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elles dociles à ses désirs, il les accable de soins, de caresses, il tresse leur crinière en une infinité de nœuds inextricables; mais si elles résistent, il les maltraite, les frappe, leur donne la morve, et finalement les tue, comme il est constaté par l'expérience de chaque jour.

27. Enfin, chose prodigieuse et presque incompréhensible, ces Incubes, qu'on appelle en Italien Foletti, en Espagnol Duendes, en Français Follets, n'obéissent pas aux Exorcistes, n'ont aucune peur des exorcismes, aucune vénération pour les objets sacrés, à l'approche desquels ils ne manifestent pas la moindre frayeur bien différents en cela des Démons qui tourmentent les possédés, car, si obstinés que soient ces malins esprits, si rétifs qu'ils se montrent à l'injonction de l'Exorciste qui leur commande de déloger du corps du possédé, il suffit pourtant de prononcer le très saint nom de Jésus ou de Marie ou quelques versets des Saintes Écritures, d'imposer des Reliques, principalement le Bois de la Sainte Croix, ou d'approcher

les Saintes Images, pour qu'aussitôt on les entende rugir à la bouche du possédé, et qu'on les voie grincer des dents, s'agiter, frémir, montrer, en un mot, tous les signes de la crainte et de l'horreur. Mais ces coquins de Follets, rien de tout cela n'a d'effet sur eux s'ils discontinuent leurs vexations, ce n'est qu'après longtemps et quand ils le veulent bien. De ceci je suis témoin oculaire, et je vais en conter une histoire qui réellement passe toute croyance humaine : mais, que Dieu m'en soit témoin! c'est la pure vérité, confirmée d'ailleurs par de nombreux témoignages.

28. Il y a environ vingt-cinq ans, alors que j'étais Professeur de Théologie Sacrée au couvent de Sainte-Croix, à Pavie, habitait dans cette ville une femme mariée, d'excellentes mœurs, et dont tous ceux qui la connaissaient, principalement les Moines, disaient le plus grand bien. Elle se nommait Gironima, et demeurait sur la paroisse de Saint-Michel. Un jour, cette femme avait pétri chez elle du pain, qu'elle confia ensuite

au fournier pour le faire cuire. Le fournier lui rapporte le pain cuit, et en même temps une grande galette de forme très curieuse, arrangée au beurre et aux pâtes de Venise, comme on a coutume de faire les gâteaux dans ce pays-là. Elle refuse de recevoir cette galette, disant qu'elle n'a rien fait de pareil. << Mais, >> dit le fournier, « je n'ai pas eu aujour» d'hui d'autre pain à cuire que le vôtre : il >> faut bien que la galette aussi vienne de chez » vous; votre mémoire est en défaut. » Notre bonne dame se laisse convaincre; elle accepte la galette et la mange en compagnie de son mari, de sa petite fille âgée de trois ans et de sa servante. La nuit d'après, tandis qu'elle était couchée avec son mari et que tous deux dormaient, la voici qui s'éveille au son d'une voix extrêmement fine, quelque chose comme un sifflement aigu, mais qui cependant lui murmurait à l'oreille des paroles très distinctes cette voix lui demandait « si le » gâteau avait été de son goût? » Effrayée, notre bonne dame commence à se munir du signe de la Croix et à invoquer coup sur coup les noms de Jésus et de Marie. « Ne

» crains rien, » disait la voix, « je ne te veux » pas de mal; bien au contraire, il n'est >> rien que je ne fasse pour t'être agréable, je » suis épris de ta beauté, et mon plus grand » désir, c'est de jouir de tes embrassements, » En même temps, elle sentait qnelqu'un qui lui baisait les joues, mais si légèrement, si mollement, qu'elle se serait crue frôlée par un duvet de coton de la plus extrême finesse. Elle résista, sans rien répondre, se bornant à répéter maintes et maintes fois le nom de Jésus et de Marie, et à faire le signe de la Croix la tentation dura ainsi près d'une demi-heure, après quoi le tentateur se retira.

Le matin venu, la dame alla trouver son Confesseur, homme grave et savant, lequel la confirma dans la foi, et l'exhorta à continuer la résistance vigoureuse qu'elle avait faite et à se munir de quelques saintes Reliques. Les nuits suivantes, pareille tentation, avec paroles et baisers de même sorte; pareille constance aussi chez la dame. Fatiguée cependant d'épreuves si pénibles et si prolongées, elle prit le parti, sur le conseil de son Confesseur et d'autres hommes sérieux, de

se faire exorciser par des Exorcistes expérimentés pour savoir si, par hasard, elle n'était pas possédée. Les Exorcistes, n'ayant rien trouvé en elle qui indiquât la présence de l'Esprit malin, bénirent la maison, la chambre à coucher, le lit, et firent injonction à l'Incube d'avoir à cesser ses importunités. Mais chansons que tout cela! la tentation continua de plus belle, le galant faisant mine de mourir d'amour, et pleurant, et gémissant pour attendrir la dame, qui pourtant, avec la grâce de Dieu, resta invincible. L'Incube, alors, s'y prit d'une autre manière : il apparut à sa belle sous la forme d'un jeune garçon ou petit homme de la plus grande beauté, à la chevelure dorée et frisée, à la barbe blonde et resplendissante comme l'or, aux yeux glauques pareils à la fleur du lin, et, pour ajouter au charme, élégamment vêtu à l'Espagnole. D'ailleurs, il ne laissait pas de lui apparaître, malgré qu'elle se trouvât en compagnie; il se plaignait, comme font les amants, il pleurait, il lui envoyait des baisers, employait, en un mot, tous les moyens de séduction possibles pour obtenir

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