages qui ont traité de la langue et de la littérature allemandes, ibid., 1744 in-4°; 4° Nouvelles critiques, ibid., ouvrage périodique en 5 vol in-4o, 1750-54; 5° Bibliothèque pomeranienne, ouvrage périodique, en 5 volume in-4o, ibid. 1750-56; 6° Histoire de Suède, par Olof Dalin, traduite du suédois, ibid., en 4 vol in-4°, 1776-62; 7° Événements remarquables et anecdotes pour servir à l'histoire du roi Charles XII, Greifswald et Léipzig, in-8°; 8° Principes constitutionnels de la monarchie suédoise, Rostock, 1759, in-8°; 9° Actes publics qui y sont relatifs, Rostock et Greifswald, 1760, in-8°; 10° Rapports qui ont existé de tous temps entre le royaume de

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