Page images
PDF
EPUB

Il te faut ma verve,
Ce feu du cerveau
Que le ciel allume,
Et qui par la brume
Des vieux jours atteint,
Pareil à l'étoile
Qu'un nuage voile,

Sur mon front s'éteint!

***

Où meurt l'espérance,
Est-il étonnant
Que l'indifférence
Règne maintenant ?
Aussi, peu m'importe,
A moi qui m'en vais,
Que les, bruits qu'apporte
Le siècle à ma porte
Soient bons ou mauvais !
Que la foule crie,
Qu'elle pleure ou rie,
Toujours je la fuis.
D'ailleurs, quand je suis
Si près de la tombe,
Que, pour que j'y tombe,
Un pas suffirait,
Quelle ardeur féconde,
Quel puissant attrait
Peut m'offrir le monde ?

Aux Arts j'applaudis : Peinture, Musique, M'ont vu fanatique. J'accourais, jadis,

Vers l'œuvre nouvelle, N'étant jamais las D'admirer... Hélas!

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

LA MORT DES FLEURS

A M. OLIVIER DE GOURcuff.

Novembre à mon jardin prend ses dernières fleurs ;
De la bise du nord les haleines glacées
Emportent leurs parfums et leurs vives couleurs :
Elles tombent fanées !

Aux jours ensoleillés où régnait le printemps,
Un matin les vit naître, et, ravi de leurs charmes,
Le soleil leur promit ses rayons éclatants

Et l'aurore ses larmes.

Et leur bonheur dura l'espace des beaux jours.
Les joyeux papillons les flattant de leurs ailes
Leur disaient: « Votre règne va durer toujours,
Oh! vous êtes si belles! >>

Les papillons sont morts, le soleil n'est plus roi
Au firmament, des vents les haleines froidies
Aux fleurs de mon parterre ont imposé leur loi
Et mes fleurs sont flétries !...

O fleurs que je soignais et que j'aimais d'amour, Fleurs en qui je trouvais de si charmants symboles, La vie et les parfums ont-ils fui sans retour

De vos douces corolles .. ?

P. GIQUELLO.

Tours, 5 novembre 1892.

PIERRE LECOQ

ÉTUDE DE MOEURS CAMPAGNARDES

(Suite et fin.)

I

C'était le lendemain du 18 mars 71.

Un vent de folie et de violence soufflait sur Paris, on sentait courir, comme avant les grandes tempêtes, des rumeurs sinistres... Çà et là errait une foule houleuse perfidement excitée par cette horde cosmopolite qui s'était subitement abattue sur la grande ville comme une bande de corbeaux sur un champ de bataille.

Ainsi qu'il arrive dans les grandes perturbations sociales, tout cet amas de convoitises et de haines reposant dans les bas-fonds sociaux, tout ce qui gronde au cœur humain quand la bête est déchaînée bouillonnait et remontait comme une écume à la surface !

La lie des faubourgs refluait vers le cœur de la citée mêlée aux gardes-nationaux, chemises-rouges, déserteurs, aventuriers de tous pays.

Des agents de désordre se répandaient par les groupes, flétrissant les Versaillais qui se préparaient (criaient-ils) à mitrailler le peuple avec l'aide des mobiles de Conlie et des zouaves du Pape !

Tout à coup les vociférations de la foule avaient redoublé de violence : « A bas les Versaillais ! A bas les chouans !! »

Des hommes essayaient vainement d'ébranler une grille en fer forgé bordant la rue au-devant d'une administration... veuve de

personnel depuis quelque temps, mais au-dessus de laquelle flottait toujours, le long de sa hampe un grand drapeau tricolore. Soudain, un individu leste comme un singe escalada la grille, puis s'aidant des pieds et des mains se hala comme un chat le long d'une gouttière d'angle et atteignit bientôt le balcon qui régnait sur tout le premier étage. Ce furent alors des hourrahs frénétiques...

L'homme arrachait le drapeau, puis, après l'avoir agité triomphalement quelques secondes au-dessus de sa tête, il le lança dans la foule qui le mit en pièces !

Une bordée de huées, de sifflets, soulignée par de longs et vigoureux applaudissements, salua cette éclipse passagère des couleurs nationales!... Mais à ce moment même passaient les lourds canons traînés par l'émeute, et l'attention du public se détourna vite de l'être inconscient qui venait d'accomplir ce triste exploit!... O vanité des triomphes populaires !

Dans ce garde national à la mine farouche, à la barbe à tous crins, il eût été difficile, certes! de reconnaître l'enfant que nous avons vu arrêté trente ans auparavant près de l'auberge de « La Zantouille », le jour de la procession de saint Mathurin... Cependant, ce n'était autre que notre ancienne connaissance : Pierre Lecoq!

Saltimbanque, déserteur, camelot, contrebandier, garibaldien et finalement soldat de l'émeute, il était venu comme tant d'autres s'échouer dans le mouvement insurrectionnel de la Commune!...

Le cadre modeste d'une telle étude ne permet pas de raconter les étapes de cette existence vagabonde... Pierre, lui, parlait de ses méfaits passés avec une certaine forfanterie, mais leur récit... trop fidèle n'offrirait sans doute qu'un médiocre intérêt.

Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il avait séjourné assez longtemps sur la frontière du Midi, en Corse et dans la Haute-Italie...

Un jour, il me raconta qu'après avoir ramassé une certaine somme (comment?... Je l'ignore)... il était venu lui aussi tenter les chances de la roulette ..

C'était (disait-il) à l'époque où ce veinard de « Blanc » commençait à monter sa boîte.

.. Monaco n'avait pas donné la fortune à Pierre, et cependant il aimait à revenir sur ce temps de sa vie.

... Ah! (disait-il) alors, si j'avais mis sur la rouge!... Mais non ! le pauvre diable, paraît-il, devait toujours mettre sur... la noire !! La Commune, comme faisant appel à tous les dévoyés, à tous les désillusionnés, devait à notre héros une place dans ses rangs.. C'était pour elle une recrue obligée...

Nous avons vu avec quelle ardeur Pierre avait embrassé la cause de l'insurrection; ce serait peut-être le moment de parler de ses opinions politiques.

A dire franchement, noire homme n'en avait pas de bien arrêtées, non! Il ne songeait nullement à réédifier la société sur des bases nouvelles... Il laissait cela aux philosophes du parti,

Ennemi d'ailleurs de toute entrave pour lui-même, il eût eu mauvaise grâce d'en forger pour les autres...

Ce n'était point non plus un sophiste épris de théories spécieuses, un songe creux rêvant d'une humanité meilleure où loups et moutons dansent au son des musettes sous les yeux des bergers attendris!... S'il suivit les réunions publiques, tous ces grands mots de fraternité, de revendications sociales et autres (on ne parlait pas encore d'anarchie), le laissèrent toujours indifférents. Selon lui, les exploiteurs ne font que... changer de masque. Le peuple, lui, n'y gagne pas grand'chose.

Le mot seul de liberté lui chatouillait agréablement l'oreille. Ah! la liberté... voilà son affaire à lui... et décidément il en trouvait trop peu dans ce bas-monde.

Trop de règlements sur la terre, trop de police, trop de gendarmes... surtout !

Pourquoi des prisons, pourquoi des casernes ?...

Pierre trouvait tout cela barbare, prodigieusement attentatoire à la liberté de chacun; lui, n'eût voulu ni grilles, ni barrières, ni clôtures... La terre n'est-elle pas à tout le monde ?...

La Commune parlait de faire tomber tous ces obstacles, et il était son homme,

Il lui semblait aussi qu'il y avait des anomalies frappantes... II trouvait peu naturel, criant même, qu'un pauvre diable crève de faim ou de soif sur sa borne quand les maisons d'en-face regorgent de victuailles savoureuses et de boissons rafraîchissantes...

« PreviousContinue »