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La solidité de ce travail qui emporte la conviction et le charme qu'on goûte à le lire nous fait souhaiter la prochaine apparition de l'étude sur le cardinal Dubois, que l'auteur nous promet dans sa préface. G. LAUNAY,

Ancien professeur d'histoire.

ILIOS ET ILIADE, par Gaston Sortais, S. J., in-8°, XVI-418 pages. Emile Bouillon, 67, rue Richelieu, Paris, 1892.

Trois mille ans ont passé sur la cendre d'Homère,

Et depuis trois mille ans Homère respecté
Est jeuno encor de gloire et d'immortalité.

Voilà pourquoi, même de nos jours, tout ouvrage sur le chantre sublime d'Achille, est le bienvenu, surtout lorsqu'il aborde, comme celui du P. Sortais, une controverse actuelle. L'auteur d'Ilios et Iliade, en effet, s'est demandé si l'œuvre attribuée au glorieux aède offrait une rigoureuse unité, si elle était sortie, telle que nous l'avons, de l'intelligence et du cœur d'un seul poète. Le P. Sortais reconnaît avec raison un plan primitif comprenant les grandes lignes du poème et relié par une commune légende; mais il prétend que des morceaux plus ou moins étendus, des épisodes même, ont été successivement ajoutés à l'œuvre première. Cette théorie, dans les sages limites où elle est contenue, se justifie facilement par l'étude attentive de l'ouvrage, et les preuves fournies par l'auteur ne sont pas loin de produire dans le lecteur impartial une véritable conviction.

Le P. Sortais touche ensuite un point plus délicat ; d'ailleurs il avoue franchement lui-même qu'il marche per ignes suppositos cineri. Il essaie de restaurer l'Iliade primitive en nous présentant, dans une traduction élégante et épurée, les morceaux qui, seuls. d'après lui, seraient d'Homère. On peut bien sur quelques points n'ètre pas entièrement de son avis, mais nul ne lui refusera la sagacité et la modération.

L'ouvrage se termine par une sorte d'appendice sur l'Olympe homérique et l'Art de l'illustre aède : c'est le digne couronnement d'un travail fort intéressant; son utilité sera certainement appréciée des professeurs et des élèves de nos établissements d'enseignement secondaire, comme de tous ceux qui conservent le goût des lettres antiques.

P. FLEURIAIS, Professeur de rhétorique.

ESSAI DE RYTHMIQUE COMPARÉE, par Raoul de la Grasserie. — Louvain,
J.-B. Istas, imprimeur-éditeur, 1892.

M. Kerviler a très justement comparé M. de la Grasserie à une planète qui gravite, solitaire, au firmament de la poésie bretonne. Mais si l'auteur de Bretonnes et Françaises n'a pas de satellites je veux dire de disciples on peut lui trouver dans le passé quelques parents intellectuels; il procède certainement, sans l'imiter, de Du Bartas, il a les graves défauts et les grandes qualités aussi du poète de la Sepmaine, la pensée vaste et féconde, mais trop complexe et confuse, faisant craquer le moule de l'expression, le style parfois. coloré et nerveux, parfois rude et barbare, roulant pêle-mêle le métal précieux et les scories. On l'a critiqué au nom du goût et on a dépassé, en le critiquant, les limites du goût; ce qu'on ne saurait du moins lui contester, c'est son érudition, sa science, et, s'il fait abus de ces rares facultés acquises et fécondées par le travail dans sa poésie un peu trop polytechnique, il a tous les droits d'en faire usage dans sa prose de lettré savant. Son dernier livre, Essai de rythmique comparée, n'est pas pour démentir cette opinion; il s'ajoute à la série des travaux de linguistique, de jurisprudence, de prosodie, que l'infatigable écrivain fait incessamment alterner avec des volumes de vers. Hier il résumait dans une brochure un projet de réforme hypothécaire, présenté et favorablement accueilli au récent Congrès de la propriété foncière; demain, il publiera les Sentiments, qui continuent à dérouler le cycle philosophique de ses recueils de poésies; dans l'intervalle il a fait paraître cet Essai. Je n'aurai pas l'air de railler en lui appliquant les vers de Boileau :

Bienheureux Scudéry, dont la fertile plume

Peut tous les mois, sans peine, enfanter un volume.

car ce n'est pas sans peine que travaille M. de la Grasserie, et toute sa ténacité de laborieux Breton est perpétuellement en jeu.

Une simple analyse de l'Essai de rythmique comparée remplirait des pages, car il n'y a ici aucun développement parasite, et toutes les phrases, tous les mots concourent directement au but que l'auteur s'est proposé, d'établir la synthèse de la rythmique et de la poétique d'une manière abstraite et générale. » Une étude approfondie de la partie phonique de la poésie (il consacrera un autre volume à la psychique et à

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l'application de la psychique à la rythmique) permet à M. de la Grasserie d'exposer ses idées motivées sur la prose rythmée, qu'il considère comme le seul langage apte à la traduction des vers, sur l'élision, l'assonance et la dissonance, l'hiatus, la césure, la quantité, la symétrie; grâce à son érudition polyglotte, il peut mettre en parallèle les formes de la poésie dans tous les temps et chez tous les peuples. La liste est longue des écrivains qui, avant et depuis Boileau jusqu'à MM. Becq de Fouquieres et Le Goffic, ont formulé des Arts poétiques. Le manuel de M. de la Grasserie ne sera pas le moins consulté; il est rehaussé par des vues bien originales, notamment le tableau de la lutte pour la vie entre les rythmes, comme elle existe entre les langues et entre les êtres. De tels rapprochements ne peuvent s'offrir qu'à un esprit élevé.

OLIVIER DE Gourcuff.

Au moment où je corrige les épreuves de cet article, je reçois le nouveau volume de vers de M. de la Grasserie, Les Sentiments, très supérieurs aux Formes, sur lesquelles s'est tant exercée la critique facile; un de nos collaborateurs en parlera dans la prochaine livraison.

O. DE G.

Jeanne d'Arc, par Kerhalvé.-Nantes, imprimerie Paul Plédran, S. D.

La littérature de Jeanne d'Arc s'est enrichie d'un volume entier, écrit par des Bretons. Voici encore un poète nommé Kerhalvé, dont l'hommage monte vers l'héroïne, la sainte. La France, dit Kerhalvé, se souvient,

Près de Clotilde et Geneviève,

Elle te rend son culte, ò vierge d'Orléans.

Souhaitons que dans l'œuvre de canonisation, l'Eglise donne enfin la main à la patrie, et remercions Kerhalvé d'avoir traduit une fois de plus en vers émus, souvent sonores, le merveilleux chapitre de nos annales. O. DE G.

MES CONCLUSIONS SOCIOLOGIQUES, par le comte de Chambrun.
Paris, Calmann-Lévy, éditeur, 1893.

Les nobles esprits se rencontrent, et je ne suis pas étonné d'entendre le R. P. Didon et le comte de Chambrun exposer en même temps la synthèse de la civilisation. Le discours religieux de l'éminent domini

cain sur Christophe Colomb et l'étude de l'économiste chrétien sur les questions sociales sont de la même famille: c'est du Phédon de Socrate, mais surtout de l'Evangile que se souvient M. de Chambrun, et il a le droit de dire, sa tâche accomplie : « J'ai parlé pour spiritualiser, humaniser, sanctifier. » Il a fait tenir dans les 130 pages de son livre toute une théorie de la science sociale basée sur la régénération de l'homme libre il ne s'effraie d'aucun progrès, il ne se rebute d'aucun obstacle; préoccupé avant tout du sort des travailleurs, il veut que l'usine devienne aussi une fabrique d'âmes. Ceux qui s'autorisent d'illustres et récents exemples pour croire à la réconciliation définitive de la science et de la foi s'instruiront et s'édifieront près de M. de Chambrun, dont le livre, véritable trait d'union entre le capital et le travail (le capital intelligent et le travail attrayant, aurait dit Fourier), s'éclaire de ces deux grands mots : Justice, Charité. O. DE G.

L'Anarchie littéraire, LES DIFFÉRENTES ÉCOLES, par Anatole Baju. Paris, Léon Vanier, éditeur, S. D. (1882).

M. Anatole Baju entreprend d'énumérer les écoles, ou plutôt les sectes de la jeune littérature; il distingue les Décadents, les Symbolistes, les Romans (pas ceux de M. Zola, les caudataires de M. Moréas), les Instrumentistes, les Magiques, les Magnifiques, les Anarchistes, les Socialistes, etc. Mon Dieu, comme M Jourdain, qui trouvait qu'il y avait trop de tinlamarre et de brouillamini dans le jargon de son maitre de philosophie, se serait amusé de tous ces adjectifs! Beaucoup de poètes d'illustres inconnus pour la plupart sont enrégimentés sous chacune de ces rubriques; s'ils ont du talent, ils jettent là leur gourme de jeunesse et redeviennent des Français tout simplement. M. Baju a raison d'intituler sa curieuse brochure l'Anarchie littéraire, une anarchie sans explosifs.

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O. DE G.

D'AURAY A CARNAC PAR PLOUHARNEL, par Louis Bonneau. imprimerie-librairie A. Rollando-Renaud, 1892.

Auray,

Notre confrère Louis Bonneau, auteur d'un coquet volume Chants d'Armor, auquel nous souhaitons de lui voir donner une suite, se délasse parfois, dans le commerce de la muse, de l'austère labeur du magistrat. Il nous promène tantôt à la Trinité-sur-Mer, tantôt d'Auray à Carnac. Ce dernier voyage est particulièrement suggestif, les monuments TOME VIII. NOVEMBRE 1892.

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mégalithiques y sont énumérés avec une précision topographique. On reconnaît aussi

Les buguls en haillons, lazaroni du lieu,

Les cheveux en broussaille..

Ce détail eût ravi Chapelle, l'inventeur des voyages poétiques.

O. DE G.

Paris, J. Mersch,

R. P. DIDON. Christophe Colomb, discours prononcé à la cathédrale de Rouen, le 12 octobre 1892. imprimeur, 1892.

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Je ne crois pas que le R. P. Didon, même dans ses admirables conférences du carème dernier à la Madeleine, se soit jamais élevé plus haut que dans ce discours sur Christophe Colomb. Devant ces pages que la largeur des vues, la flamme de l'éloquence, l'ampleur du style permettent de comparer à Bossuet, les lecteurs retrouvent les impressions qu'ont dû avoir les auditeurs. Le P. Didon trace un tableau complet de la foi, du génie, des malheurs de Christophe Colomb, qu'il appelle un grand voyant et un grand chrétien; mais son esprit s'élève plus haut encore et s'éclaire vraiment de ces lueurs dont parle Bossuet quand il esquisse la synthèse de la civilisation qui a trois taches distinctes, l'une terrestre, l'autre humaine, la troisième divine. Il faudrait pouvoir tout citer, et les louanges à l'adresse de l'Eglise de Normandie, « la première qui ait essaimé sur l'Amérique, » et les rapprochements pleins d'un noble amour du progrès entre Colomb et Claude Bernard ou Pasteur. Je veux au moins retenir cette phrase sur l'homme providentiel à qui le P. Didon voudrait que tout chrétien élevât un autel intérieur : « Il planta sur le nouveau monde la croix, qui doit tout dominer sans rien asservir, et il salua dans la croix le Christ libérateur du monde. » O. DE G.

LE PRIEURE ROYAL DE SAINT-MAGLOIRE DE LEHON, par M. l'abbé
FOUÉRÉ-MACÉ, recteur de Lehon, avec une introduction de
M. Fabbé DANIEL, archiprêtre de Saint-Sauveur de Dinan.
In-4° de xxIII et 417 pages. Rennes, Caillière, éditeur.

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La Grèce avait son Arcadie, dont les prés fleuris et les riants ombrages charmaient jusqu'aux dieux de l'Olympe; elle avait son frais vallon de Tempé, qui existe encore, mais qui est, dit-on, fort défraîchi. La HauteBretagne a Dinan, dont la campagne opulente, verdoyante et pittoresque

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