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8° Chien poursuivant un lièvre.

9° Guerrier, que Du Mège dit être un héros de l'Iliade, tenant sa lance dans la main droite. La chlamyde couvre son épaule et son bras gauches; devant lui se trouve une colonne, contre laquelle est appuyé son bouclier et sur laquelle repose son casque.

10° Deux Amours ailés, Eros et Antéros, d'après M. Rossignol, luttant devant la statue du dieu Terme ou de Priape (1).

Cette ornementation, déjà assez chargée, était primitivement complétée par quatre pendants formés de quatre petites croix attachées aux bras. Ils ont depuis longtemps disparu, mais il est facile d'en voir encore les traces (2).

La valeur artistique de cette croix, quoique encore fort grande, a été, il faut le dire, diminuée par des remaniements inhabiles que la disparition de nombreux ornements rendait nécessaires et qui heureusement sont visibles seulement à un observateur attentif. De nombreuses verroteries ont été ajoutées ou ont pris la place de pierres précieuses; de vulgaires grains de chapelet ont été fixés au moyen de pointes à grosse tête. Toutes ces réparations, dictées par un zèle aussi pieux que maladroit, dépareraient la croix si elles étaient plus apparentes et si la bonne conservation et l'harmonie encore remarquable de l'ensemble ne faisaient oublier les disparates des détails.

(1) C'est ce dernier came qui se trouve aujourd'hui à Albi.

(2) Signalons, pour terminer cette description, l'inexactitude de la note dans laquelle M. Rossignol dit (p. 380) que dans le haut de la croix se trouve une inscription très difficile à lire par suite de la réfraction du cristal taillé à facettes qui la recouvre. Après avoir enlevé le cristal de son alvéole, M. le curé de Montmiral, à qui nous devons ce renseignement, n'a trouvé en dessous qu'un petit coussin de papier fait de morceaux enlevés à un livre. D'inscription pas la moindre trace. Le fait d'ailleurs n'est pas unique; plusieurs autres pierres transparentes sont dans le même cas: le coussin qui les retient est tantôt en papier, tantôt en étoffe, ce qui a fait croire à tort, à certains, que sous la plupart des pierres se trouvaient des reliques.

En tant qu'objet d'art, la croix de Montmiral avait attiré l'attention des organisateurs du Petit Palais des Beaux-Arts à l'Exposition universelle de 1900. Ils désiraient vivement la voir figurer dans leurs vitrines, où elle eût occupé, à n'en pas douter, un rang plus qu'honorable. Elle avait même été expédiée à Albi dans ce but; mais Mgr l'Archevêque n'autorisa son envoi qu'à une condition, c'est qu'on enlèverait les reliques qu'elle contenait; et, comme on ne put desceller le globe de cristal qui les recouvre, la croix reprit le chemin de Montmiral. Ce ne fut pas sans avoir éveillé les désirs du chapitre métropolitain qui, sous prétexte que la croix portait le mot Albi, élevait sur elle des prétentions mal fondées. M. le curé-doyen de Montmiral a bien fait de résister à ces insinuations. La présente notice établit suffisamment, croyons-nous, les titres de propriété de son église.

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CE QU'ON SAIT DE SON HISTOIRE. LA LÉGENDE. Une tradition, d'ailleurs assez vague, comme toutes les traditions, s'est formée et existe encore à Montmiral sur le passé et l'origine de cette belle croix. Les uns veulent qu'elle ait été offerte en présent à un comte d'Armagnac par un prince d'Orient. Une autre tradition, plus précise mais d'origine moins populaire et sans doute moins ancienne, dit qu'elle est un cadeau du pape Jean XXII, originaire, on le sait, de Cahors; cette dernière est d'autant plus vraisemblable que le style de la croix accuse la fin du XIIIe siècle ou le commencement du XIV. On peut supposer qu'Arnaud de Trian, vicomte de Talard et comte d'Ariffe au royaume de Naples, la reçut de son oncle Jean XXII. Arnaud de Trian porte le titre de seigneur de Montmiral dans plusieurs actes de l'année 1321 (1).

(1) Dom Vaissète, Hist. générale du Languedoc, éd Privat, t. 18, p. 414. Cf. Rossignol, op. cit., p. 363.

Celui-ci ou ses descendants auraient donné la croix aux comtes d'Armagnac leurs successeurs dans la seigneurie de Montmiral.

Elle fut ainsi transmise de père en fils jusqu'au dernier comte Charles, qui la donna sans doute avant de mourir à l'église. Cette hypothèse très vraisemblable peut parfaitement être acceptée en l'absence de textes définitifs.

De ces époques lointaines la tradition, franchissant trois siècles, arrive à la Révolution. Voici ce qu'elle rapporte la croix avait été enfouie dans l'écurie d'une maison de la rue de l'Hôpital par un vicaire de Montmiral, parent de la famille Bertras; il l'avait enveloppée de linges et d'étoffes précieuses et recouverte de paille. Comme à cette époque on avait l'habitude de la porter en procession sur le Puech-Miral afin d'éloigner les orages, ledit abbé montait au galetas de sa maison et par l'ouverture faisait les prières accoutumées; les nuages se dissipaient alors comme par enchantement, et les bons habitants de Montmiral de se réjouir et de dire notre croix n'est pas perdue. Mais bientôt le curé et les vicaires de Montmiral, qui étaient au nombre de huit, durent quitter le royaume. Avant de partir, celui qui avait la garde de la croix dut ne mettre personne dans le secret et cacha le précieux trésor dans une sorte de silo creusé au pied des murailles du château. C'est là qu'un porc le découvrit au commencement du siècle. On avait dû coucher la croix dans un lit de mortier, car à sa partie supérieure elle porte encore des traces de chaux. « Lors de la descente du clocher qui eut lieu au commencement de la Révolution, dit le manuscrit Plantié (1), et de la remise de tous les

(1) Ce manuscrit, rédigé en 1821, est aujourd'hui entre les mains de M. Maurel, curé de Viterbe (Tarn). 11 contient entre autres choses un « Mémoire sur l'origine de la belle et sainte croix que possède l'église de Montmiral. » Il est d'autant plus curieux qu'il rapporte fidèlement et sans critique les traditions qui avaient cours de son temps; il est intéressant de remarquer qu'elles sont encore

vases sacrés, il n'y eut que la belle croix qui fut conservée. parce qu'elle fut cachée, ainsi qu'une petite boîte qui est d'argent où est la saincte pierre qu'on met dans les yeux et qu'on dit être un saphir détaché de la belle croix. »

La croix de Montmiral, à la présence de laquelle la tradition attribue, nous l'avons vu, de grandes faveurs, fut de tout temps fort vénérée à Montmiral. Jadis on la portait le vendredi-saint sur quatre petits oreillers (1); aujourd'hui encore elle est portée solennellement le 25 avril, jour de la Saint Marc, et le jour de la fête de la Sainte-Trinité. De plus, le 2 février, on fait une procession pour rappeler la délivrance de la ville attaquée par les protestants. Le clergé arrive à l'endroit marqué par un sureau où un porc découvrit la croix au commencement du siècle, s'arrête ainsi que tous les assistants; on chante une antienne et un verset, puis la procession reprend sa marche pour rentrer à l'église.

Tels sont les renseignements, plus ou moins exacts, que fournit la tradition orale sur la « belle et sainte croix. » Mettons en regard les textes que nous possédons et essayons d'en tirer quelques résultats certains au point de vue de l'histoire et de l'archéologie.

CE QU'ON SAIT DE SON HISTOIRE. LES TEXTES. Aucun document ne permet d'assigner une date précise à la croix de Montmiral. Toutefois, si l'on considère son aspect général et son style, on peut placer sa confection à la fin du xe ou au plus tard au début du XIVe siècle. C'est du moins l'opinion émise par M. Emile Molinier, conservateur au musée du Louvre, et l'absence

aujourd'hui vivantes, M. le baron de Rivière a publié des extraits du manuscrit Plantié dans le Bull, archéol. du Midi de la France, série in-8', no 15 (189495). pp. 27-28.

(1) Voir ci-après. Le cardinal de Bernis ordonna que les prétres seuls pussent la toucher et l'exposassent sur l'autel comme le Saint-Sacrement.

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