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par la foi» détruisent la possibilité de la vraie régénération morale, puisque mis en présence des premiers germes du véritable redressement moral, ils les expulsent comme un foetus qui n'est pas viable, au lieu de les laisser se développer, mûrir, devenir un organisme plein de vie.

De même que, comme moyen d'éducation propédentique pour les peuples, la morale hétéronome a pour la moralité autonome une valeur qu'il ne convient point de rabaisser, il se peut que le calme procuré à la conscience par la foi à une justification gagnée par le mérite d'autrui et un amendement dû à un secours étranger aient eu leur légitimité historique relative. Mais il s'agit d'autre chose aujourd'hui; il s'agit de soutenir par nos propres moyens et de conduire à bonne fin l'amendement et le relèvement moral après une chute arrivée par notre fait et non par le fait d'autrui, pour posséder ensuite et retenir fermement ce qui aura été péniblement conquis comme un capital moral qui nous appartient en propre. Ce chemin est sans contredit plus pénible et plus fatigant que le pont commode d'un acquittement obtenu par le mérite d'autrui; mais aussi l'œuvre. sérieuse de la moralisation de soi-même par une discipline morale progressant pas à pas donnera des résultats réels, et non pas seulement imaginaires

comme la régénération paulinienne, après laquelle il s'est trouvé que, si l'homme s'était effectivement enrichi, c'était uniquement en orgueil spirituel.

Mais si l'éthique panthéiste renonce ainsi d'une part aux expédients extérieurs et factices de rédemption dont le christianisme a le privilége, elle ne cesse cependant pas pour cela d'être une morale religieuse (comme la morale humanitaire du protestantisme libéral qui a coupé les liens avec la métaphysique). En se reliant étroitement avec la métaphysique dont l'efficace éthique est la plus grande, elle s'élève au contraire à la hauteur de la morale religieuse en un sens bien plus élevé que la morale chrétienne. Cette dernière, quoi qu'elle fasse, reste toujours pseudo-morale hétéronome, et ne peut atteindre la racine métaphysique la plus profonde de la moralité, parce que le Dieu personnel des chrétiens n'est pas immanent au monde, mais lui reste opposé comme à une substance créée par lui.

Le chapitre du culte ne se prête, par sa nature même, qu'à un petit nombre d'indications fort brèves, puisque l'accident y joue le plus grand rôle dans le choix des symboles et la forme des pratiques de dévotion. On peut affirmer seulement que le culte d'une religion de l'avenir devra être plus intérieur que celui des religions d'aujourd'hui. Plus

une religion perd de son contenu essentiel et de sa vertu comme excitant l'émotion, plus son culte devient extérieur. Au contraire tous les rénovateurs religieux ont attaqué le culte extérieur qu'ils ont trouvé établi et ont insisté sur le culte intérieur. Jésus aussi, réduisant le culte essentiellement à la prière, réclame des paroles brèves pour la prière publique et en commun, et recommande la prière solitaire. Aussi ne doit-on pas faire un reproche au protestantisme libéral de ce qu'il amoindrit le culte extérieur, mais seulement de ce qu'il mine le sol du culte intérieur. Si, comme on peut s'y attendre, la marche du développement se continue à partir de l'uniformité catholique par la multiplicité des sectes du protestantisme jusqu'à l'individualisme religieux, qui s'harmoniserait le mieux particulièrement avec l'âme allemande, on peut trouver encore dans cette loi une claire indica tion du sens dans lequel se développera le culte intérieur qui sera celui de la religion de l'avenir. Mais pour ce qui touche au culte individuel intérieur, c'est-à-dire à la profondeur de l'émotion et de la satisfaction religieuses, nous le répétons, aucune autre métaphysique ne peut surpasser la métaphysique panthéiste, qui offre l'accomplissement de ce qu'ont cherché et poursuivi les mystiques de tous les pays et de tous les temps.

Si donc l'on considère l'état actuel de la science, ce qu'il y a de plus vraisemblable, c'est que la religion de l'avenir, si d'une façon générale une telle religion est jugée possible, sera un panthéisme et avec plus de précision un monisme panthéiste (à l'exclusion de tout polythéisme) ou un monothéisme immanent impersonnel dont la divinité a le monde, sa manifestation subjective, non pas hors de soi, mais en soi. Mais ni le christianisme positif avec le polythéisme de sa Trinité, ni le protestantisme libéral avec son théisme personnel abstrait ne sont capables de donner satisfaction au besoin ressenti. D'après l'histoire des religions, on ne peut atteindre ce qu'on cherche que par une synthèse du développement religieux hindou et du développement judéo-chrétien constituant une forme qui réunisse en elle les avantages des deux tendances en éliminant leurs défauts, et par là seulement devienne capable de remplir le rôle de religion véritablement universelle.

Un pan-monothéisme de cette nature serait la métaphysique qui s'accorderait le mieux avec la raison, qui à la fois exciterait le plus énergiquement et satisferait le mieux le sentiment religieux, et prêterait à la morale le plus ferme appui. Dès lors il se rapprocherait le plus de ce que le peuple cherche dans la religion sous le nom de « la vérité. »

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